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14/10/2021 | FRANCE | N°19BX00031

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 14 octobre 2021, 19BX00031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 28 786,80 euros en réparation des préjudices que lui ont causés les fautes commises par le recteur de l'académie de Bordeaux dans le recours abusif à des renouvellements de ses contrats à durée déterminée et dans les conditions de la fin de la relation contractuelle.

Par un jugement n° 1703435 du 22 octobre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 janvier 2019 et le 19 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 28 786,80 euros en réparation des préjudices que lui ont causés les fautes commises par le recteur de l'académie de Bordeaux dans le recours abusif à des renouvellements de ses contrats à durée déterminée et dans les conditions de la fin de la relation contractuelle.

Par un jugement n° 1703435 du 22 octobre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 janvier 2019 et le 19 août 2021, Mme A..., représentée par Me Bernat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 octobre 2018 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 28 786,80 euros en réparation des préjudices causés par les fautes commises par le recteur de l'académie de Bordeaux résultant du recours abusif à des contrats à durée déterminée pour l'employer et des conditions de la fin de la relation contractuelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recteur d'académie l'a recrutée, dans les mêmes fonctions, pendant dix-huit ans par contrats à durée déterminée successifs, en méconnaissance de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 ; ce recours abusif aux contrats à durée déterminée sur le même emploi est fautif ;

- le non-renouvellement de son contrat après le 31 août 2015 doit s'analyser comme un licenciement, au demeurant brutal, et une indemnité de 9 514,72 euros, calculée conformément aux articles 53 à 55 du décret du 17 janvier 1986 doit lui être versée ;

- les dispositions relatives au délai de deux mois et à 1'entretien préalable prévus par l'article 45 du décret du 17 janvier 1986 en cas de non-renouvellement d'un contrat n'ont pas été respectées ;

- ces fautes ont causé un préjudice moral évalué à 5 000 euros, et un préjudice financier consistant en la perte d'une année de salaire soit 14 272,08 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, conclut au rejet de la requête de Mme A....

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2003-400 du 30 avril 2003 ;

- le décret du 27 octobre 1938 relatif au statut des surveillants d'externats des collèges modernes ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2003-484 du 6 juin 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée par le recteur de l'académie de Bordeaux par contrats à durée déterminée successifs d'un an, à compter du 1er septembre 1997, comme surveillante d'externat au collège Cassignol, puis au lycée technique Saint-Louis. A compter du 1er septembre 2009 Mme A... a été employée en qualité d'assistante d'éducation dans ce dernier établissement. Son contrat n'ayant pas été renouvelé après le 31 août 2015, elle a demandé au recteur de l'académie de Bordeaux l'indemnisation des préjudices résultant du recours abusif à des contrats à durée déterminée pour l'employer et des conditions de la fin de la relation contractuelle. Devant le refus du recteur du 8 juin 2017, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 28 786,80 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 octobre 2018 rejetant sa demande.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat (...) sont (...) occupés (...) par des fonctionnaires régis par le présent titre (...) ". Selon l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les emplois permanents de l'Etat et des établissements publics de l'Etat énumérés ci-après ne sont pas soumis à la règle énoncée à l'article 3 du titre Ier du statut général : (...) 6° Les emplois occupés par les assistants d'éducation, les maîtres d'internat et les surveillants d'externat des établissements d'enseignement (...) ". L'article 2 du décret du 27 octobre 1938 relatif au statut des surveillants d'externats des collèges modernes dispose que : " [Les] fonctions [de surveillant ou surveillante d'externat], essentiellement temporaires, (...) cessent de plein droit après six ans de services effectifs, pour tous les surveillants ou surveillantes ". L'article L. 916-1 du code de l'éducation prévoit que : " Les assistants d'éducation sont recrutés par des contrats d'une durée maximale de trois ans, renouvelables dans la limite d'une période d'engagement totale de six ans ".

3. En premier lieu, Mme A... soutient que l'administration a commis une faute en recourant abusivement à des contrats à durée déterminée pour l'employer. Il résulte des dispositions précitées, que les surveillants d'externat comme les assistants d'éducation, ne peuvent être recrutés que pour une durée déterminée et pour une période de 6 ans maximum. Aussi, la circonstance que le recrutement de Mme A... n'aurait pas été conforme aux dispositions précitées est sans incidence sur la légalité du refus de renouveler son contrat. En revanche ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un renouvellement abusif de contrats à durée déterminée ouvre à l'agent concerné un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

4. Il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause. A cet égard, il résulte de l'instruction que Mme A... a exercé des fonctions de surveillante d'externat du 1er septembre 1997 au 31 août 2009 puis d'assistante d'éducation du 1er septembre 2009 au 31 août 2015. Les fonctions exercées étaient de même nature, cependant, alors que l'Etat était son employeur lorsqu'elle occupait l'emploi de surveillante d'externat, elle a été recrutée par le chef de l'établissement public local d'enseignement pour occuper le poste d'assistante d'éducation. Dans ces conditions, le recours à des contrats successifs dans la limite des 6 années autorisées par les dispositions précitées pour l'employer en qualité d'assistante d'éducation ne saurait être regardé comme étant abusif. En revanche, en la recrutant par 12 contrats successifs sur une période de 12 années en qualité de surveillante d'externat, l'Etat doit être regardé comme ayant eu recours de façon abusive à une succession de contrats à durée déterminée. Par suite, Mme A... est fondée à demander réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du recours abusif à une succession de contrats à durée déterminée, dans la limite de 12 années.

5. En second lieu, Mme A... soutient que l'administration a commis une faute en mettant fin brutalement, sans préavis ni entretien, à la relation contractuelle, en méconnaissance des dispositions du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat. Cependant, les dispositions précitées de l'article L. 916-1 du code de l'éducation faisaient obstacle à ce que le chef d'établissement du lycée Saint Louis de Bordeaux renouvelle le dernier contrat de Mme A... qui venait d'accomplir une période totale d'engagement de six ans. L'administration était ainsi tenue de mettre fin aux fonctions de Mme A..., et, par suite, la circonstance que la décision mettant fin à la relation contractuelle serait intervenue sur une procédure irrégulière ne saurait être regardée comme une illégalité fautive.

Sur les préjudices :

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, l'Etat a commis une faute en recourant abusivement à 12 contrats à durée déterminée pour employer Mme A... sur le même poste et pour une durée de 12 années. Mme A... est donc fondée à demander réparation du préjudice qu'elle a subi lors de l'interruption de la relation d'emploi, et ce préjudice doit être évalué en fonction des avantages financiers auxquels elle aurait pu prétendre en cas de licenciement si elle avait été employée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Ce préjudice doit être évalué en fonction des modalités de rémunération qui auraient été légalement applicables à un tel contrat.

7. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 54 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, l'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article 53 de ce décret pour chacune des douze premières années de services et au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Il est constant que la rémunération de base devant être prise en compte pour le calcul d'une telle indemnité s'élève, en l'espèce, à la somme à 1 189,34 euros. Eu égard au nombre d'années durant lesquelles Mme A... a exercé ses fonctions de surveillante d'externat entre le 1er septembre 1997 et le 31 août 2009, le préjudice résultant pour la requérante de la perte de cet avantage financier auquel elle aurait pu prétendre en cas de licenciement si elle avait été employée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, doit être évalué à la somme de 7 136,04 euros.

8. En second lieu, Mme A... prétend avoir subi un préjudice moral du fait du recours abusif à une succession de contrats à durée déterminée. Toutefois, il n'est pas contesté que Mme A... ne remplissait pas les conditions prévues par le décret du 27 octobre 1938 pour être recrutée par l'Etat sur le poste de surveillante d'externat, et notamment la condition d'âge et celle de se destiner aux carrières de l'enseignement. Elle ne pouvait donc ignorer qu'elle avait été recrutée illégalement sur le poste de surveillante d'externat, par mesure de faveur afin de la soustraire à une situation financière précaire à la suite du décès de son mari enseignant. Aussi, dans les circonstances de l'espèce, Mme A... n'est pas fondée à demander à être indemnisée d'un préjudice moral.

9. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 5, en l'absence d'illégalité fautive de la décision mettant fin à la relation contractuelle en qualité d'assistante d'éducation, Mme A... n'est pas fondée à demander à être indemnisée d'un préjudice sur ce fondement.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

11. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et de condamner l'Etat à verser à Mme A... la somme de 7 136,04 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du recours abusif à des contrats à durée déterminée pour l'employer en qualité de surveillante d'externat.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qu'il versera à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 7 136,04 euros à Mme A... en réparation de son préjudice et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera délivrée au recteur de l'académie de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2021.

La rapporteure,

Fabienne Zuccarello

La présidente,

Marianne Hardy La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX00031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00031
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET LEX CONTRACTUS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-14;19bx00031 ?
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