Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler son évaluation professionnelle établie au titre de l'année 2012 et d'enjoindre à l'administration d'organiser une nouvelle évaluation professionnelle pour cette année, dans un délai de trois mois, sous astreinte de cent euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1600886 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés le 4 juin 2019 et le 27 juin 2019, M. A..., représenté par Me Magne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2019 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler la notice de renseignements et d'appréciations établie pour l'année 2012 le 24 mai 2016 à la suite de l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Limoges dans son jugement du 3 décembre 2015 ;
3°) d'enjoindre à l'administration d'organiser une nouvelle évaluation professionnelle pour l'année 2012, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités, dès lors qu'il est insuffisamment motivé sur l'argumentation présentée tirée de ce qu'il victime de nouveaux faits de harcèlement moral contemporains de son évaluation en mai 2016 et alors que la charge de la preuve ne lui appartient pas ; il est entaché de contradiction de motifs dès lors que le tribunal, dans une composition identique, a, dans le jugement attaqué, écarté l'application de l'arrêté du 11 janvier 2013 relatif à l'entretien professionnel de certains personnels du ministère de l'intérieur, alors qu'il en a fait application, dans son jugement n° 1301669 du 3 décembre 2015, pour annuler la notice de renseignements et appréciations de l'année 2012 établie par sa hiérarchie le 16 octobre 2013 ;
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit, pour avoir relevé que le délai de huit jours, fixé par l'article 2 du décret du 28 juillet 2010, entre la convocation et la tenue de l'entretien d'évaluation avait été méconnu, en estimant néanmoins qu'il n'avait pas été privé d'une garantie ; la fiche d'entretien n'a pas été jointe à la convocation en violation de l'article 3 de l'arrêté du 11 janvier 2013 ; aucun entretien professionnel n'a réellement eu lieu le 20 mai 2016, qui n'a duré que quelques secondes ;
- l'évaluation professionnelle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- cette évaluation est révélatrice de faits de harcèlement moral en méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M. A....
Il fait valoir que :
- le jugement attaqué n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation et d'une contradiction de motifs ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 modifié ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Agnès Bourjol,
- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., titularisé en qualité de gardien de la paix en février 2002, est affecté au sein de la circonscription de sécurité publique de Limoges, au sein du commissariat de police central de la ville de Limoges. Le 27 septembre 2013, son évaluation au titre de l'année 2012 a été portée à sa connaissance. Le 10 octobre 2013, M. A... a exercé un recours gracieux contre cette évaluation et ce recours a été partiellement accueilli le 22 octobre 2013, avec l'établissement d'une nouvelle évaluation. M. A... a saisi, le 20 novembre 2013, le tribunal administratif de Limoges d'une requête tendant à l'annulation de cette évaluation. Par un jugement n° 1301669 du 3 décembre 2015, le tribunal a annulé cette évaluation et a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à une nouvelle évaluation de M. A..., au titre de l'année 2012, dans un délai de trois mois. En exécution de ce jugement, M. A... a été convoqué pour un entretien annuel d'évaluation, au titre de l'année 2012, le 20 mai 2016. La nouvelle évaluation au titre de l'année 2012 a été portée à la connaissance de M. A... le 24 mai 2016. M. A... relève appel du jugement du 5 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la notice de renseignements et d'appréciations pour l'année 2012, établie le 24 mai 2016.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". M. A... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il se borne à indiquer qu'il n'apporte aucun élément contemporain à la nouvelle procédure d'évaluation en mai 2016 de nature à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre. Ce faisant, les premiers juges n'avaient donc pas à rechercher, contrairement à ce que soutient le requérant, si l'administration avait des arguments de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Il résulte des motifs du jugement, en particulier les points 13 et 14, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments des parties, ont cité les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 et ont expressément répondu au moyen soulevé par le requérant. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé.
3. Si M. A... soutient que le jugement du tribunal administratif est entaché d'une contradiction de motifs pour avoir écarté l'application de l'arrêté du 11 janvier 2013 relatif à l'entretien professionnel de certains personnels du ministère de l'intérieur, alors qu'il en avait fait application dans son jugement du 3 décembre 2015 pour annuler la notice de renseignements et d'appréciations de l'année 2012 établie par sa hiérarchie le 16 octobre 2013, cette contradiction, à la supposer établie, affecte le bien-fondé de la décision juridictionnelle et non sa régularité.
Sur la légalité de la décision litigieuse :
4. Aux termes des dispositions de l'article 16 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " La notation des fonctionnaires actifs des services de la police nationale fait l'objet d'un ou plusieurs entretiens d'évaluation. Elle est établie annuellement sur une notice qui comporte : 1. Une liste d'éléments d'appréciation non chiffrée permettant d'évaluer les qualités personnelles, professionnelles et les aptitudes manifestées dans l'exercice des fonctions ; 2. Une grille de notation par niveau de 1 à 7 qui rend compte de la situation du fonctionnaire ; 3. Une appréciation non chiffrée qui rend compte de l'évolution de la valeur du fonctionnaire. ". Aux termes des dispositions de l'article 2 du décret susvisé du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct / La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations ".
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. M. A... soutient que le compte rendu de l'entretien professionnel du 20 mai 2016 serait entaché d'un vice de procédure du fait du non-respect du délai de convocation de huit jours, institué au troisième alinéa de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été convoqué, par un document du 17 mai 2016, pour un entretien préalable à l'évaluation le 20 mai 2016. Le délai de huit jours entre la convocation et la tenue de l'entretien, prévu par ces dispositions, a été méconnu. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette méconnaissance du délai de huit jours aurait eu des incidences sur le déroulement de son entretien professionnel, le privant ainsi d'une garantie, ou sur la teneur du compte-rendu qui en est résulté. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
7. M. A... se limite à reprendre l'argumentation soumise au tribunal administratif et tirée de vices de procédure tenant au défaut de transmission préalable à l'entretien d'évaluation de la fiche d'entretien professionnel prévu par l'article 3 de l'arrêté du 11 janvier 2013, à l'absence de tout entretien réel, et à l'absence de signature par le supérieur hiérarchique direct de M. A... en méconnaissance de l'article 4 du décret précité du 28 juillet 2010, sans apporter de nouveaux éléments en appel. Par suite, il y a lieu d'écarter l'ensemble de ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, dès lors que la réponse du tribunal est elle-même suffisante et n'appelle pas de nouvelles précisions en appel.
8. Il ressort du compte-rendu de l'entretien d'évaluation de M. A... pour l'année 2012, tenue le 20 mai 2016 avec son supérieur hiérarchique direct, en exécution du jugement du 3 décembre 2015 ayant annulé sa notation 2012 pour vice de procédure, que M. A... " n'a pas perduré dans la persévérance d'une activité judiciaire engendrant de ce fait un retard important, malgré l'effort de sa hiérarchie en lui affectant moins de dossiers. ", qu'" il doit prendre en compte la mesure de son métier, avoir un meilleur sens de l'organisation dans la gestion de son travail afin de ne pas se laisser déborder tout en rendant un travail plus fouillé et en rapport avec sa qualification d'OPJ, observations dont il a plusieurs fois été informé, mais dont il ne semble pas tenir compte. ", que " les relations hiérarchiques sont devenues irrespectueuses et absentes avec une carence en matière d'initiative et de sens des responsabilités. " et enfin qu'" il doit se ressaisir pour retrouver la confiance de sa hiérarchie dans sa nouvelle affectation ". Une telle appréciation littérale a motivé un abaissement des appréciations qui ont été attribuées dans les rubriques " disponibilité pour le service ", " aptitude au travail en équipe-sens de l'organisation ", et " confiance accordée " au niveau " moyen ", et " activité-qualité rapidité du travail " et " relations hiérarchiques " au niveau " insuffisant ". Ainsi, la confrontation de l'appréciation littérale susmentionnée, formulée en termes mesurés, aux rubriques d'évaluation ne révèle aucune contradiction mais invite seulement l'intéressé à améliorer sa manière de servir et son comportement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la notation litigieuse serait constitutive d'une discrimination du requérant à raison de son activité syndicale conjuguée à une augmentation des dossiers confiés et il ne démontre pas davantage que la notation en cause serait liée à un conflit avec son supérieur hiérarchique. M. A... n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que l'abaissement de sa notation au titre de l'année 2012 ne serait pas motivée par sa manière de servir au cours de cette période et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ou constituerait une sanction déguisée.
Sur l'existence d'un harcèlement moral :
9. Aux termes des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".
10. En vertu de ces dispositions, aucune mesure ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération le fait qu'il ait subi ou refusé de subir des faits et agissements constitutifs de harcèlement moral. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier, qui n'a pas été complété sur ce point en cause d'appel, que la diminution de la notation de M. A... au titre de l'année 2012 serait due au fait qu'il subissait des agissements de son supérieur, constitutifs de harcèlement moral. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la diminution de sa notation s'inscrit dans une démarche de harcèlement moral, prohibée par les dispositions précitées.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la notice de renseignements et d'appréciations établie au titre de l'année 2012.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la notation contestée, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. A... demande le versement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 octobre 2021.
La rapporteure,
Agnès BOURJOLLe président,
Didier ARTUS
La greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02290