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11/10/2021 | FRANCE | N°19BX01181

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 octobre 2021, 19BX01181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet du 18 septembre 2016 par laquelle la Poste a refusé de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne au titre des années 2008 à 2016 et de le nommer au grade d'inspecteur principal dès 2008, d'enjoindre à la Poste de procéder à ce réexamen et de le nommer au grade d'inspecteur principal au 1er janvier 2008.

Par un jugement n° 1605107 du 25 janvier 2018, le tribunal a rejeté

ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet du 18 septembre 2016 par laquelle la Poste a refusé de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne au titre des années 2008 à 2016 et de le nommer au grade d'inspecteur principal dès 2008, d'enjoindre à la Poste de procéder à ce réexamen et de le nommer au grade d'inspecteur principal au 1er janvier 2008.

Par un jugement n° 1605107 du 25 janvier 2018, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 mars 2019, le 2 juin 2020 et le 16 juillet 2021 M. B..., représenté par Me Bineteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1605107 du tribunal ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet en litige ;

3°) d'enjoindre à la Poste de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne par l'organisation rétroactive de concours ou d'examens professionnels ou l'établissement rétroactif de listes d'aptitudes ou de tableaux d'avancement aux grades d'inspecteur principal et de directeur départemental adjoint au titre des années 2008 et 2009 et au titre des années 2010 à 2016 ;

4°) d'enjoindre à la Poste de le nommer au grade d'inspecteur principal à compter du 1er janvier 2008 ;

5°) de mettre à la charge de la Poste la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé illégale et annulé la décision par laquelle le président du conseil d'administration de la Poste avait refusé de mettre en œuvre des mesures de promotion interne en faveur des fonctionnaires appartenant à des corps de reclassement ; la cour d'administrative d'appel de Bordeaux a jugé que M. B... lui-même a été victime d'un blocage de carrière entre 1993 et 2009 ;

- le dispositif de promotion interne mis en place par la Poste pour les fonctionnaires reclassés à compter de 2010 est illégal ; ainsi, la décision n° 350-23 de la Poste du 16 décembre 2009 a prévu comme seule modalité de promotion l'établissement de listes d'aptitude ; ce faisant, la Poste a méconnu l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 qui impose d'organiser différentes voies de promotion interne (concours, examens, listes d'aptitude) ;

- c'est à tort que le tribunal, qui a pourtant reconnu l'illégalité commise par la Poste, a jugé que celle-ci n'était pas tenue de procéder rétroactivement à l'organisation de voies de promotion interne et de prendre de telles mesures rétroactives ; ce faisant, le tribunal a méconnu le principe en vertu duquel l'illégalité affectant la carrière d'un agent doit être régularisée par le réexamen rétroactif de ses droits à l'avancement ;

- ainsi, les demandes de M. B... qui étaient bien noté de sa hiérarchie étaient fondées et le tribunal ne pouvait que les accueillir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 mars 2020 et le 15 juillet 2021, la Poste, représentée par Me Bellanger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n°58-777 du 25 août 1958 ;

- le décret n°58-778 du 25 août 1958 ;

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Przybyszewski, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a intégré avec le statut de fonctionnaire le service public des Postes et Télécommunications en 1983 dans le corps d'inspecteur des services techniques. Après la création de la Poste par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, M. B... a choisi de conserver son statut de fonctionnaire et son grade d'origine dans un corps dit " de reclassement ". Estimant que ce choix avait eu pour effet d'entraver le déroulement de sa carrière en le privant de promotions auxquelles il avait droit, M. B... a demandé à la Poste, le 13 juillet 2016, de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne par l'organisation de concours ou d'examens professionnels, par l'établissement de listes d'aptitude ou de tableaux d'avancement aux grades d'inspecteur principal et de directeur départemental adjoint au titre des années 2008 et 2009, de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion à ces grades et selon ces mêmes voies au titres des années 2010 à 2016, enfin de le nommer au grade d'inspecteur principal à compter du 1er janvier 2008. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet de la Poste dont M. B... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Toulouse. M. B... a également demandé au tribunal d'enjoindre à la Poste de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne selon les voies et au titre des années mentionnées ci-dessus et de le nommer au grade d'inspecteur principal à compter du 1er janvier 2008. M. B... relève appel du jugement rendu le 25 janvier 2019 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Par une décision n° 304438 du 11 décembre 2008, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé la décision du Premier ministre refusant de modifier les dispositions statutaires des corps " de reclassement " de La Poste en vue d'ouvrir des voies de promotion interne aux fonctionnaires appartenant à des corps " de reclassement " ainsi que la décision par laquelle le président du conseil d'administration de La Poste a rejeté les demandes de ses agents tendant à mettre en œuvre des mesures de promotion interne en faveur de ces fonctionnaires. A la suite de cette décision, le Premier ministre a édicté le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste. Quant à l'accès à un corps de reclassement d'un niveau supérieur au sein de la Poste, il a été organisé par une décision n° 350-23 de la Poste du 16 décembre 2009 prévoyant l'établissement de listes d'aptitude annuelles.

En ce qui concerne la période antérieure au décret du 14 décembre 2009 et à la décision de la Poste du 16 décembre 2009 :

3. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. L'illégalité entachant le refus de modifier les dispositions statutaires concernant les fonctionnaires reclassés n'implique pas, par elle-même, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 30448 du 11 décembre 2008, la reconstitution de leur carrière au moyen de l'organisation rétroactive de concours, d'examens professionnels, de l'établissement de listes d'aptitude ou de tableaux d'avancement pour tous les agents intéressés comme le demande M. B.... En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait perdu une chance sérieuse d'être promu au grade d'inspecteur principal dès le 1er janvier 2008 et après cette date, alors même qu'il remplissait les conditions statutaires pour être promu, compte tenu de la nature des fonctions susceptibles d'être confiées aux membres de ce corps, dès lors qu'il n'est pas établi au dossier qu'il aurait disposé de toutes les capacités d'encadrement et de toutes les qualités nécessaires à un chef d'équipe.

En ce qui concerne la période postérieure au décret du 14 décembre 2009 et à la décision de la Poste du 16 décembre 2009 :

4. Aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la Poste et à France Telecom : " Les personnels de la Poste (...) sont régis par des statuts particuliers, pris en application (...) de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : 1°) Examen professionnel ; 2°) Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de la Poste : " Les recrutements par la voie interne et les nominations effectuées selon les modalités mentionnées à l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, prévus par les décrets figurant en annexe, ne sont ouverts qu'aux fonctionnaires et agents des corps de la Poste ". Parmi les décrets figurant en annexe à celui du 14 décembre 2009 se trouvent le décret n° 58-778 du 25 août 1958 régissant le corps des personnels administratifs supérieurs de La Poste et le décret n° 58-777 du 25 août 1958 modifié portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier du corps des inspecteurs de La Poste. Enfin, par une décision n° 350-23 du 16 décembre 2009, la Poste a prévu que les promotions internes dans les corps de reclassement seraient organisées par voie d'établissement annuel de listes d'aptitude.

5. Selon M. B..., le dispositif de promotion interne mis en place par la Poste à partir de 2010 est illégal dès lors qu'il se fait exclusivement par l'établissement de listes d'aptitude alors que l'article 26 précité de la loi du 11 janvier 1984 prévoit d'autres modes de promotion et notamment l'organisation de concours interne.

6. Alors même que la Poste aurait commis une faute dans l'organisation du processus de promotion interne en permettant des promotions internes par la seule voie de la liste d'aptitude, il résulte du principe rappelé au point 3 ci-dessus que la Poste n'aurait pas été tenue pour autant d'organiser rétroactivement, à compter de 2010, pour tous les agents intéressés, d'autres voies de promotion et notamment des concours internes. Au demeurant, l'illégalité qu'aurait commise par la Poste aurait été, en définitive, seulement susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de M. B... à la condition que ce dernier ait perdu une chance sérieuse d'obtenir une promotion, notamment en réussissant le concours interne, ce qui, ainsi qu'il a été dit, ne ressort pas des pièces du dossier.

7. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par M. B... tendant à ce que la Poste, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la Poste présentées sur ce fondement.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 19BX01181 de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Poste au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la Poste.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2021.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX01181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01181
Date de la décision : 11/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-11;19bx01181 ?
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