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05/10/2021 | FRANCE | N°21BX01821

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 octobre 2021, 21BX01821


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2001796 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
>Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2021, M. B..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2001796 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2021, M. B..., représenté par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 février 2021 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 2 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de vingt jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle porte sur sa situation personnelle ;

- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

- ces décisions sont dépourvues de base légale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elles se fondent ;

- le préfet s'est estimé lié par le refus de séjour pour prononcer une obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la décision portant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans appréciation des conséquences qu'elle porte sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juillet 2021 à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 mars 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nicolas Normand.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo né en 1980, est entré en France en mars 2014 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 juillet 2014 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 9 juin 2015. Le 10 octobre 2015, M. B... a bénéficié d'un titre de séjour en qualité " d'étranger malade ". Par un arrêté du 12 décembre 2016, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui renouveler son titre de séjour. Par un jugement n° 1700476 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Limoges a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par la suite, M. B... a bénéficié du titre de séjour sollicité. Par un nouvel arrêté du 4 avril 2018, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. La requête formée par M. B... contre cet arrêté a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1800794 du 11 octobre 2018, lequel a été confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt n° 19BX00101 du 3 octobre 2019. L'intéressé a présenté une nouvelle demande de titre de séjour le 11 août 2020. Par un arrêté du 2 décembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 11 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Dans son avis du 21 octobre 2020, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire il peut y bénéficier un traitement approprié.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, le préfet de Haute-Vienne s'est notamment fondé sur l'avis précité. Le requérant qui lève le secret médical fait valoir, à l'appui de certificats médicaux, que pour le diabète dont il souffre, il est soigné en France avec du Januvia, seul médicament qu'il supporte, que pour son syndrome dépressif, il est soigné en France avec du Norset et du Seresta et que s'agissant de son hypertension artérielle, il est soigné avec de l'amlodipine. Il se prévaut d'attestations de groupes pharmaceutiques selon lesquelles ces médicaments ne sont pas commercialisés dans son pays d'origine. Toutefois, et d'une part, aucun des documents produits par le requérant n'est de nature à démontrer que son état dépressif et son hypertension nécessitent une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au demeurant, les pièces produites ne préjugent pas de ce que les médicaments qui lui sont prescrits pour soigner son état dépressif ne sont pas commercialisés par d'autres groupes pharmaceutiques. D'autre part, il ressort de la fiche Medical Country of Origin Information dite " MEDCOI " produite par le préfet que la molécule Sitaglipine correspondant au médicament prescrit à l'intéressé pour soigner son diabète est disponible en République démocratique du Congo. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " et aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. B... résidait en France depuis 2014. Il fait valoir qu'il a suivi une formation de peintre en bâtiment, a travaillé dès qu'il y a été autorisé, a donné entière satisfaction à ses employeurs, a des perspectives professionnelles et a fait toutes les démarches pour obtenir le permis de conduire et élargir ses possibilités d'emplois. Il se prévaut encore d'un projet marital avec une ressortissante française. Toutefois, l'intéressé, qui est entré en France à l'âge de 34 ans, n'est pas dépourvu d'attaches en République démocratique du Congo où résident, a minima, deux de ses enfants âgés de 16 et 20 ans, dont l'un est donc mineur, et n'établit ni l'ancienneté ni l'intensité de sa relation avec sa compagne. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation dont serait entachée la décision litigieuse.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi seraient illégales en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour qui les fonde.

8. En deuxième lieu, il ne résulte pas des termes de l'arrêté en litige, qui mentionne que M. B... " n'entre dans aucune des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en vertu de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", que le préfet de la Haute-Vienne se serait cru, à tort, lié par le refus de titre de séjour pour l'obliger à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire qui la fondent.

11. En second lieu, en décidant de prendre à l'encontre de M. B... une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas, pour les raisons mentionnées au point 6 du présent arrêt, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01821


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01821
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-05;21bx01821 ?
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