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05/10/2021 | FRANCE | N°21BX01412

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 05 octobre 2021, 21BX01412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 12 octobre 2020 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2005024-2005026 du 21 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure

devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 avril 2021, Mme B... et M. E..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 12 octobre 2020 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2005024-2005026 du 21 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 avril 2021, Mme B... et M. E..., représentés par Me Cesso, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 12 octobre 2020 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de leur délivrer des titres de séjour " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation et de les munir d'autorisations provisoires de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard en ce qui concerne Mme B... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- il n'est pas justifié de ce que le signataire des arrêtés bénéficiait d'une délégation régulièrement publiée ;

- le refus de délivrer à Mme B... le titre de séjour sollicité sur le fondement du 11 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ; l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été signé par voie électronique alors qu'aucune disposition ne prévoit une telle modalité de signature ; l'OFII n'a pas mis en œuvre un procédé conforme aux règles du référentiel général mentionné à l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 dans la mesure où le même avis est " signé " par l'apposition d'images de signature, à des dates différentes ; ce système de signature électronique méconnaît en outre les dispositions de l'article 1367 du code civil ;

- ce refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions du 11 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; Mme B... présente un angiome caverneux nécessitant une prise en charge médicale ; un défaut de prise en charge, qui l'expose à un risque d'hémorragie cérébrale, aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; le collège des médecins de l'OFII et la préfète de la Gironde n'ont pas pris position sur la question de la possibilité de recevoir des soins appropriés en Mongolie ;

- les refus de séjour ont été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ils résident en France et se sont insérés au sein de la société française ; leur fils, scolarisé en France, s'est rapidement intégré ; à la date des arrêtés, les frontières mongoles étaient fermées en raison de la crise sanitaire ; leur refuser un droit au séjour alors qu'ils ne peuvent pas retourner dans leur pays d'origine revient à les contraindre à vivre dans la précarité avec un enfant à charge ;

- les refus de séjour les exposent à des conditions d'existence constitutives de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les refus de séjour, qui font obstacle à ce qu'ils puissent vivre dignement, ont été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et reposent sur une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle ;

- la préfète de la Gironde a méconnu l'intérêt supérieur de leur enfant, scolarisé et intégré en France et qui se trouve privé de conditions de vie dignes dans l'attente d'une réouverture des frontières de la Mongolie, en méconnaissance du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- ils ne pouvaient légalement être l'objet de mesures d'éloignement alors qu'ils devaient bénéficier de plein droit de titres de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme B... a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète aurait dû faire usage de la faculté d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours compte tenu de la fermeture des frontières mongoles ;

- les décisions fixant le pays de renvoi ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le récit de M. E... doit être tenu pour établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés en appel ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 25 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 25 juin 2021.

M. E... et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 4 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme B..., ressortissants mongols mariés depuis le 4 novembre 1996, sont entrés en France en mai 2018 avec leur fils, né le 8 mai 2010. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 novembre 2018, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 28 mars 2019. Mme B... a sollicité le 17 avril 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. E... a sollicité le 11 juin 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7 ° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du même code. Par des arrêtés du 12 octobre 2020, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer les titres de séjour sollicités, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... et Mme B... relèvent appel du jugement n°s 2005026,2005024 du 21 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les arrêtés pris dans leur ensemble :

2. M. A... F..., directeur des migrations et de l'intégration, signataire des décisions en litige, était, en vertu de l'arrêté de délégation de signature de la préfère de la Gironde du 31 août 2020, habilité pour signer ces décisions. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, cet arrêté de délégation de signature a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Gironde n° 33-2020-138 du 31 août 2020, consultable sur internet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit être écarté.

Sur la légalité des refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code alors applicable : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code alors applicable : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Selon l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives : " I. - Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente ordonnance les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes gérant des régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale et du code rural ou mentionnés aux articles L. 223-16 et L. 351-21 du code du travail et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif ainsi que les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévues à l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement (...) ". L'article 9 de cette ordonnance dispose : " I. - Un référentiel général de sécurité fixe les règles que doivent respecter les fonctions des systèmes d'information contribuant à la sécurité des informations échangées par voie électronique telles que les fonctions d'identification, de signature électronique, de confidentialité et d'horodatage. Les conditions d'élaboration, d'approbation, de modification et de publication de ce référentiel sont fixées par décret (...) ".

5. Contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 que les signatures des médecins membres du collège de médecins de l'OFII devraient être apposées uniquement par voie manuscrite. Si les requérants soutiennent que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 19 février 2020 relatif à l'état de santé de Mme B... a été signé par voie électronique selon un procédé qui méconnaît les dispositions de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005, ces dispositions sont toutefois relatives aux seules autorités administratives définies à l'article 1er précité de cette ordonnance, et non aux avis rendus par le collège de médecins de l'OFII. Les appelants ne peuvent pas davantage utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1367 du code civil, contenues dans le chapitre III dudit code relatif aux modes de preuve en matière d'obligations civiles, qui ne concernent pas les avis rendus par le collège de médecins de l'OFII.

6. En deuxième lieu, dans son avis du 19 février 2020, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Mme B..., qui présente un angiome caverneux, fait valoir qu'elle est exposée à un risque d'hémorragie cérébrale. Cependant, les extraits d'articles de littérature médicale cités au dossier indiquent que l'angiome caverneux, qui peut rester asymptomatique, est souvent à l'origine de céphalées et plus rarement d'hémorragies intraparenchymateuses. Il ressort par ailleurs des pièces médicales versées au dossier que l'angiome caverneux présenté par la requérante est " parfaitement stable " et nécessite seulement une surveillance annuelle par IRM. Les éléments produits ne permettent ainsi pas de contredire l'avis rendu par le collège des médecins quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge médicale. Par suite, le refus de titre de séjour opposé à Mme B... ne repose pas sur une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. E... et Mme B..., entrés récemment en France, ne font pas état d'attaches particulières sur le territoire national et ne démontrent pas être dépourvus d'attaches en Mongolie où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. Si leur fils, âgé de dix ans à la date de l'arrêté, était scolarisé en France en classe de CM2, il n'est fait état d'aucun obstacle avéré à une reconstitution de la cellule familiale hors de France et à une poursuite de la scolarité de ce dernier dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, et en dépit de leurs efforts d'insertion, les refus de titre de séjour en litige n'ont pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

10. Les requérants font valoir qu'à la date des arrêtés en litige, les frontières entre la France et la Mongolie étaient fermées en raison de l'épidémie de covid-19, de sorte que leur refuser le droit de séjourner en France, alors qu'ils se trouvaient dans l'impossibilité matérielle de retourner dans leur pays d'origine, avait pour effet de les contraindre à vivre dans des conditions précaires contraires à la dignité humaine. Cependant, les seuls éléments versés au dossier, consistant en des captures d'écran des " conseils aux voyageurs " émis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères à l'attention des ressortissants français, ne permettent pas d'établir qu'à la date des arrêtés, les vols à destination de la Mongolie étaient effectivement suspendus. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes raisons, les refus de titres de séjour ne reposent pas sur une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle des requérants et ne les exposent pas, en tout état de cause, à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

12. Ainsi qu'il a été dit, aucune circonstance ne s'oppose à une reconstitution de la cellule familiale hors de France, et il n'est pas davantage fait état d'obstacle à ce que le fils des requérants poursuive sa scolarité en Mongolie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire :

13. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit, le moyen tiré de ce que les requérants devaient se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ne peut qu'être écarté.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ".

15. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, les seuls éléments versés au dossier ne suffisent pas à établir qu'un défaut de prise en charge pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit dès lors être écarté.

Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire :

16. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ".

17. Si M. E... et Mme B... soutiennent qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours aurait dû leur être octroyé compte tenu de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid 19, les seules pièces versées n'établissent pas qu'aucun départ ne pouvait être organisé à destination de la Mongolie à la date du 20 octobre 2020 d'édiction des arrêtés. Ils ne soutiennent au demeurant pas avoir sollicité, sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une prolongation du délai de départ volontaire initialement accordé. Ils ne sont ainsi pas fondés à soutenir que la préfète de la Gironde aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne leur octroyant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

18. Les requérants soutiennent que les décisions fixant le pays de renvoi ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cependant, s'ils font valoir que les faits relatés dans le récit de M. E... doivent être tenus pour établis, ils ne produisent pas ce récit et n'apportent aucune précision à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance desdites stipulations. Ce moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., à M. H... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2021.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve D...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 21BX01412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01412
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-05;21bx01412 ?
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