La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2021 | FRANCE | N°21BX00956

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 octobre 2021, 21BX00956


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2001575 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2021, M. A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2020 du tribunal admi

nistratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 17 janvier 2020 ;

3°) d'e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2001575 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2021, M. A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 17 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de

2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que la décision attaquée est justifiée par la circonstance qu'il n'apporte aucun élément nouveau et suffisamment probant permettant de réviser les précédentes mesures d'éloignement dès lors que les circonstances de fait et de droit ont évolué ; la précédente décision relative au séjour est de quatre ans et demi antérieure à la présente décision et depuis 2017, il a passé le seuil des dix ans de présence en France, ce qui a des incidences juridiques sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; d'ailleurs, il a présenté sa nouvelle demande sur le fondement du 7° de l'article

L. 313-11 du même code et, subsidiairement, des articles L. 313-10 et L. 313-14 du même code et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour alors qu'il justifie de plus de dix années de présence en France ;

- elle méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 régulièrement publiée ; conformément à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, il est fondé à se prévaloir de cette circulaire ; l'article D. 312-11 du même code prévoit d'ailleurs, depuis le décret du 28 novembre 2018, que parmi les sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3 figure celui du ministère de l'intérieur lequel mentionne que " les circulaires applicables sont publiées sur le site www.circulaires.gouv.fr (R. 312-8 du CRPA) " au nombre desquels figure la circulaire du 28 novembre 2012 ; dès lors que cette circulaire est publiée, elle comporte nécessairement une interprétation du droit positif ; au demeurant, la présente circulaire précise bien les critères d'admission au séjour ; la préfète a donc commis une erreur de droit en ne se fondant pas sur ce texte pour étudier la demande ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie, en effet, de 12 ans de présence en France, parle français correctement, bénéficie d'une promesse d'embauche, entretient une relation de deux ans avec une personne bénéficiaire de la protection subsidiaire et souffre de multiples pathologies avec un taux d'handicap compris entre 50 et 80 % selon la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisque le préfet n'a pas étudié sa demande alors qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 26 juillet 2021 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 février 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nicolas Normand.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité turque, né en 1969, est entré en France le

1er septembre 2007, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 février 2008, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 septembre 2011. Trois titres de séjour en qualité d'étranger malade, dont le dernier expirait le 3 mars 2015 lui ont, par ailleurs, été délivrés. Sa dernière demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade a été rejetée par un arrêté en date du 21 avril 2016. En outre, par un arrêté préfectoral en date du 16 juin 2015, M. A... a été destinataire d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 octobre 2015. Par un arrêté préfectoral en date du 15 novembre 2017, M. A... a été destinataire d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juin 2018 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 juin 2019. Le 2 décembre 2019, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 17 janvier 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour. M. A... relève appel du jugement du 2 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fin d'annulation :

2. Pour rejeter les demandes de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors en vigueur, la préfète de la Gironde a relevé que M. A... a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français le 16 juin 2015, assortie d'une interdiction de retour d'une durée de deux ans, confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux le 29 octobre 2015, d'une seconde obligation de quitter le territoire français le 15 novembre 2017, assortie d'une nouvelle interdiction de retour d'une durée de deux ans, confirmée le 7 juin 2018 par le tribunal administratif de Bordeaux et le

12 juin 2019 par la cour administrative d'appel de Bordeaux, qu'il s'est volontairement maintenu sur le sol français en toute irrégularité en dépit de ces décisions ce qui caractérise à soi seul un manque manifeste d'intégration eu égard aux valeurs et principes de la République française et que la situation de M. A... n'a pas évolué dès lors qu'il n'apporte aucun élément nouveau et suffisamment probant permettant de réviser sa dernière décision.

3. Toutefois, et d'une part, l'autorité préfectorale a toujours la faculté, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, de délivrer à un étranger, compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, un titre de séjour alors même que ce dernier qui s'est maintenu sur le territoire français, n'a pas sollicité l'abrogation de l'interdiction de retour sur le territoire français dont il a fait l'objet.

4. D'autre part, dès lors qu'à la date de la décision attaquée, M. A... justifiait d'une durée de séjour en France de deux ans supplémentaires depuis la dernière mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 15 novembre 2017, sa situation personnelle avait, contrairement à ce qu'indique la préfète de la Gironde, nécessairement évolué. En outre, alors qu'en application de l'article R. 5221-17 du code du travail, l'autorité préfectorale était tenue d'instruire la demande d'autorisation de travail jointe par M. A... à sa demande de délivrance de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, il ne ressort pas de la motivation précitée de l'arrêté attaqué que la préfète ait pris en compte cette demande. Il suit de là que l'arrêté attaqué, qui est insuffisamment motivé, est entaché, ainsi que le soutient le requérant, d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ", et aux termes de l'article L. 911-2 du même code " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

7. Eu égard aux motifs de l'annulation de la décision en litige, la présente décision n'implique pas nécessairement que la préfète de la Gironde délivre le titre de séjour demandé par M. A.... Il y a donc seulement lieu d'enjoindre à la préfète de la Gironde de procéder au réexamen de la demande présentée par M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Cesso, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à Me Cesso, de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001575 du 2 décembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux et la décision du 17 janvier 2020 de la préfète de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de réexaminer la situation de M. A....

Article 3 : L'Etat versera à Me Cesso, avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.

Le rapporteur,

Nicolas Normand La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Stéphan Triquet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 21BX00956


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00956
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Suspension sursis

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-05;21bx00956 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award