Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2001403 du 18 novembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 mars 2021, M. B..., représenté par Me Toulouse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 novembre 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 22 septembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer dans le délai d'une semaine suivant la notification de l'arrêt à intervenir, une attestation de demande d'asile, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant retrait de son attestation de demande d'asile et obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que si l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile le 14 avril 2020, il a néanmoins contesté cette décision qui lui a été notifiée le
20 juillet 2020, le 12 août 2020, dans l'application CNDémat de la CNDA, soit dans le délai d'un mois mentionné à l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article R. 733-7 du même code ; si la demande d'aide juridictionnelle déposée simultanément a été logiquement rejetée car déposée postérieurement au délai de 15 jours fixé à l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle, le recours devant la CNDA était bien recevable ; la circonstance que son recours n'a été enregistré que le 29 septembre 2020 par la CNDA est sans incidence sur la recevabilité de son recours ; il bénéficiait donc toujours du droit au maintien sur le territoire, conformément à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision portant fixation du pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'apparaît pas justifiée s'agissant d'un demandeur d'asile qui n'a jamais causé le moindre trouble en France et dont la demande d'asile est en cours d'examen.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 26 juillet 2021 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 4 février 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nicolas Normand.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1996 à Bamako (Mali), est entré irrégulièrement en France, le 20 décembre 2018, selon ses déclarations. Après avoir été transféré en Espagne, Etat responsable de sa demande d'asile, il est revenu en France et a sollicité l'asile le 24 décembre 2019. Une attestation de demandeur d'asile, valable jusqu'au 29 octobre 2020, lui a été délivrée le 30 janvier 2020. Par décision du 14 avril 2020 notifiée le 24 juillet suivant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande. Par un arrêté du 22 septembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne lui a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
M. B... relève appel du jugement du 18 novembre 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant retrait de l'attestation de demande d'asile et obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes d'une part, de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande (...). / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon les dispositions de l'article L. 743-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article L. 743-3 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ". Enfin, aux termes de l'article L. 511-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur :
" I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La Cour nationale du droit d'asile statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prises en application des articles L. 711-1 à L. 711-4, L. 711-6, L. 712-1 à L. 712-3, L. 713-1 à L. 713-4, L. 723-1 à L. 723-8, L. 723-11, L. 723-15 et L. 723-16. A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 733-7 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le recours doit, à peine d'irrecevabilité, être exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office. Le délai de recours ainsi que les voies de recours ne sont toutefois opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés dans la notification de la décision. "
4. Aux termes enfin, de l'article 9-4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Devant la Cour nationale du droit d'asile, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. L'aide juridictionnelle est sollicitée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée au bureau d'aide juridictionnelle de la cour, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suspendu et un nouveau délai court, pour la durée restante, à compter de la notification de la décision relative à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. (...) ".
5. Il résulte notamment de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). A peine d'irrecevabilité, le recours devant la CNDA doit être exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'Office.
6. Il ressort notamment de la fiche extraite du système d'information de l'OFPRA, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, que la décision du 14 avril 2020 de cet office rejetant la demande d'asile de M. B..., a été notifiée à celui-ci le 20 juillet suivant, lui ouvrant ainsi un délai d'un mois expirant le 25 août pour saisir la CNDA d'un recours. Alors que la CNDA n'a enregistré son recours tendant à l'annulation de cette décision de l'OFPRA que le
29 septembre 2020, le requérant soutient qu'il a en réalité contesté cette décision dès le
12 août 2020. Toutefois la fiche extraite de l'application " CNDémat ", produite par l'intéressé, révèle uniquement qu'il a présenté à cette date une demande d'aide juridictionnelle à l'adresse électronique structurelle dédiée de la CNDA et non un recours contre la décision de l'Office. Par suite, dès lors que l'aide juridictionnelle n'a pas été sollicitée dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'OFPRA, mentionné à l'article 9-4 précité de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et que le délai de recours contre la décision rendue par l'OFPRA n'a ainsi pas été suspendu, la requête de M. B... dirigée contre cette décision était tardive. Le préfet de la Haute-Vienne n'a donc pas commis d'erreur de droit ou de fait en retirant son attestation de demande d'asile au motif qu'il ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire après notification de la décision de l'office et en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision portant fixation du pays de renvoi :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.
8. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. Si M. B... soutient qu'il craint d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte aucun élément permettant d'étayer ces allégations ni d'apprécier la nature et la gravité des risques auxquels il serait actuellement exposé. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.
11. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
12. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français du
22 septembre 2020 est justifiée par la circonstance que l'entrée en France de M. B... est récente, qu'il est célibataire, sans enfant, sans attache en France et n'établit pas en être dépourvu dans son pays d'origine. Si le requérant soutient qu'il ne peut être considéré comme une menace pour l'ordre public, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle, à elle seule, au prononcé d'une interdiction de retour et les motifs précités retenus par l'autorité préfectorale sont de nature à justifier une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet de la Haute-Vienne n'a donc pas fait une inexacte application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.
Le rapporteur,
Nicolas Normand
La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Stephan Triquet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX00954