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05/10/2021 | FRANCE | N°21BX00328

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 octobre 2021, 21BX00328


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2018, par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1901096 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2021, M. A... B..., représenté par Me Menard, demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2018, par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1901096 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2021, M. A... B..., représenté par Me Menard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2018 de la préfète de la Vienne portant refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative et de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une absence de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, dès lors que n'ont pas été examinés sérieusement et de façon complète son parcours scolaire et ses liens familiaux en France pour l'application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard de la continuité de sa présence sur le territoire français depuis l'âge de 15 ans, soit depuis quatre ans, de la continuité de ses liens avec sa famille sur le territoire français, puisqu'il a toujours vécu avec sa sœur, sa mère et son beau-père, de l'intensité de ses liens familiaux en France, notamment avec sa mère, qui a eu la garde exclusive de ses enfants en 2014, et de son intégration par sa scolarité continue depuis son entrée sur le territoire français et sa préparation du bac au moment de l'arrêté litigieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Evelyne Balzamo, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant dominicain, est entré sur le territoire français le 21 août 2014, à l'âge de 15 ans. Le 16 octobre 2017, il a déposé une première demande de carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", rejetée par un arrêté du 15 novembre 2018 de la préfète de la Vienne. M. A... B... relève appel du jugement du 26 novembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2 Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " En vertu de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des copies de passeport et des avis d'imposition de sa mère et de son beau-père depuis 2014, que M. A... B... est entré en Guyane le 21 août 2014 à l'âge de quatorze ans et onze mois, accompagné de sa mère, de son beau-père et de sa sœur cadette. Par acte notarié du 6 mars 2015, la mère de M. A... B... s'est vue confier la garde exclusive de ses deux enfants mineurs, pour qu'il " puissent se rendre en Guyane française et résider de manière permanente au domicile de leur mère ". Il ressort également des pièces produites que la famille s'est ensuite installée successivement en Martinique, au cours de l'année 2015, puis à Châtellerault, en France métropolitaine, à partir de la deuxième moitié de l'année 2016. Ainsi, M. A... B... résidait en France avec sa famille depuis plus de quatre ans au jour de l'arrêté litigieux. Il ressort de contrats de bail, d'une attestation d'hébergement et des nombreux autres documents administratifs produits, que M. A... B... et sa sœur, mineurs et scolarisés, ont depuis leur entrée en France toujours résidé au domicile de leur mère et de leur beau-père, tous deux en situation régulière sur le territoire français. A cet égard, la circonstance que M. A... B... n'a pas actualisé l'adresse indiquée lors de son inscription au lycée Edouard Branly, lieu où la famille n'a été hébergée que quelques mois à leur arrivée à Châtellerault, ne remet pas en cause la continuité de la communauté de vie familiale, dès lors que tous les autres documents produits, notamment une attestation d'hébergement du 10 février 2017, communiquée en appel, démontrent que M. A... B... a résidé avec sa mère, son beau-père et sa sœur à chacune de leurs adresses successives. Dès lors, c'est à tort que la préfète de la Vienne a estimé que ses liens personnels et familiaux depuis son installation à Châtellerault ne pouvaient être considérés comme stables, anciens ou intenses. Par ailleurs, M. A... B..., dont la langue maternelle est l'espagnol, a fait la preuve de son intégration en suivant avec succès le programme scolaire français depuis la classe de quatrième jusqu'au baccalauréat qu'il préparait l'année de la décision litigieuse. Hormis ses deux grands-parents, le requérant ne dispose d'aucune attache familiale en République dominicaine. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que le centre des intérêts personnels et familiaux de

M. A... B... se situent désormais en France. En conséquence, en refusant la carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sollicitée par M. A... B..., la préfète de la Vienne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de la Vienne du 15 novembre 2018 refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ".

Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :

5. Le motif d'annulation de l'arrêté implique que la préfète de la Vienne délivre à M. A... B... une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit toutefois besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser au conseil de M. A... B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 novembre 2020 du tribunal administratif de Poitiers et l'arrêté du 15 novembre 2018 de la préfète de la Vienne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Vienne de délivrer à M. A... B... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Ménard, avocate de M. A... B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., à la préfète de la Vienne et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition le 5 octobre 2021.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLa présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 21BX00328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00328
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : MENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-05;21bx00328 ?
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