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05/10/2021 | FRANCE | N°19BX02232

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 octobre 2021, 19BX02232


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pan African Energy Consultants Ltd a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013 ainsi que la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source versée par les établissements financiers européens qui lui ont été réclamées au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1800457 du 7 févr

ier 2019, le tribunal administratif de Pau a déchargé la société Pan African Energy Consultan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pan African Energy Consultants Ltd a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013 ainsi que la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source versée par les établissements financiers européens qui lui ont été réclamées au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1800457 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Pau a déchargé la société Pan African Energy Consultants Ltd des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, mis à sa charge au titre de l'année 2013 ainsi que les pénalités y afférentes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2019, un mémoire enregistré le 4 mars 2021, et un mémoire non communiqué enregistré le 1er avril 2021, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 7 février 2019 ;

2°) de rétablir la société à l'impôt sur les sociétés à hauteur du montant de 691 054 € en droits et pénalités auquel elle avait été assujettie au titre de 1'année 2013 et à la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur du montant de 418 826 € en droits et pénalités auquel elle avait été assujettie au titre de l'année 2013.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge au motif qu'il ne résulte pas de l'instruction que la question de la territorialité de l'activité exercée par la société au cours de l'année 2013 aurait été abordée dans des conditions satisfaisantes, ni que le vérificateur et la société auraient échangé sur le point de savoir dans quelle mesure cette activité pouvait, au cours de cette même année, être rattachée au territoire français ou à un autre territoire ; en effet, alors que le respect de la garantie du débat oral et contradictoire suppose uniquement que le vérificateur n'ait pas privé le contribuable de la possibilité d'un tel débat, le tribunal administratif s'est attaché, à tort, non pas à sa possibilité mais à son contenu ; au demeurant, le service ne s'est aucunement refusé à tout débat sur la problématique tenant à la territorialité de l'activité exercée, mais il a au contraire mis en place des conditions propices aux échanges sur ce thème, en informant la société, en amont de la réunion de synthèse, deux mois avant la tenue de cette dernière, de son intention de considérer que la société possédait en France un établissement stable à partir duquel son activité était exercée ; de même, le contexte de l'affaire ne justifiait pas de conduire des investigations au-delà des deux interventions réalisées par le vérificateur ; en tout état de cause, dans la mesure où la situation d'imposition d'office, tenant aux défaillances déclaratives, n'a pas été révélée par les opérations de contrôle sur place, les irrégularités dont la vérification aurait été affectée n'étaient en tout état de cause pas de nature à entraîner la nullité de la procédure d'imposition de sorte que le vice de procédure allégué, à le supposer avéré, est demeuré sans incidence sur les impositions ;

- au titre de l'effet dévolutif, le service n'a pas implicitement mis en œuvre la procédure de répression de l'abus de droit et n'a donc privé le contribuable d'aucune garantie ;

- dès lors qu'il ressortait des éléments dont disposait l'administration à la suite de la mise en œuvre du droit de visite et de saisie que la société requérante pouvait avoir une activité en France, au travers d'un établissement stable localisé à l'adresse personnelle de M. B..., l'avis de vérification devait être adressé à cette adresse et viser ledit établissement stable en application de dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;

- dès lors que la jurisprudence exclut du champ d'application de la garantie les doctrines relatives à la procédure d'imposition, la société ne peut se prévaloir des termes de la doctrine publiée sous la référence BOI-CF-PGR-20-10 n° 30 prévoyant que la qualité de représentant légal doit être mentionnée sur l'avis de vérification ;

- la société ne peut se prévaloir de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-CF-PGR-10-70, qui, en son paragraphe 170, dans sa version en vigueur à la date de la proposition de rectification, prévoit que préalablement à l'indication des bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office, la proposition de rectification doit exposer les motifs ayant conduit le service à considérer que le destinataire de la proposition de rectification exerçait une activité (BIC, BNC, BA, IS) ou effectuait des opérations (TVA) entrant dans le champ d'application des impôts concernés et dont le caractère occulte justifie l'application des dispositions des articles L. 69, 3ème et 4ème alinéas et/ou L. 76, 3ème alinéa du LPF dès lors qu'elle est relative à la procédure d'imposition et est donc inopposable à l'administration ; cette doctrine s'avère, au surplus, inapplicable à la cause car elle concerne les conditions de mise en œuvre de la prorogation du délai de reprise en cas d'activités occultes ou illicites ou de procès-verbal pour flagrance fiscale alors qu'au cas présent, les rectifications relatives à l'année 2013 ont été notifiées le 12 septembre 2014, soit dans les limites du délai de reprise de droit commun ;

- doit être écarté, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées des articles 218 A et 223 quinquies A du code général des impôts et des articles 23 ter et 23 D de l'annexe IV au même code et de ce que, l'administration n'ayant jamais demandé à la société de désigner un représentant en France, elle devait nécessairement adresser la proposition de rectification au siège statutaire de la société, situé à Gibraltar ; la proposition de rectification du 12 septembre 2014 a été régulièrement adressée à M. B..., en sa qualité de représentant légal de la société, à l'adresse de Mielan ; dans la mesure où la société n'a procédé à aucune déclaration à raison de l'activité exercée en France, elle n'a, par définition, porté à la connaissance de l'administration ni l'adresse de son établissement en France, ni les coordonnées d'un représentant en France ; l'article 223 quinquies A du CGI ne rend pas obligatoire une demande de désignation ;

- la société est imposable en France à l'impôt sur les sociétés, en application de l'article 209-1 du code général des impôts, à raison notamment de l'existence de son établissement stable à Mielan ;

- la société est redevable de la TVA en application de l'article 259 du code général des impôts ;

- la société ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le montant des redressements est excessif ;

- le moyen selon lequel le service aurait contrevenu au principe du calcul " en dedans " des rappels de TVA collectée est démenti par les faits de l'espèce ;

- s'agissant du prétendu droit à déduction de la TVA d'amont, si le service a constaté l'existence de décaissements, à destination de la société Desquire Limited, il n'a en aucun cas validé l'affirmation de la société selon laquelle lesdits décaissements correspondraient à la rémunération de services effectivement rendus à la société par ses " représentants " ; il n'est pas établi que les décaissements effectués à destination de la société Desquire Limited correspondent à des services utilisés pour les besoins des opérations imposables de la société ; aucune des factures présentées ne mentionne de TVA ;

- si la société prétend déduire un montant de commission de 1 252 259 €, pour lequel des factures n'ont été présentées qu'à hauteur de 422 259 € (255 759 € + 166 500 €), les seuls éléments présentés sont libellés de manière identique, sans référence à un marché particulier, par une société connue à deux adresses différentes, (Londres et Genève) s'avérant toutes deux être des adresses de domiciliation ; à l'appui de son affirmation selon laquelle les commissions versées à M. C..., via les paiements réalisés à destination de la société Desquire Limited, devraient être considérées comme satisfaisant aux conditions posées à la déductibilité des charges, la société se borne à faire état des usages rendant nécessaire l'intervention d'un " relais local " ; à l'appui de ses écritures de première instance, la société n'a produit que des pièces recueillies dans le cadre du droit de visite, dont aucune n'est de nature à établir l'effectivité des services rendus par la société Desquire Limited et justifiant des commissions versées à cette dernière en 2013 au titre des affaires SIDES ayant donné lieu à facturation par la société Pan African Energy Consultants Ltd au cours de cette même période ;

- s'agissant du montant des commissions versées à la société Desquire Limited, il apparaît que si la société le fixe à 1 252 259 € (690 000 + 140 000 + 255 759 + 166 500), le montant total des décaissements effectués à destination de cette société constatés au titre de l'année 2013 ressort à 1 554 508 € (255 759 € + 166 500 € + 1 132 249) ; ce montant s'avère supérieur au montant total des commissions encaissées en 2013 par la société ; si la société prétend que le service aurait commis une erreur dans le rapprochement opéré entre le montant des commissions reçues et le montant des commissions versées, en retenant, parmi les commissions versées, un montant de 144 036 €, pour lequel les commissions reçues (client FIAT) auraient été encaissées en 2012, il ressort au contraire des constations du service que les commissions FIAT, pour un montant de 160 065 €, figurent dans les encaissements 2013 et non dans ceux relatifs à l'année 2012 ; le service est par suite fondé à conclure qu'il ressort des flux financiers examinés que la société a versé à son " relais local ", au titre de 2013, un montant supérieur au montant des commissions qu'elle a elle-même encaissées au titre de cette même période à raison de son activité ; une telle pratique ne saurait s'inscrire dans le cadre de relations d'affaires normales et conformes à l'intérêt de l'entreprise, étant souligné que le taux de " rétrocession " de commissions annoncé, soit 90 %, paraît en tout état de cause excessif ; si la société fait valoir que la répartition des commissions entre elle-même (10%) et son intermédiaire (90%) ressortirait des pièces saisies, elle produit, à l'appui de cette affirmation, une note manuscrite relative à la répartition de la commission de 160 074 € (FIAT), alors qu'à en croire les initiales portées sur cette pièce (DS pour A... B... et MK pour Mohamed C...), il apparaît que seul un montant de 16 000 € revenait à ce dernier ; compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît, que les éléments produits, y compris les deux factures présentées, ne sont de nature à établir ni la réalité des services rendus, ni leur intérêt pour l'exploitation, ni l'adéquation entre le montant des commissions servies et l'importance des services rendus ; c'est par suite à bon droit que le service a refusé d'admettre en déduction les charges correspondant aux sommes versées à la société Desquire Limited pour la détermination du résultat imposable 2013 ; le fait, à le supposer vérifié, que le service aurait pu s'assurer que les sommes versées n'auraient pas, en définitive, été appréhendées par la société ou par M. B... est inopérant s'agissant d'apprécier le bien-fondé du refus de déduction opposé ; il en est de même, à la supposer avérée, de la circonstance que M. C... aurait été personnellement imposé sur les montants considérés ;

- dans la mesure où l'imposition est fondée, le moyen invoqué devant le juge administratif selon lequel le refus de déduction emporterait la violation du principe de l'égalité devant l'impôt, est inopérant ;

- la mise en œuvre de la cascade simple est conforme aux dispositions de 1' article L 77 du Livre des procédures fiscales ;

- la mise en œuvre de la majoration sanctionnant le caractère occulte de ladite activité est fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2021, et un mémoire non communiqué enregistré le 29 mars 2021, la société Pan African Energy Consultants Ltd, représentée par Me Ilharreborde Lette, conclut au rejet de la requête et demande le versement d'une somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 mars 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire en vue notamment d'éviter les doubles impositions, signée à Alger le 17 octobre 1999 ;

- l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Gibraltar relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale signées à Paris le 18 septembre 2009 et à Gibraltar le 22 septembre 2009 ;

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nicolas Normand,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Ribeiro, représentant la société Pan African Energy Consultants Ltd.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pan African Energy Consultants Ltd, qui a pour associé unique et dirigeant, M. A... B..., et pour activité la fourniture de services de courtage, de représentation commerciale, de recherche de clientèle et d'entremise pour la vente de matériel, principalement dans le domaine de l'industrie pétrolière et gazière en relation avec l'Algérie, a fait l'objet le 19 février 2013, d'une opération de visite et de saisie, réalisée dans le cadre des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, au domicile de M. B... à Mielan. Par avis de vérification du 15 juillet 2013, adressé au représentant de la Société Pan African Energy Consultants Ltd pour son établissement stable en France, cette société a été informée de l'engagement d'une vérification de comptabilité portant sur l'ensemble de ses déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées au titre de la période du 12 mars 2003 au 31 décembre 2012, étendue jusqu'au 31 mai 2013 s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée. Par un avis de vérification du 4 juin 2014, cette société a été informée de l'engagement d'une deuxième vérification de comptabilité portant sur l'ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013. A l'issue des opérations de contrôle, les rectifications envisagées au titre de la période 2013 ont été portées à la connaissance de la société par proposition de rectification du 12 septembre 2014. Les rectifications concernant l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et la TVA due au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 ont été effectuées selon la procédure de taxation d'office. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a fait droit à la demande de la société Pan African Energy Consultants Ltd tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013. Le ministre précise qu'il limite son recours aux impositions supplémentaires mises à la charge de la société à raison des encaissements reçus du client Sides et demande en conséquence le rétablissement de la société à l'impôt sur les sociétés à hauteur du montant de 691 054 € en droits et pénalités au titre de 1'année 2013, initialement mis en recouvrement, et le rétablissement de la société à la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur seulement d'un montant de 418 826 € en droits et pénalités au titre de l'année 2013.

Sur le bien-fondé du motif de décharge retenu par le tribunal administratif :

2. Pour décharger la société Pan African Energy Consultants Ltd des suppléments d'impôts sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, le tribunal a d'abord rappelé les conditions dans lesquelles l'administration devait restituer au contribuable les documents saisis lors de la mise en œuvre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et indiqué que même après une visite domiciliaire le vérificateur doit avoir, avec le contribuable, un débat oral et contradictoire sur les enjeux essentiels de la vérification de comptabilité. Le tribunal a ensuite relevé que si le vérificateur avait rencontré deux fois le conseil de la société le 1er juillet 2014 puis le 2 septembre 2014, date de la réunion de synthèse où il a présenté les résultats " des deux vérifications " et leurs conséquences financières, il ne résulte, en revanche, d'aucun autre élément de l'instruction que la question de la territorialité de l'activité développée par la société au cours de l'année 2013 aurait été abordée dans des conditions satisfaisantes, ni que le vérificateur et la société auraient échangé sur le point de savoir dans quelle mesure cette activité pouvait, au cours de cette même année, être rattachée au territoire français ou à un autre territoire.

3. Toutefois, un contribuable taxé d'office à l'impôt sur les sociétés ou à la taxe sur la valeur ajoutée ne peut se prévaloir d'irrégularités ayant affecté la procédure de contrôle fiscal lorsque la situation de taxation d'office n'a pas été révélée à l'administration par cette vérification et ce, alors même que l'administration a utilisé des éléments recueillis au cours de la vérification irrégulière pour déterminer les bases d'imposition. Il ressort du contenu même de la proposition de rectification en date du 12 septembre 2014 que l'administration fiscale, pour établir que la société Pan African Energy Consultants Ltd disposait d'un établissement stable en France, s'est appuyée sur l'examen de la réponse que lui ont apportée, le 27 avril 2012, les autorités de Gibraltar à sa demande d'assistance administrative internationale et sur les éléments recueillis dans le cadre de la procédure de visite et de saisie, lesquels ont été restitués au contribuable le 16 mai 2013, avant l'engagement de la vérification de comptabilité. Les éléments d'information obtenus et discutés lors de la vérification de comptabilité, notamment bancaires, n'ont, à cet égard, eu pour effet que de conforter les éléments obtenus par l'administration fiscale avant l'engagement de la vérification de comptabilité révélant que la société était en situation de taxation d'office pour défaut de toute déclaration d'imposition à raison de l'existence d'un établissement stable en France. Au demeurant, alors que l'avocat représentant la société lors des opérations de vérification et la vérificatrice ont eu la possibilité d'échanger à deux reprises, au sein du cabinet de cet avocat, lors de la vérification de comptabilité, et que M. B... a été informé par un message électronique en date du 15 juillet 2014, comportant en pièce jointe le compte-rendu de l'intervention de la vérificatrice du 1er juillet 2014, de l'intention de cette dernière de considérer que la société possédait en France un établissement stable à partir duquel son activité était exercée, la société n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les opérations se sont déroulées sans qu'elle ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec la vérificatrice. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a estimé que la société Pan African Energy Consultants Ltd a été privée d'un réel débat oral et contradictoire lors de la vérification de comptabilité de nature à justifier la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge.

4. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Pan African Energy Consultants Ltd tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales " (...) une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité du 4 juin 2014, portant sur la vérification de l'ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, a été adressé à

" M D... légal de la Société PAN AFRICA ENERGY CONSULTANT LIMITED pour son établissement stable sis chez M. et Mme B... A... 4 Chemin de Marianne 32170 MIELAN ". Dès lors qu'il ressortait des éléments dont disposait l'administration à la suite de la mise en œuvre du droit de visite et de saisie que ladite société pouvait avoir une activité en France, au travers d'un établissement stable localisé à l'adresse personnelle de M. B..., l'avis de vérification devait nécessairement être adressé à son adresse et viser ledit établissement stable. En outre, la mention " pour son établissement stable ", portée sur l'avis de vérification, ne peut être interprétée, ni comme une prise de position " a priori " de l'administration, ni comme établissant son intention de priver le contribuable de la possibilité de tout débat sur ce sujet. Au surplus, ainsi qu'il a été indiqué au point 3 du présent arrêt, un contribuable taxé d'office à l'impôt sur les sociétés ou à la taxe sur la valeur ajoutée ne peut se prévaloir d'irrégularités ayant affecté la procédure de contrôle fiscal lorsque la situation de taxation d'office n'a pas été révélée à l'administration par cette vérification La société ne peut davantage utilement se prévaloir de la doctrine référencée BOI-CF-PGR-20-10 n°30, dès lors que la doctrine administrative n'est pas invocable, sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, en matière de procédure de contrôle.

7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles 218 A et 223 quinquies A du code général des impôts ainsi que des articles 23 ter et 23 D de l'annexe IV au même code que les personnes morales qui exercent des activités en France, dans un ou plusieurs établissements, sans y avoir leur siège social, et qui sont imposables en France, le sont au lieu de leur principal établissement, et que lorsqu'elles exercent une activité les rendant passibles de l'impôt sur les sociétés, elles sont tenues d'indiquer le lieu de leur principal établissement ainsi que les nom, prénoms et adresse de leur représentant en France, sans préjudice de la possibilité offerte à l'administration de leur demander de désigner un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt. Ainsi, dès lors qu'une société étrangère imposable en France a déclaré à l'administration fiscale que la personne responsable de son principal établissement ou toute autre personne était son représentant en France, la notification de redressements prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales peut être régulièrement adressée à cette personne. Toutefois, ces dispositions n'obligent pas l'administration à demander à une société dont le siège social est situé à l'étranger et qui dispose d'un établissement stable en France de désigner D... à qui la proposition de rectification doit être notifiée dès lors qu'elle dispose d'éléments suffisants lui permettant d'identifier D... de l'établissement stable.

8. En troisième lieu, la société ne peut utilement se prévaloir de la doctrine référencée BOI-CF-PGR-20-10 n° 30 pour soutenir que la proposition de rectification est insuffisamment motivée dès lors que la doctrine administrative n'est pas invocable, sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, en matière de procédure de contrôle.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales :

" Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration invoque des faits constitutifs d'un abus de droit pour justifier un redressement, le contribuable, qui n'a pas demandé la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit, doit être regardé comme ayant été privé de la garantie tenant à la faculté de provoquer cette saisine si, avant la mise en recouvrement de l'imposition, l'administration omet de l'aviser expressément que le redressement a pour fondement les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

10. En l'espèce, l'administration pouvait soumettre la société, en France, aux impositions contestées, sans qu'il soit nécessaire d'écarter comme fictif le siège social statutaire à Gibraltar, dès lors d'une part, que l'accord signé les 18 et 22 septembre 2009 entre la France et Gibraltar, qui tient uniquement à l'instauration d'une procédure d'assistance par échange de renseignements, n'est pas une convention relative aux doubles impositions dont l'application n'aurait pu être écartée qu'au prix de la démonstration du caractère fictif du siège statutaire et d'autre part, que les critères de rattachement, à un territoire fiscal, des bénéfices procurés par une activité, dépendent, non pas de l'adresse du siège social de l'entreprise qui l'exerce, mais du lieu où cette activité est exercée. Au surplus, pour justifier le redressement fiscal en cause, la vérificatrice s'est appuyée sur les éléments recueillis lors de la procédure de saisie révélant que la société exerce de façon habituelle et continue depuis 2003, en France, une activité de prestation de services de représentation commerciale et de courtier chargé de la recherche et l'obtention de marchés de fourniture de matériel de sécurité en Algérie au bénéfice de sociétés françaises. La vérificatrice qui a seulement tiré les conséquences au plan fiscal de ses constatations, n'a pas tenu pour fictives des conventions et n'a jamais soutenu que des conventions avaient été conclues dans le but exclusif d'éluder l'impôt. La circonstance que le service ait qualifié de " fictif " le siège social statutaire de la société, fixé à Gibraltar, n'est donc pas de nature à établir que l'imposition de la société en France résulte de la mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit. Le moyen tiré de ce que le vérificateur aurait méconnu les garanties offertes aux contribuables dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

11. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre dispose que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

12. En l'occurrence, les rappels d'impôts sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société ayant été établis à l'issue de la mise en œuvre de la taxation d'office prévue respectivement par les article L. 66 2° et L. 66 3° du livre des procédures fiscales, il lui appartient d'en établir le caractère exagéré.

S'agissant de l'existence d'un établissement stable en France :

13. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, l'application de la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de statuer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer- en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

Sur le terrain de la loi fiscale :

14. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ".

15. D'autre part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire :a) A établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ;b) Ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle.

16. Pour la mise en œuvre de ces dispositions, un établissement stable est caractérisé par la disposition personnelle et permanente d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à l'activité du contribuable au titre de l'impôt sur les sociétés et de l'assujetti au titre de la TVA.

17. En l'occurrence, et d'une part, il ressort, notamment, de la réponse à la demande d'assistance administrative exercée auprès des autorités de Gibraltar que l'adresse du siège statutaire de la société Pan African Energy Consultants Ltd correspond à celle de la société Steadfast Corporate Services Limited, entreprise de services fiduciaires spécialisée dans la gestion et l'administration de sociétés et que l'adresse postale mentionnée pour la société requérante sur les documents enregistrés auprès de la Compagnies House de Gibraltar, est celle de la société Ocra Worldwide, laquelle propose à ses clients un service de création de sociétés sur mesure, des services de bureaux virtuels personnalisés incluant la mise à disposition d'une adresse, d'un numéro de téléphone local, d'un service de permanence téléphonique et de transfert d'appels. De même, dans l'annuaire téléphonique de Gibraltar, la société Pan African Energy Consultants Ltd est référencée à une adresse qui correspond à celle de la société Business Matters Limited qui propose à ses clients un service standard virtuel. En outre, il ressort des documents saisis que la société Business Matters Limited met à la disposition de la société Pan African Energy Consultants Ltd une adresse e-mail ainsi qu'une ligne téléphonique. Il ressort encore de la réponse à la demande d'assistance administrative exercée auprès des autorités fiscales de Gibraltar que la société Pan African Energy Consultants Ltd n'emploie aucun salarié à Gibraltar. Enfin, il ressort des résultats du contrôle que M. B... n'a réalisé aucun déplacement au lieu du siège social statutaire. Compte tenu de ces éléments, le service était fondé à conclure que la société ne disposait, à l'adresse de son siège statutaire, d'aucun des moyens matériels et humains nécessaires à l'exercice effectif de son activité.

18. D'autre part, il ressort des éléments saisis que l'intégralité des documents juridiques relatifs à la constitution et à la vie de la société requérante et les éléments relatifs à la conclusion et au suivi des relations contractuelles nouées entre celle-ci et ses clients, notamment Sides, se trouvent au domicile de M. B... à Mielan. Ont notamment été saisis une convention d'assistance conclue le 1er mars 2005 entre cette société et son client Sides attribuant compétence aux tribunaux de Paris en cas de litige, des bilans simplifiés des exercices 2004 à 2012, des factures client, des factures fournisseurs, des tableaux de suivi des commissions reçues ou à recevoir, des éléments financiers relatifs au compte courant ouvert au nom de la société auprès de la banque Natwest, en Angleterre. Les relevés de compte et ordres de virements effectués sur demande de la société comportent d'ailleurs l'adresse française de M. B.... Au regard du nombre et de la teneur des documents saisis au domicile de M. B..., la société n'établit pas que le domicile de ce dernier servait uniquement à stocker ses documents comptables et extra-comptables. De même, si la société fait valoir que l'activité de M. B... visant à accompagner des sociétés étrangères en Algérie pour répondre à des appels d'offres et faire du lobbying auprès des clients potentiels des commettants, se déployait, par nature, uniquement en Algérie, toutefois les déclarations d'impôt sur le revenu du foyer fiscal, composé de M. B..., de son épouse et de leurs enfants mineurs, sont souscrites à l'adresse de Mielan et la société ne présente pas d'avis d'impôt sur les sociétés établis par les autorités algériennes et justifie au mieux du paiement par M. B... de l'impôt sur le revenu en Algérie à raison des salaires qu'il a perçus sur place sur certaines périodes d'activité. Enfin, si les documents recueillis ne concernent que marginalement l'année 2013, les factures émises en 2013 à destination de la société Sides s'inscrivent dans le cadre de l'exécution d'un accord souscrit le 24 avril 2012 pour une période de deux ans. Dans ces conditions, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a estimé, sur le terrain de la loi fiscale qu'elle avait disposé au cours de l'année 2013 d'un établissement stable en France au regard des dispositions précitées et que ses bénéfices, sont à ce titre, imposables en France.

En ce qui concerne les conventions fiscales internationales :

19. D'une part, l'article 1er de l'accord signé les 18 et 22 septembre 2009 par la France et par Gibraltar stipule que : " Les autorités compétentes des Parties s'accordent une assistance par l'échange de renseignements vraisemblablement pertinents pour l'application et l'exécution de la législation interne des Parties relative aux impôts visés par le présent Accord, y compris les renseignements vraisemblablement pertinents pour la détermination, l'établissement, l'exécution et la perception de ces impôts, concernant les personnes soumises à ces impôts, ou pour les enquêtes ou les poursuites en matière fiscale pénale à l'encontre de ces personnes. (...) ". Cet accord n'est donc pas une convention relative aux doubles impositions, si bien qu'il n'a aucune incidence sur le litige.

20. D'autre part, aux termes de l'article 4 de la convention du 17 octobre 1999 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire en vue notamment d'éviter les doubles impositions, signée à Alger le 17 octobre 1999 : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, ou de tout autre critère de nature analogue. (...) ". L'article 5 de la même convention précise, pour ce qui intéresse le litige, que : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a) Un siège de direction ; (...) c) Un bureau ; (...) g) Une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles. (...) 4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, on considère qu'il n'y a pas " établissement stable " si : (...) f) Une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins de l'exercice cumulé d'activités mentionnées aux alinéas a à e, à condition que l'activité d'ensemble de l'installation fixe d'affaires résultant de ce cumul garde un caractère préparatoire ou auxiliaire. (...) ".

21. Si la société requérante se prévaut de la présence importante de M. B... sur le sol algérien en vue notamment de 1'exécution du contrat en date du 26 novembre 2008 la liant à la société Petroceltic prévoyant notamment, la mise à disposition à M. B... d'un appartement et d'un bureau pour que celui-ci exerce la fonction de directeur général de la succursale algérienne de la société Petroceltic, un tel constat n'est pas de nature à caractériser l'existence, en 2013, d'une installation fixe d'affaires de la société requérante en Algérie au sens de la convention franco-algérienne alors, d'ailleurs, que le contrat conclu avec la société Petroceltic précité avait pris fin en août 2011 et que la société ne présente pas d'avis d'impôt sur les sociétés établi par les autorités algériennes.

S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

22. Le service a procédé au rappel de la TVA collectée exigible à raison des encaissements reçus en 2013 de la société Sides localisée à Saint-Nazaire, sur son compte bancaire ouvert à la Natwest.

23. En premier lieu, si la société fait valoir que les prestations n'étaient pas imposables en France, dès lors qu'elles correspondent à des services rendus par une société étrangère ayant son établissement en Algérie, il résulte de ce qui précède que celle-ci dispose d'un établissement stable en France et ne dispose pas d'un établissement stable en Algérie. Par suite, dès lors que des services ont été rendus à destination d'un preneur assujetti ayant en France le siège de son activité économique, les services rendus à la société Sides implantée en France sont imposables à la TVA.

24. En deuxième lieu, si la société soutient que le service n'a pas mis en œuvre la règle selon laquelle le prix payé par le client doit être réputé " toutes taxes comprises ", il ressort pourtant de la proposition de rectification que la TVA collectée exigible a été calculée sur la base des encaissements clients constatés sur son compte bancaire ouvert à la Natwest considérés comme " toutes taxes comprises ". Par suite, le moyen selon lequel le service aurait contrevenu au principe du calcul " en dedans " de rappels de TVA collectée manque en fait et doit être écarté.

25. En troisième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) : / a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes du 2 de l'article 272 de ce même code : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ". Enfin, aux termes du 4 de l'article 283 du même code : " Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ". Il résulte de ces dispositions qu'un assujetti n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe portée sur des factures correspondant à des biens ou à des prestations de services qui ne lui ont pas été effectivement fournis.

26. Si la société requérante soutient qu'elle a le droit de récupérer la TVA grevant les sommes reversées à la société Desquire Limited, toutefois elle n'établit pas que les décaissements effectués à destination de celle-ci pour un montant total de 1 252 259 € correspondent à des services utilisés pour les besoins de ses opérations imposables, la société Desquire Limited ne disposant d'ailleurs que d'adresses de domiciliation, à Londres et à Genève.

S'agissant du montant du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés :

27. Aux termes des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Par ailleurs, aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges : 1° Les frais généraux de toute nature (...) 4° (...) les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Les charges pouvant être admises en déduction du bénéfice imposable, en application des dispositions de l'article 39 du code général des impôts (CGI), doivent avoir été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à des charges effectives et être appuyées de justificatifs.

28. Pour déterminer le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2013, le service a retenu, au titre des produits d'exploitation, un montant de 1 164 317 € correspondant au montant " TTC " de 1 392 524 € facturé en 2013 au client Sides. Au titre des charges d'exploitation, 1'administration a retenu un montant de 4 252,13 € correspondant aux factures de charges obtenues dans le cadre du droit de visite et de saisie et/ou présentées au cours de la vérification. Le résultat net a par suite été fixé à 1 160 065 €.

29. La société requérante soutient que pour réaliser son chiffre d'affaires, elle a versé, conformément aux usages locaux en Algérie, des sommes de 255 759 €, 166 500€ et 1 132 249 € à un intermédiaire algérien, par l'entremise de la société de droit anglais Desquire Limited contrôlée par cet intermédiaire. Elle précise qu'il est difficile en matière de commerce international d'apporter une preuve matérielle et complète de la réalité d'une opération d'entremise. Toutefois, la société requérante qui produit uniquement quelques messages électroniques rédigés en langue anglaise dans lesquels était sollicitée une intervention ponctuelle de cet intermédiaire, des ordres de virement à cet intermédiaire et des documents manuscrits qui avaient été saisis lors de la visite domiciliaire faisant état de commissions à verser à cet intermédiaire, n'établit pas que les commissions versées à celui-ci sont justifiées par les prestations qu'il a effectuées en Algérie pour faciliter la signature de commandes. Par suite, les versements en cause, qui représentent d'ailleurs dix fois le chiffre d'affaires de la société requérante, ne satisfont pas aux conditions posées pour la déductibilité des charges.

30. Enfin, si la requérante soutient que les rehaussements ont été établis dans des conditions contraires au principe d'égalité et de proportionnalité devant l'impôt, cette circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur la régularité ou le bien-fondé de ces rappels dès lorsqu'ils ont été établis conformément à la loi.

En ce qui concerne la mise en œuvre de la cascade simple :

31. Aux termes du premier alinéa de l'article L 77 du LPF, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables.

32. Il ressort de l'examen des conséquences financières annexées à la proposition de rectification que l'administration fiscale a procédé à la déduction d'un montant de 254 350 € au titre de la cascade des rappels de TVA, le résultat imposable étant ainsi ramené de 1 414 415 € avant cascade à 1 160 065 € après cascade. Le moyen tiré de ce que le service a méconnu les dispositions de 1' article L 77 du Livre des procédures fiscales doit donc être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités :

33. Aux termes d'une part, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. ".

34. Aux termes d'autre part, des stipulations du 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".

35. Aux termes enfin, de l'article 1728 du code général des impôts " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration [... ] 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. Toutefois, s'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États.

36. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société, les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts, qui proportionnent les pénalités aux agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de l'intéressé, ne méconnaissent pas les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'elles ne confèrent pas au juge un pouvoir de modulation du taux des pénalités qu'elles instituent.

37. En deuxième lieu, si la société soutient que les pénalités mises à sa charge résulteraient de l'application de dispositions législatives méconnaissant les droits garantis par les dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, un tel moyen ne peut être utilement être invoqué que dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité formée dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative. A défaut, il ne peut qu'être écarté.

38. En troisième lieu, dès lors que la société requérante, imposable en France, s'est abstenue de se faire connaître auprès du centre de formalités des entreprises ou auprès du greffe du tribunal de commerce, qu'elle n'a souscrit aucune déclaration à raison de son activité exercée en France et qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, les pénalités de 80 % qui lui ont été infligées sont fondées.

39. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a fait droit à la demande de la société Pan African Energy Consultants Ltd. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société Pan African Energy Consultants Ltd tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : Les cotisations supplémentaires et les pénalités y afférentes d'impôt sur les sociétés, dans la limite de 691 054 € en droits et pénalités, ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, dans la limite de 418 826 € en droits et pénalités, sont remis à la charge de la société Pan African Energy Consultants Ltd au titre de l'année 2013.

Article 2 : Le jugement n° 1800457 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de la société Pan African Energy Consultants Ltd présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pan African Energy Consultants Ltd et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX02232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02232
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ILHARREBORDE LETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-05;19bx02232 ?
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