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27/09/2021 | FRANCE | N°21BX00266

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 27 septembre 2021, 21BX00266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, en fixant le pays de renvoi, portant interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour pris par la même autorité l'assignant à résidence pour une durée de 180 jours.

Par un jugement n° 2002847 du 18 décembre 2020, le magistrat désigné par l

e président du tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 24 novembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, en fixant le pays de renvoi, portant interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour pris par la même autorité l'assignant à résidence pour une durée de 180 jours.

Par un jugement n° 2002847 du 18 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 24 novembre 2020 par laquelle la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français en fixant le pays de destination et, par voie de conséquence, les décisions par lesquelles la même autorité lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et l'a assigné à résidence pour une durée de 180 jours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2021, la préfète de la Vienne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 18 décembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Poitiers.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, dès lors que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif ne pouvait annuler ses arrêtés du 24 novembre 2020 pris à l'encontre de M. B... en accueillant un moyen nouveau invoqué lors de l'audience publique ; ce faisant, ce tribunal a méconnu le principe du contradictoire de l'instruction sans la mettre en mesure de répondre à ce moyen nouveau ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreur d'appréciation en lien avec la méconnaissance des articles L. 741-1 et L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que M. B... n'a pas été en mesure d'établir avoir déposé une demande d'asile en Italie ; il ressort des constatations du procès-verbal d'audition de l'intéressé qu'à la date de son interpellation, il n'était connu ni des fichiers nationaux ni des services de la préfecture ; s'il soutient avoir déposé une demande d'asile un mois après son entrée sur le territoire français en 2017, aucune demande d'asile n'a été enregistrée à son nom à la date des arrêtés en litige ;

- une demande d'asile dilatoire ne peut entacher d'illégalité une mesure d'éloignement ; alors qu'il déclare être entré en France en 2017, ce n'est qu'à la suite d'un placement en garde à vue pour des faits de violences volontaires en réunion sous l'emprise d'un état alcoolique que M. B... prétend avoir sollicité l'asile en 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2021, M. B..., représenté par Me Desroches, conclut au rejet de la requête de la préfète de la Vienne et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sous réserve que son conseil renonce au bénéfice de la part contributive à l'aide juridictionnelle. Il fait valoir que les moyens invoqués par la préfète de la Vienne ne sont pas fondés.

M. B... a été maintenu de plein droit dans le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien, né le 11 septembre 1980 à Tipaza, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français en 2017. Le 24 novembre 2020, il a été interpellé par les services de police. Par deux arrêtés du même jour, la préfète de la Vienne, d'une part, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de 180 jours. La préfète de la Vienne relève appel du jugement du 18 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande de M. B..., ses arrêtés du 24 novembre 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". Aux termes de l'article R. 776-2 du même code : " II.- Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 743-3 du même code. ". Aux termes de l'article R. 776-5 du code précité : " II. - Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. Lorsque le délai est de quarante-huit heures ou de quinze jours, le second alinéa de l'article R. 411-1 n'est pas applicable et l'expiration du délai n'interdit pas au requérant de soulever des moyens nouveaux, quelle que soit la cause juridique à laquelle ils se rattachent. Le requérant qui, dans le délai de quarante-huit heures ou de quinze jours selon les cas, a demandé l'annulation de l'une des décisions qui lui ont été notifiées simultanément peut, jusqu'à la clôture de l'instruction, former des conclusions dirigées contre toute autre de ces décisions. ". Aux termes de son article R. 776-26 : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. ".

3. Il résulte de ces dispositions que la procédure particulière qu'elles prévoient est en partie orale et qu'en particulier un requérant peut régulièrement produire à l'audience des moyens nouveaux à l'appui des conclusions présentées dans sa requête.

4. Pour annuler les arrêtés de la préfète de la Vienne en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a considéré que la préfète de la Vienne avait commis une erreur d'appréciation en n'enregistrant pas la demande d'asile formulée par M. B... à l'occasion de son interpellation. Si ce moyen n'avait pas été invoqué par l'intéressé dans ses écritures, il a toutefois été soulevé, ainsi qu'il ressort des mentions portées sur le jugement attaqué, au cours de l'audience publique le 9 décembre 2020 alors que l'instruction n'était pas encore close conformément aux dispositions précitées de l'article R. 776-26. Par suite, la préfète de la Vienne n'est pas fondée à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a entaché son jugement d'irrégularité en retenant ce moyen pour annuler ses arrêtés.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

6. Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

7. Pour justifier l'obligation de quitter le territoire sans délai prise à l'encontre de M. B..., la décision contestée indique que le comportement de l'intéressé constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société en rappelant qu'il a été interpellé puis placé en garde à vue le 24 novembre 2020 pour des faits de violences en réunion sous l'emprise d'un état alcoolique. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est du reste pas allégué par la préfète de la Vienne que M. B... aurait fait l'objet de poursuites par le ministère public. Il n'apparait pas que ces faits, dont la matérialité est contestée par le requérant, ne seraient pas isolés. Dans ces conditions, en estimant que le comportement de M. B... constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave du point de vue de l'ordre public pour décider de prendre à son encontre une obligation de quitter sans délai le territoire, la préfète de la Vienne a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de nature à en justifier l'annulation.

8. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Vienne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ses arrêtés du 24 novembre 2020 par lesquels, d'une part, elle a fait obligation à M. B... de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, elle l'a assigné à résidence pour une durée de 180 jours.

Sur les frais d'instance :

9. M. B... a été maintenu en appel au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Desroches renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à Me Desroches au titre des frais non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Vienne est rejetée.

Article 2 : L'Etat versa au conseil de M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Desroches renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la préfète de la Vienne, à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 30 août 2021, à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2021.

La rapporteure,

Agnès BOURJOLLe président,

Didier ARTUSLa greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00266
Date de la décision : 27/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-09-27;21bx00266 ?
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