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27/09/2021 | FRANCE | N°21BX00078

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 27 septembre 2021, 21BX00078


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 juin 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2001884 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregi

strée le 5 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 5 août 2021, M. A..., représenté par Me Desroches...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 juin 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2001884 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 5 août 2021, M. A..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2020 par lequel la préfète de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté litigieux n'était pas compétent pour le signer ;

- il n'est pas établi que l'agent qui a consulté ses antécédents judiciaires était habilité à cette fin ;

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- cet arrêté a méconnu les dispositions des articles L. 313-15 et L 313-11-2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- cet arrêté a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale ;

- l'illégalité de la décision lui refusant le séjour prive de base légale la décision lui faisant obligation de quitter le territoire et, de même, l'illégalité de cette dernière décision prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée.

Par un mémoire enregistré le 12 juillet 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2021.

Par ordonnance du 15 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Manuel Bourgeois a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant camerounais né le 20 octobre 2001, est entré en France le 6 octobre 2017 selon ses déclarations. L'aide sociale à l'enfance a mis fin à sa prise en charge à compter du 11 juin 2018 en raison d'un test osseux concluant à sa majorité. Toutefois, cette décision a été infirmée par un arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 9 août 2019 compte tenu du caractère authentique du passeport présenté. Par un arrêté du 24 juin 2020, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait en qualité de travailleur temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé. M. A... relève appel du jugement du 17 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que le signataire de l'arrêté litigieux ne bénéficierait pas d'une délégation de signature régulièrement publiée, de ce que cet arrêté, y compris la décision fixant le pays de renvoi, serait insuffisamment motivé et de ce que la préfète de la Vienne n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I.- Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 (...) les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : / (...) 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées (...) ". Aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers (...) ".

4. Il ressort de l'arrêté litigieux que, contrairement à ce que soutient M. A..., l'autorité préfectorale ne s'est pas fondée sur la consultation du fichier des antécédents judiciaires mais sur un rapport de la direction départementale de la sécurité publique de Poitiers. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'agent ayant procédé à la consultation de ce fichier n'était pas régulièrement habilité à le consulter en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêt précité de la cour d'appel de Poitiers, que M. A... doit être regardé comme ayant été confié à l'aide sociale à l'enfance entre seize et dix-huit ans et que l'absence d'avis de la structure d'accueil et de signature d'un contrat de jeune majeur résulte uniquement de l'interruption fautive de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance et ne pouvait dès lors pas être prise en compte pour apprécier son droit au séjour. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et a conclu un contrat d'apprentissage depuis le 3 septembre 2019. En outre, si la préfète a retenu que l'intéressé était défavorablement connu des services de police a raison de six infractions pénales, il ressort également des pièces du dossier que trois d'entre elles ont fait l'objet d'un classement sans suite, qu'il a seulement fait l'objet d'un rappel à la loi et d'une mesure éducative pour deux vols à l'étalage et qu'il n'est aucunement établi qu'il aurait fait l'objet d'une condamnation pour la dernière de ces six infractions, qui est également la plus grave. Par suite, ces antécédents ne permettent pas, à eux seuls, de caractériser une atteinte à l'ordre public.

7. Toutefois et ainsi que l'a également relevé la préfète de la Vienne, les vols à l'étalage dont il est établi que M. A... est l'auteur en 2018 et 2019 ne permettent pas de considérer qu'il est bien intégré dans la société française. En outre, il n'établit ni même ne soutient qu'il n'entretiendrait plus un contact suivi avec les membres de sa famille demeurés au Cameroun. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Vienne, qui aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ces seules circonstances, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Par suite, l'appelant, qui a seulement sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " n'est pas fondé à soutenir que le préfet se serait mépris sur le champ de sa propre compétence en s'abstenant d'examiner sa demande au regard des dispositions du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des stipulations de l'article 8 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles ne concernent que la délivrance des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " . En outre et pour le même motif, il ne peut pas plus utilement soutenir que la décision lui refusant le séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

10. M. A... entend se prévaloir de son inscription au certificat d'aptitude professionnelle " maçonnerie ", du bon déroulement de son contrat d'apprentissage et des nombreuses attestations établies par des résidents de sa commune faisant état de ses qualités humaines. Toutefois, ces éléments ne permettent pas à eux seuls de considérer qu'il est bien intégré dans la société française compte tenu en particulier de son comportement délictuel en 2018 et 2019. En outre, il ne résidait en France que depuis trois ans à la date de l'arrêté litigieux, n'y fait état d'aucun lien particulier et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident encore ses parents ainsi que ses sœurs. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale.

11. En second lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est fondé à se prévaloir ni de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour pour demander l'annulation de la décision subséquente lui faisant obligation de quitter le territoire ni de l'illégalité de cette dernière décision pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du 24 juin 2020. Par suite sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 30 août 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2021.

Le rapporteur,

Manuel Bourgeois

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00078
Date de la décision : 27/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-09-27;21bx00078 ?
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