Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2001618 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaires enregistrés le 17 décembre 2020 et le 12 juillet 2021, M. A... représenté par Me Hamdi, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement n° 2001618 du tribunal administratif de Poitiers ;
3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 juin 2020 ;
4°) d'enjoindre au préfet d'examiner de nouveau sa demande de titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car il a omis de répondre à son moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige ;
- il n'est pas établi que le signataire de l'arrêté a bénéficié d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé car le préfet n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles il n'existait pas de considérations humanitaires permettant l'attribution du titre de séjour sollicité ; le préfet aurait dû apprécier l'ancienneté et l'intensité de la communauté de vie non avec son ancienne épouse mais avec sa nouvelle compagne ; au vu des pièces produites, le préfet ne pouvait motiver sa décision en retenant l'absence de relations entre le requérant et sa compagne et son enfant ;
- l'arrêté est entaché d'erreur de fait et de droit dans l'analyse de la situation du requérant ; s'il était en instance de divorce, il a néanmoins entamé une relation sérieuse avec une nouvelle compagne avec qui il a eu un enfant ; il était en droit d'obtenir un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de parent d'un enfant qui a vocation à acquérir la nationalité française ; il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; il appartenait au préfet d'examiner à ce titre la demande de titre de séjour dès lors que son enfant était né à la date de l'arrêté en litige ;
- pour ces motifs, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; d'autant qu'une demande d'asile a été présentée et qu'il n'est pas établi que sa nouvelle compagne se trouve en situation irrégulière en France ;
- la décision en litige expose sa fille à un risque d'excision, ce qui est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 4 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juillet 2021 à 12h00.
M. A... a présenté un mémoire le 28 août 2021.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... est un ressortissant guinéen né le 27 janvier 1981 qui est entré sur le territoire français en 2016, selon ses déclarations, sous couvert d'un visa de long séjour délivré après son mariage avec une ressortissante française célébré le 20 juillet 2015 à Conakry. Il a bénéficié à ce titre d'un titre de séjour pluriannuel en qualité de conjoint de français valable du 5 février 2017 au 4 février 2019. Le 10 janvier 2019, M. A... a déposé en préfecture des Deux-Sèvres une demande de renouvellement de son titre. Par un arrêté du 9 juin 2020, le préfet des Deux-Sèvres a rejeté cette demande, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. M. A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement rendu le 17 novembre 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que dans sa réplique produite le 28 octobre 2020 en réponse au mémoire en défense du préfet, M. A... a soulevé un moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige. Les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant et ont ainsi entaché leur décision d'une motivation insuffisante. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation, pour irrégularité, du jugement attaqué.
3. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande de première instance présentée par M. A....
Sur la demande de première instance dirigée contre l'arrêté du 17 novembre 2020 :
4. En premier lieu, par un arrêté n° 79-2020-02-03-001 du 3 février 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 4 février 2020, la secrétaire générale de la préfecture des Deux-Sèvres s'est vu délivrer, par le préfet de ce département, une délégation de signature à l'effet de signer, notamment, l'ensemble des décisions et actes relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, par conséquent, les décisions portant refus de séjour et prononçant une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la décision attaquée rappelle que M. A..., après son entrée sur le territoire français, a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française valable jusqu'au 4 février 2019. Le préfet a relevé que le 9 avril 2019, soit pendant l'instruction de sa demande de renouvellement de son titre, M. A... avait informé ses services qu'il était en instance de divorce. Après avoir constaté que M. A... avait noué une relation avec une nouvelle compagne dont il a eu une fille née le 8 novembre 2019, le préfet a constaté que ce dernier ne pouvait prétendre au renouvellement de son titre de séjour en application du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait de la disparition de la communauté de vie entre les conjoints. Par ailleurs, le préfet n'a pas omis d'examiner si M. A..., compte tenu de sa nouvelle situation, pouvait obtenir un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code. Il a considéré que tel n'était pas le cas dès lors que l'intéressé n'établissait pas avoir tissé en France des liens personnels intenses avec des personnes autres que sa compagne actuelle, qui séjourne irrégulièrement sur le territoire français, et leur jeune fille. Il a encore relevé que M. A... ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle suffisante en France où il travaille seulement à temps partiel à raison de cinq heures par semaine. Le préfet a de plus précisé, dans sa décision, que M. A... n'établissait pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de son existence jusqu'à l'âge de 35 ans et qu'enfin, il ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels lui permettant de prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14. Par suite, la décision en litige est suffisamment motivée.
6. En troisième lieu, il ressort des motifs de la décision attaquée, et des pièces du dossier, que le préfet a procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. A... avant de prendre sa décision.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 4° A l'étranger (...) marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage (...) ". Il est constant qu'à la date de l'arrêté en litige, M. A... ne vivait plus avec son épouse avec laquelle il était en instance de divorce. Par suite, le préfet a fait une exacte application des dispositions précitées en rejetant la demande de titre de séjour au motif que la communauté de vie entre M. A... et son épouse avait pris fin.
8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas demandé un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les motifs de l'arrêté en litige font apparaitre que le préfet n'a pas non plus examiné le droit au séjour de M. A... en cette qualité alors surtout que la fille de ce dernier ne possède pas la nationalité française. Par suite, le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 pour contester la légalité de l'arrêté préfectoral en litige.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Pour l'application des stipulations et des dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. M. A... est entré en France en 2016, selon ses déclarations, en qualité de conjoint d'une ressortissante française mais, ainsi qu'il a été dit, il ne vit plus avec cette dernière dont il était en train de divorcer à la date de la décision attaquée. Le requérant fait néanmoins valoir qu'il a entamé une relation avec une nouvelle compagne qui lui a donné une fille née en France le 8 novembre 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cette relation était encore récente à la date de la décision attaquée et que la compagne de M. A... séjourne irrégulièrement sur le territoire français. Les éléments du dossier ne font pas apparaitre que M. A... et sa nouvelle compagne auraient tissé en France des liens privés et familiaux présentant un caractère ancien, stable et intense. Quant à leur enfant, elle ne possède pas la nationalité française et il ne ressort pas de éléments du dossier existant à la date de la décision attaquée qu'elle serait exposée à des risques de mauvais traitements en cas de retour dans le pays d'origine de ses parents. A cet égard, le seul dépôt d'une demande d'asile le 20 décembre 2019 au motif que l'enfant serait exposée à un risque d'excision en Guinée constitue un élément de preuve insuffisant et d'ailleurs non invoqué par M. A... à l'appui de sa demande de titre. Si l'enfant a obtenu la qualité de réfugiée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 juin 2021, cette circonstance est postérieure à la décision attaquée. Par ailleurs, M. A... allègue que sa compagne ne possède pas la nationalité guinéenne sans produire aucun élément permettant d'établir la réalité de ses affirmations. Enfin, M. A... a passé l'essentiel de son existence en Guinée où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans et où il n'allègue pas être dépourvu d'attaches privées et familiales.
11. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces mêmes circonstances, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'admettant pas au séjour à titre exceptionnel M. A... en application de l'article L. 313-14 du ce code.
12. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la réalité des risques encourus par la fille du requérant en cas de retour dans le pays d'origine de ses parents est insuffisamment établie à la date de la décision attaquée. Par suite, l'arrêté en litige, en tant qu'il fixe la Guinée comme pays de renvoi, et dont la légalité s'apprécie en fonction des éléments de droit et de fait existant à la date de sa signature n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée en première instance par M. A... doit être rejetée en toutes ses conclusions.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37- 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. A..., l'Etat ne pouvant être regardé comme la partie perdante à l'instance.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n°2001618 du tribunal administratif de Poitiers du 17 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et le surplus des conclusions d'appel de M. A... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 30 août 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2021.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Didier Artus
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX04142 2