La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2021 | FRANCE | N°21BX00913,21BX00914

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 juillet 2021, 21BX00913,21BX00914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2003713, M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 août 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et en lui interdisant tout retour sur le territoire national pour une durée de deux ans.

Par une requête enregistrée sous le n° 2003714 Mme A... F... a demandé au trib

unal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 août 2020 par lequel la préfète ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2003713, M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 août 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et en lui interdisant tout retour sur le territoire national pour une durée de deux ans.

Par une requête enregistrée sous le n° 2003714 Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 août 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2003713 et 2003714 du 30 octobre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 mars 2021 sous le n° 21BX00913, Mme A... F..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 30 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et en lui interdisant tout retour sur le territoire national pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation de séjour lui permettant de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 800 euros TTC sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée ; la préfète ne peut se borner à se référer à la décision de l'OFPRA sans s'en approprier les termes ;

- la préfète a omis d'exercer sa compétence en s'estimant en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le tribunal a commis une erreur en retenant qu'il était défavorablement connu des services de police alors que la préfecture n'a pas contesté son erreur sur ce point ;

- elle méconnaît les articles 3-1 et 16-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ; la préfète ne peut se borner à se référer à la décision de l'OFPRA sans s'en approprier les termes ;

- la préfète a omis d'exercer sa compétence en s'estimant en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; dès lors que la Géorgie est un pays sûr et que le recours contre la décision lui refusant l'asile introduit devant la cour nationale du droit d'asile n'est pas suspensif, la Cour doit la faire bénéficier du doute afin de ne pas l'exposer à un risque de traitement contraire aux articles 2 ou 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en l'occurrence il existe un doute plus que sérieux sur la légalité de la décision de la renvoyer en Géorgie ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le tribunal a commis une erreur en retenant que son époux était défavorablement connu des services de police alors que la préfecture n'a pas contesté son erreur sur ce point ;

- elle méconnaît les articles 3-1 et 16-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mai 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 janvier 2021.

II. Par une requête enregistrée le 2 mars 2021 sous le n° 21BX00914, M. C... G..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 30 octobre 2020 ;

2°) l'arrêté du 5 août 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et en lui interdisant tout retour sur le territoire national pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation de séjour lui permettant de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 800 euros TTC sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal omet de se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée ; la préfète ne peut se borner à se référer à la décision de l'OFPRA sans s'en approprier les termes ;

- la préfète a omis d'exercer sa compétence en s'estimant en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le tribunal a commis une erreur en retenant qu'il était défavorablement connu des services de police alors que la préfecture n'a pas contesté son erreur sur ce point ;

- elle méconnaît les articles 3-1 et 16-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ; la préfète ne peut se borner à se référer à la décision de l'OFPRA sans s'en approprier les termes ;

- la préfète a omis d'exercer sa compétence en s'estimant en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; dès lors que la Géorgie est un pays sûr et que le recours contre la décision lui refusant l'asile introduit devant la cour nationale du droit d'asile n'est pas suspensif, la Cour doit la faire bénéficier du doute afin de ne pas l'exposer à un risque de traitement contraire aux articles 2 ou 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en l'occurrence il existe un doute plus que sérieux sur la légalité de la décision de la renvoyer en Géorgie ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le tribunal a commis une erreur en retenant qu'il était défavorablement connu des services de police alors que la préfecture n'a pas contesté son erreur sur ce point ;

- elle méconnaît les articles 3-1 et 16-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est irrégulière compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ; la décision contestée ne fait que mentionner de façon purement formelle des critères légaux sans s'expliquer sur la durée maximale d'IRTF prononcée ; seule l'insuffisance des liens en France est invoquée pour motiver les deux années de bannissement familial, professionnel et social car la rédaction de la décision est floue sur l'existence ou non d'une menace et sur l'existence ou non d'une précédente mesure de reconduite ;

- elle est entachée d'erreur de fait sur la menace que sa présence en France peut représenter pour l'ordre public ; il est retenu à tort qu'il est défavorablement connu des services de police pour des faits qui se seraient déroulés en 2004 à Chanteloup les vignes alors qu'il était âgé de 12 ans et résidait en Géorgie ;

- elle méconnait les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mai 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 janvier 2021.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... et Mme F..., ressortissants géorgiens, sont entrés en France le 12 mars 2019 avec leur fille mineure. Les demandes d'asile qu'ils ont présentées ont été rejetées par des décisions du 8 avril 2019 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) après avoir été examinées selon la procédure accélérée. Par deux arrêtés du 5 août 2020, la préfète de la Gironde a refusé leur admission au séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi et a assorti cette décision d'une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans pour ce qui concerne M. G.... Par deux requêtes, qui doivent être jointes, ils relèvent appel du jugement n°s 2003713 et 2003714 du 30 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du point 5 du jugement critiqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux s'est prononcé sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision interdisant à M. G... de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux années. Le moyen tiré de l'omission à statuer doit donc être écarté.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire :

3. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il vise ainsi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 511-1, L. 513-2 et L. 743-1 à L. 743-4. L'arrêté précise ensuite les conditions de l'entrée et du séjour en France des requérants, qu'ils déclarent être entrés en France récemment, avec leur fille, qu'ils ont formulé une demande d'asile le 22 mars 2019 rejetée par une décision du 8 avril 2020 selon la procédure accélérée prévue au 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne qu'ils ne sont pas isolés dans leur pays d'origine et n'établissent pas y être exposés à des peines ou traitement contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation des intéressés, a suffisamment motivé en droit et en fait son arrêté du 23 juillet 2019.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que la préfète de la Gironde se serait cru en situation de compétence liée, compte tenu de l'avis rendu par l'OFPRA et aurait omis de procéder à un examen complet de la situation personnelle des intéressés.

5. En troisième lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire n'impliquant pas par elles-mêmes un retour des requérants dans leur pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale est par suite inopérant.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " et aux termes de son article 16 : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ".

7. D'une part, il ressort de la décision contestée que la préfète de la Gironde a retenu que M. G... était défavorablement connu des services de police pour des faits qui se seraient déroulés le 25 avril 2004 à Chanteloup les Vignes alors qu'il était à cette date âgé de douze ans et résidait en Géorgie. Le moyen tiré de l'erreur de fait est par suite fondé.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les requérants résidaient en France depuis un peu plus d'un an à la date de l'acte attaqué, soit le temps de l'examen de leurs demande d'admission à l'asile, qu'ils ne justifient d'aucune attache stable ou durable en France, qu'ils ne sont pas isolés dans leur pays d'origine et qu'aucune pièce ne justifie que la cellule familiale ne pourra se reconstituer en Géorgie. Dans ces conditions, et nonobstant l'erreur de fait commise, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus qui lui a été opposé, et n'ont donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation des requérants. Pour les mêmes motifs, et alors qu'aucun élément ne fait obstacle à ce que la fille des requérants se joignent à eux lors de leur retour en Géorgie, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 16-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

9. Il ressort des pièces du dossier, et de ce qui a été dit précédemment, que la préfète de la Gironde aurait pris la même décision si elle s'était fondée uniquement sur l'intensité, l'ancienneté et la stabilité des liens personnels et familiaux des requérants sur le territoire français.

Sur les décisions fixant le pays de renvoi :

10. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 3 et 4, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et sur l'erreur de droit commise par la préfète en s'estimant en situation de compétence liée doivent être écartés.

11. En troisième lieu, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Il ressort des pièces du dossier que si l'expropriation dont ils soutiennent avoir été victime à l'occasion des conflits transfrontaliers existant entre la Géorgie et la Russie et la situation d'endettement qui en est résultée ne sont pas remises en cause, le premier juge a relevé à bon droit qu'ils n'apportaient aucun élément suffisamment probant pour établir la réalité des risques de traitements inhumains et dégradants qu'ils encourraient en cas de retour dans leur pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées ne peut donc qu'être écarté.

13. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 7 et 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 16-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire de M. G... :

14. Aux termes de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour.

15. Ainsi que le soutient le requérant, l'arrêté en litige mentionne la nature et l'ancienneté des liens de M. G... avec la France et la durée de sa présence sur le territoire mais comporte des erreurs empêchant de déterminer si la préfète de la Gironde a retenu que l'intéressé représentait ou non une menace pour l'ordre public et a fait, ou non, l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière non exécutée. M. G... est fondé à soutenir que la décision critiquée est insuffisamment motivée.

16. Au surplus, s'il ressort des pièces du dossier que M. G... ne résidait que depuis très peu de temps en France et n'y disposait pas de liens anciens et stables, il n'a fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement et ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, la préfète, en prononçant à l'encontre du requérant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, a fait une inexacte appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, l'interdiction de retour de deux ans contenue dans l'arrêté contesté doit être annulée.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement critiqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande et que M. G... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que ledit magistrat a rejeté sa demande d'annulation de la décision lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux années.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

18. L'exécution du présent arrêt n'implique pas que les situations de M. G... et de Mme F... soient réexaminées par la préfète de la Gironde. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante au principal dans la présente instance, la somme dont M. G... et Mme F... demandent le versement à leur conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2003713, 2003714 du 30 octobre 2020 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. G... dirigées contre l'interdiction de retour d'une durée de deux ans contenue dans l'arrêté du préfet de la Gironde du 5 août 2020 le concernant.

Article 2 : L'interdiction de retour d'une durée de deux ans contenue dans l'arrêté du préfet de la Gironde du 5 août 2020 concernant M. G... est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. G... et la requête de Mme F... sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., à Mme A... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. E... D..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2021.

Le rapporteur,

Stéphane D... La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

9

N° 21BX00913, 21BX00914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00913,21BX00914
Date de la décision : 16/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : REIX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-16;21bx00913.21bx00914 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award