Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... D... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 9 mai 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé
de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 1906747 du 2 mars 2021, le tribunal a annulé la décision
du 9 mai 2019 et enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme F... un titre
de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 23 mars 2021 sous le n° 21BX01274, le préfet
de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que M. F... est présent en France depuis le 6 novembre 2014
et bénéficie d'un droit au séjour en raison de son état de santé ; il a vécu durant plusieurs années sans son épouse et occupe depuis 2016 un appartement de coordination thérapeutique avec prise en charge des soins quotidiens ; il n'est démontré ni qu'il aurait besoin en permanence de l'aide d'une tierce personne, ni que cette aide ne pourrait lui être apportée que par son épouse ;
en l'absence de preuve du caractère indispensable de la présence de Mme F... auprès
de son époux, c'est à tort que les premiers juges ont retenu une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mai 2021, Mme F..., représentée
par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge
de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre
des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la
loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle fait valoir que :
- la requête doit être rejetée pour irrecevabilité dès lors qu'il n'est pas justifié que sa signataire était habilitée à interjeter appel pour le compte du préfet et qu'aucun moyen nouveau n'est invoqué en appel ;
- l'état de santé de son conjoint s'est aggravé et a nécessité son hospitalisation
en septembre 2018 ; elle l'a rejoint en urgence et s'est maintenue à ses côtés pour pouvoir l'assister ; l'association gestionnaire des appartements thérapeutiques l'a contractualisée
en qualité d'accompagnante aux soins en avril 2019, et les certificats médicaux contemporains de la décision contestée attestent de la nécessité impérieuse de sa présence auprès de son époux ; c'est ainsi à bon droit que le tribunal a retenu une erreur manifeste d'appréciation au regard
des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision du 9 mai 2019 est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée
et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est mariée depuis le 14 janvier 2008 et l'aggravation de l'état de santé de son époux nécessite sa présence à ses côtés, de sorte que la décision du 9 mai 2019 méconnaît
les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales.
Mme F... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juin 2021.
II. Par une requête enregistrée le 23 mars 2021 sous le n° 21BX01275, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de suspendre l'exécution du même jugement.
Il renvoie à ses écritures présentées dans l'instance n° 21BX01274 et soutient qu'il présente des moyens sérieux de nature à justifier la suspension de l'exécution du jugement.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mai 2021, Mme F..., représentée
par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge
de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi
du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle fait valoir que :
- la requête doit être rejetée pour irrecevabilité dès lors qu'il n'est pas justifié que
sa signataire était habilitée à interjeter appel pour le compte du préfet ;
- les moyens invoqués par le préfet dans l'instance n° 21BX01274 ne sont pas sérieux.
Mme F... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique,
sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse F..., de nationalité géorgienne, est entrée en France
le 12 septembre 2018 pour y rejoindre son époux titulaire depuis 2014 d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 12 février 2019, elle a sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnante d'un étranger malade. Par une décision du 9 mai 2019, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande au motif que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoyait pas une telle autorisation pour l'accompagnement de personnes majeures, et a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 de ce code aux motifs qu'elle était entrée récemment en France, qu'il n'était pas établi que sa présence serait nécessaire pour la poursuite des soins
de son époux et constituerait une circonstance humanitaire justifiant la délivrance d'un titre
de séjour, et qu'il appartenait à son époux de présenter une demande de regroupement familial. Par un jugement du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision
au motif qu'elle était entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions
de l'article L. 313-14 et a enjoint au préfet de délivrer à Mme F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de joindre les requêtes par lesquelles le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement et en demande le sursis à exécution.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue
à l'article L. 313-2. / (...). "
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme F..., mariée depuis 2008, a rejoint son époux en urgence le 12 septembre 2018 alors que celui-ci, qui bénéficie depuis 2016 d'une prise en charge pluridisciplinaire dans un service d'appartements de coordination thérapeutique (ACT) destiné aux personnes atteintes d'une pathologie chronique invalidante, venait d'être admis
le 6 septembre 2018 à l'hôpital Rangueil, dont il n'est sorti que le 9 mai 2019. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le courriel d'un éducateur spécialisé du service d'ACT du 18 juin 2019 et le certificat du chef de clinique du département de néphrologie et de transplantation d'organes de l'hôpital de Rangueil du 27 juin 2019, bien que postérieurs à la décision du 9 mai 2019,
se rapportent à une situation antérieure à cette décision en ce qui concerne le caractère indispensable de la présence de l'intéressée auprès de son époux, atteint de pathologies lourdes. En se bornant à dénier l'existence de considérations humanitaires justifiant la délivrance
d'un titre de séjour à Mme F..., le préfet de la Haute-Garonne ne conteste pas utilement l'annulation prononcée par le tribunal.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins
de non-recevoir opposées en défense, que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé
à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse
a annulé la décision du 9 mai 2019 et lui a enjoint de délivrer à Mme F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
5. Le présent arrêt statuant au fond sur la requête du préfet de la Haute-Garonne,
les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement deviennent sans objet.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
6. Mme F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce,
de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 200 euros, à verser à Me E... sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat
à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif
de Toulouse n° 1906747 du 2 mars 2021 sont rejetées.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution.
Article 3 : L'Etat versera à Me E... une somme globale de 1 200 euros au titre
des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme G... D... épouse F.... Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne B..., présidente-assesseure,
Mme A... C..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.
La rapporteure,
Anne B...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 21BX01274, 21BX01275