Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, en premier lieu, d'annuler pour excès de pouvoir la décision verbale par laquelle la maire de la commune du Morne-Rouge a refusé le renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ensemble la décision rejetant son recours gracieux formé le 8 mars 2018, en deuxième lieu, d'enjoindre à la commune du Morne-Rouge de négocier un contrat à durée indéterminée, de la réintégrer dans les effectifs, de reconstituer sa carrière et de lui verser les rémunérations dont elle a été irrégulièrement privée, à compter du 12 janvier 2018, et enfin, de condamner la commune du Morne-Rouge, à titre principal, au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'au paiement des rémunérations qui lui sont normalement dues évaluées à la somme de 20 000 euros, de la somme de 4 373, 04 euros au titre de l'indemnité de licenciement et de la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral et à titre subsidiaire, de condamner la commune de Morne-Rouge au paiement des rémunérations qui lui sont dues pour la période du 12 janvier 2018 au 11 janvier 2019, soit la somme de 15 000 euros.
Par un jugement n°1800344 du 13 mai 2019, le tribunal administratif de La Martinique a annulé la décision verbale par laquelle le maire de la commune du Morne-Rouge a refusé le renouvellement de son contrat, a enjoint à la maire de la commune de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 juin, 14 août 2019 et 8 avril 2021, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions en injonction et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'enjoindre à la commune du Morne-Rouge de lui proposer un contrat à durée indéterminée et de procéder à la reconstitution de sa carrière;
3°) à titre principal, de condamner la commune du Morne-Rouge au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'au paiement des rémunérations qui lui sont normalement dues évaluées à ce jour à la somme de 24 000 euros, de la somme de 5 622 euros au titre de l'indemnité de licenciement et de 7 800 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence, outre la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral;
4°) à titre subsidiaire, de condamner la commune du Morne-Rouge au paiement des rémunérations qui lui sont dues pour la période du 12 janvier 2018 au 11 janvier 2019, soit au paiement de la somme de 15 000 euros ;
5°) de mettre à la charge de la commune du Morne-Rouge la somme de 6000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a lié le contentieux en cours d'instance ;
- le jugement n'est pas suffisamment motivé et il est entaché d'une omission à statuer sur des conclusions et moyens : le tribunal n'a pas statué sur son moyen tiré du non-respect du délai de prévenance qui fonde sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser des dommages et intérêts, ni à son moyen tiré du détournement de pouvoir et n'a pas examiné ses moyens fondant sa demande indemnitaire ;
- le motif d'annulation retenu par le tribunal n'impliquait pas seulement un réexamen de sa situation ;
- remplissant les conditions légales pour bénéficier d'un contrat à durée indéterminée à compter du 11 janvier 2017 et la décision de non-renouvellement étant entachée d'un détournement de pouvoir, elle est fondée à demander la mesure d'injonction qu'elle sollicite, ainsi que les sommes qu'elle demande en réparation des préjudices qu'elle a subis.
Par un mémoire enregistré le 26 mars 2020, la commune du Morne-Rouge, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mme B... ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes indemnitaires de Mme B... n'ayant été précédées d'aucune demande préalable, elles sont irrecevables ;
- aucun moyen n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984,
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012,
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016,
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... A...,
et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1.Mme B... a été employée par la commune du Morne-Rouge en qualité d'agent de crèche, par des contrats à durée déterminée successifs, du 1er septembre 2010 au 11 janvier 2018. Par un courrier du 21 février 2018, Mme B... a sollicité la régularisation de sa situation, demande à laquelle la maire de la commune du Morne-Rouge a opposé un refus, par courrier du 26 février 2018. Par un courrier du 8 mars 2018, Mme B... a formé un recours gracieux contre la décision verbale de non renouvellement de son contrat de travail, dont elle a été informée lors d'un entretien tenu le 27 février 2018 et a sollicité le renouvellement de son engagement sous contrat à durée indéterminée. Par une lettre du 14 mars 2018, la maire de la commune du Morne-Rouge a rejeté la demande. Mme B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision de non renouvellement de son contrat de de travail, ainsi que de condamner la commune à réparer les préjudices qu'elle estimait avoir subis. Par un jugement du 13 mai 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision verbale par laquelle le maire de la commune du Morne-Rouge a refusé le renouvellement de son contrat de travail, a enjoint à la maire de la commune du Morne-Rouge de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions en injonction et qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, estimant que la décision de non renouvellement du contrat de Mme B... avait été décidée pour des motifs étrangers à l'intérêt du service et qu'elle était de ce fait illégale, ont annulé cette décision après avoir précisé qu'il n'était pas besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, puis ont statué sur les conclusions à fins d'injonction et d'indemnisation présentée par Mme B.... Ils ont ainsi fait application de l'économie des moyens leur permettant d'annuler une décision sans être tenus d'examiner les autres moyens soulevés.
3. Mme B... soutient que les premiers juges n'ont pas examiné tous ses moyens fondant sa demande indemnitaire, notamment sa demande de dommages-intérêts fondée sur le non-respect par la commune du Morne-Rouge du délai de prévenance prévu par l'article 38-1 du décret n° 88-145 du 15 février 1988. Toutefois, si Mme B... avait bien invoqué à l'appui de ses conclusions en annulation de la décision refusant de renouveler son contrat, le moyen de légalité tiré du non-respect du délai de prévenance, elle ne l'avait en revanche pas invoqué en tant que fait générateur de la responsabilité de la commune de Morne-Rouge.
4. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'omission d'examiner des moyens et de statuer sur des conclusions doit être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées.
7. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.
8.Il résulte de l'instruction, notamment du dossier de première instance, que Mme B... avait présenté le 5 juin 2019 devant le tribunal administratif, des conclusions indemnitaires qui n'avaient pas été précédées d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle. Une telle décision n'est pas non plus intervenue avant que le tribunal statue par le jugement attaqué. La circonstance que l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions de la requérante n'étaient pas fondées, n'est pas de nature à régulariser ses conclusions indemnitaires en cours d'instance.
9. Enfin, n'est pas davantage de nature à régulariser sa demande indemnitaire présentée en première instance la circonstance que Mme B... ait postérieurement au jugement attaqué, pendant l'instance qui s'est déroulée en appel, présenté une réclamation indemnitaire auprès du maire de la commune du Morne-Rouge le 31 juillet 2019.
10. Il s'ensuit que la demande indemnitaire présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de la Martinique n'était pas recevable. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions en injonction :
11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; Selon l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
12. Si le juge de l'excès de pouvoir est libre de fonder sa décision d'annuler un acte administratif sur un seul des moyens fondés soulevés par le requérant ou sur un moyen qu'il est en droit de soulever d'office, et n'est donc pas tenu, en dehors des cas prévus par la loi, de se prononcer sur l'ensemble des moyens susceptibles de fonder cette annulation, en revanche, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre une mesure d'exécution dans un sens déterminé, il doit vérifier si l'un au moins des moyens de la requête implique nécessairement, s'il est fondé, le prononcé de cette injonction.
13. Aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors en vigueur issue de la loi du 12 mars 2012 : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à : 1° Un accroissement temporaire d'activité, pour une durée maximale de douze mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de dix-huit mois consécutifs ; (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et pour répondre à des besoins temporaires, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d'agents contractuels (...) ". Aux termes de l'article 3-2 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités (...) peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an (...). Sa durée peut être prolongée dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir ". Aux termes de l'article 3-3 de la même loi : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi (...). Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée ". Enfin, aux termes de l'article 3-4 de la même loi, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Lorsqu'un agent non titulaire recruté pour pourvoir un emploi permanent sur le fondement des articles 3-2 ou 3-3 est inscrit sur une liste d'aptitude d'accès à un cadre d'emplois dont les missions englobent l'emploi qu'il occupe, il est, au plus tard au terme de son contrat, nommé en qualité de fonctionnaire stagiaire par l'autorité territoriale. II. - Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée ".
14. Mme B..., qui occupait un emploi d'agent social territoriale de 2ème classe, depuis le 1er septembre 2010, afin d'assurer les fonctions d'agent de crèche garderie, a été recrutée à compter du 8 janvier 2014 jusqu'au 11 janvier 2018, dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire, sur le fondement de l'article 3-2 de la loi de la loi du 26 janvier 1984. Toutefois, il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 3-2, lesquelles ne prévoient pas la qualification en contrat à durée indéterminée, que le dernier contrat de cet agent, conclu pour une durée déterminée, doive être requalifié en contrat à durée indéterminée. Dès lors, l'annulation de la décision de non renouvellement de son contrat à durée déterminée, fondée sur un moyen d'erreur de droit énoncé au point 2, n'impliquait pas que la commune du Morne-Rouge propose à Mme B... un contrat à durée indéterminée, mais impliquait seulement, à la date où le tribunal a statué, que Mme B... soit réintégrée dans l'emploi qu'elle occupait dans les conditions antérieures des clauses de son contrat. Par suite, Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique n'a pas fait droit à ses conclusions présentées à titre principal tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à sa réintégration dans les conditions antérieures des clauses de son contrat. Par suite, il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement du 13 mai 2019 du tribunal administratif de la Martinique et d'enjoindre à la commune du Morne-Rouge de procéder à sa réintégration dans l'emploi et dans les conditions antérieures des clauses de son contrat dans un délai de trois mois à compter du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : L'article 2 du jugement du 13 mai 2019 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la commune du Morne-Rouge de procéder à la réintégration dans l'emploi et dans les conditions antérieures des clauses du contrat de Mme B... dans le délai de trois mois à compter du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions d'appel présentées par la commune du Morne-Rouge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et à la commune du Morne-Rouge.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseur,
Mme C... A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juillet 2021.
La rapporteure,
Déborah A...Le président,
Didier ARTUSLa greffière,
Sylvie HAYET
La République mande et ordonne au ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 19BX02478