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12/07/2021 | FRANCE | N°19BX00506

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 12 juillet 2021, 19BX00506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le laboratoire départemental de Haute-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la société Tib Molbiol Syntheselabor à lui verser la somme de 35 560,39 euros sur le fondement de la garantie des vices cachés, assortie des intérêts à taux légal à compter de l'enregistrement de la requête et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1603194 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la société Tib Molbiol Syntheselabor à verser au laborato

ire départemental de Haute-Garonne la somme de 23 570,47 euros avec intérêts au taux l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le laboratoire départemental de Haute-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la société Tib Molbiol Syntheselabor à lui verser la somme de 35 560,39 euros sur le fondement de la garantie des vices cachés, assortie des intérêts à taux légal à compter de l'enregistrement de la requête et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1603194 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la société Tib Molbiol Syntheselabor à verser au laboratoire départemental de Haute-Garonne la somme de 23 570,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 juillet 2016 et leur capitalisation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 février 2019 et le 25 février 2020, la société Tib Molbiol Syntheselabor, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 décembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande du laboratoire départemental de Haute-Garonne ;

3°) de mettre à la charge du laboratoire départemental de Haute-Garonne la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître du litige qui oppose un EPIC à une société privée ;

- les conditions générales de vente des commandes en cause et notamment les clauses limitatives de responsabilité sont opposables au requérant ;

- la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil ne pouvait être appliquée dès lors qu'elle ignorait l'usage particulier qui serait fait des produits livrés ;

- la réalité du préjudice n'est pas démontrée dès lors que l'ampleur de cette contamination d'un réactif ne justifiait pas que le laboratoire fasse procéder à la décontamination du matériel et du laboratoire, ni qu'il remplace le matériel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2020, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à ce que le jugement soit réformé en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 23 570,47 euros, à ce que la somme allouée en réparation de son préjudice soit portée à 35 560,39 euros et à ce que la société Tib Molbiol Syntheselabor lui verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le laboratoire est un établissement dépendant du département et qui n'a pas de personnalité juridique ; dès lors la juridiction administrative est compétente pour connaitre du contrat administratif qui lie le département et la société requérante ;

- les conditions générales de vente rédigées en langues étrangères n'étaient pas opposables ;

- la garantie des vices cachés était applicable dès lors que le vice a rendu la fourniture impropre à sa destination normale ;

- le montant du préjudice subi doit être porté à la somme de 35 560,39 euros pour y inclure le cout du personnel mobilisé et le manque à gagner.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. En 2015, dans le cadre du plan ministériel de surveillance et de recherche d'influenza aviaire, le laboratoire départemental de Haute-Garonne a été sollicité pour effectuer des analyses de prélèvements mais n'était pas en mesure de répondre au volume important des tests à réaliser. Par deux commandes, passées respectivement les 27 novembre et 12 décembre 2015, le laboratoire départemental de Haute-Garonne s'est porté acquéreur de réactifs, comprenant des primers et des sondes, auprès de la société Tib Molbiol Syntheselabor. Les 7 et 15 décembre 2015, alors que le laboratoire départemental de la Haute-Garonne procédait à des analyses de prélèvements grâce aux réactifs fournis par la société Tib Molbiol Syntheselabor, une anomalie a été constatée car des témoins négatifs pour le gène M répondaient positivement au test. Après en avoir été informé, le ministère de l'agriculture a suspendu le 24 décembre 2015 l'agrément du laboratoire départemental de Haute-Garonne pour la recherche d'influenza aviaire. Par un courriel du 5 janvier 2016, ce laboratoire a avisé la société Tib Molbiol Syntheselabor des problèmes survenus lors des analyses réalisées avec ses réactifs. Après vérification cette société a reconnu, par l'intermédiaire d'un courriel du 6 janvier 2016, que les réactifs fournis avaient été contaminés au contact d'une sonde dans ses locaux. Le laboratoire départemental de Haute-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la société Tib Molbiol Syntheselabor à lui verser la somme de 35 560,39 euros au titre de la garantie des vices cachés. Ce tribunal a condamné la société à verser au laboratoire départemental de Haute-Garonne une somme de 23 570,47 euros. La société Tib Molbiol Syntheselabor relève appel de ce jugement et le laboratoire départemental de Haute-Garonne par la voie de l'appel incident demande que la somme accordée par le tribunal soit portée à 35 560,39 euros.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. La société Tib Molbiol Syntheselabor fait valoir que s'agissant d'un litige relatif à un contrat conclut avec le laboratoire départemental de Haute-Garonne, lequel aurait la qualité d'établissement public industriel et commercial, seul le juge judiciaire serait compétent pour en connaitre. Toutefois, le présent litige est relatif à l'exécution d'un marché public de fournitures tel que visé aux articles 4 et 5 de l'ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics conclut avec le département de la Haute-Garonne, lequel est signataire du contrat en cause dès lors que le laboratoire départemental n'a pas de personnalité morale mais dispose seulement d'une autonomie budgétaire. Par suite, l'exception d'incompétence de la juridiction administrative doit être écartée.

Sur la responsabilité de la société requérante :

3. Aux termes de l'article 1641 du code civil : " Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ". Aux termes de l'article 1645 du même code : " Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 1648 du même code : " L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice (...)".

4. Les règles résultant des articles 1641 à 1649 du code civil relatifs à la garantie des vices cachés sont applicables à un marché public de fourniture. Si la société Tib Molbiol Syntheselabor soutient que les conditions générales de vente, opposables au cocontractant de même spécialité, limitaient sa responsabilité au titre des vices cachés, toutefois le vice en cause ne pouvait pas être détecté sans procéder à des investigations étendues. Par suite, les vices n'étant pas décelables selon une diligence raisonnable, la clause de garantie contenue dans les conditions générales de vente, ne pouvait recevoir application.

5. En l'espèce, il résulte de l'instruction, que les réactifs livrés par la société requérante étaient affectés d'un vice, tenant à leur contamination, qui préexistait au transfert de propriété. La société Tib Molbiol Syntheselabor a reconnu, à travers le courriel du 6 janvier 2016 adressé au laboratoire, que cette contamination s'était produite dans ses locaux, au contact d'une sonde elle-même contaminée. Aussi la contamination des réactifs les a nécessairement rendus impropres à l'usage auquel ils étaient destinés. En outre, ce vice était inconnu de l'acheteur lors de la conclusion de la vente, et ne pouvait être décelé par lui qu'au moment de la manipulation des réactifs dans ses locaux. Par suite, la demande du laboratoire départemental de Haute-Garonne, introduite dans le délai imparti par l'article 1648 du code civil précité, remplit les conditions d'engagement de la garantie par l'acheteur des vices cachés de la chose vendue. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a jugé qu'il y avait lieu de retenir la responsabilité de la société Tib Molbiol Syntheselabor sur le fondement de la garantie des vices cachés par le vendeur.

Sur les préjudices :

6. Il résulte des dispositions du code civil citées au point 3, une obligation pour le vendeur de réparer l'intégralité des dommages causés par le vice caché.

7. La société Tib Molbiol Syntheselabor soutient que la réalité du préjudice n'est pas démontrée dès lors que la contamination d'un réactif ne justifiait pas que le laboratoire fasse procéder à la décontamination du matériel et du laboratoire. Le laboratoire départemental de Haute-Garonne fait valoir quant à lui, à l'appui de ses conclusions incidentes, que le montant du préjudice subi doit être indemnisé en incluant le coût du personnel mobilisé et la totalité du manque à gagner.

8. Il résulte de l'instruction que les préjudices subis par le laboratoire départemental de Haute-Garonne s'entendent nécessairement du remplacement des réactifs défaillants pour un montant non contesté de 906,22 euros. Il y a lieu également de retenir le remplacement des pipettes et centrifugeuse contaminés dont il n'est pas démontré qu'elles auraient pu être seulement décontaminées, pour un montant de 3 324,24 et 3 600,01 euros. La décontamination des locaux du laboratoire et les frais engagés pour la recherche de l'origine de la décontamination étant la conséquence des désordres provoqués par le vice des réactifs, il y a lieu de les retenir et de les indemniser pour les sommes de 13 200 et 300 euros. Il résulte également des pièces versées au dossier que d'autres laboratoires du sud-ouest ont été sollicités par le ministre de l'agriculture pour procéder aux analyses en lieu et place du laboratoire départemental de Haute-Garonne pendant la période de suspension de son agrément. Le laboratoire départemental de Haute-Garonne a ainsi été privé de la réalisation de 62 tests de recherche de l'influenza aviaire confiées à d'autres laboratoires et a ainsi subi un manque à gagner de 6 200 euros. Aussi, il y a lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse sur ce point. Enfin et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Toulouse, la suspension de l'agrément du laboratoire et l'atteinte à son image qui en est résulté, est de nature à lui ouvrir droit à une somme de 1 000 euros en réparation de ce préjudice. En revanche, en se bornant à produire une attestation de sa directrice quantifiant une durée de travail générée par les désordres liés à la contamination, le laboratoire ne démontre pas avoir mobilisé du personnel supplémentaire pour 240 heures et pour un montant de 7 029,92 euros.

9. Dans ces conditions, le montant du préjudice du laboratoire départemental de Haute-Garonne doit être porté à hauteur de la somme de 28 530,47 euros et le jugement du tribunal doit être réformé dans cette mesure.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le laboratoire de Haute-Garonne est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a condamné la société requérante à lui verser la somme de 23 570,47 euros en réparation de son préjudice sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du laboratoire départemental de Haute-Garonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Tib Molbiol Syntheselabor demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros qu'elle versera au laboratoire départemental de Haute-Garonne sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Tib Molbiol Syntheselabor est rejetée.

Article 2 : La somme de 23 570,47 que le tribunal administratif de Toulouse a mise à la charge de la société Tib Molbiol Syntheselabor est portée à 28 530,47 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La société Tib Molbiol Syntheselabor versera au laboratoire départemental de la Haute-Garonne la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par le Laboratoire départemental de Haute-Garonne est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tib Molbiol Syntheselabor et au département de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme D... E..., présidente-assesseure,

Mme A... C..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juillet 2021.

La rapporteure,

Fabienne E... Le président,

Didier ARTUS

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00506


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00506
Date de la décision : 12/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Nature du contrat - Contrats ayant un caractère administratif.

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET DENTONS EUROPE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-12;19bx00506 ?
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