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06/07/2021 | FRANCE | N°21BX00246

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 21BX00246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2001546 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 18 janvier 2021, M. A..., représenté par Me G..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2001546 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2021, M. A..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 22 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020 par lequel la préfète de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer sans délai un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, à défaut d'aide juridictionnelle, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions du seul article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement écarte sans le justifier le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu ;

- l'arrêté a été adopté sans que soit respecté son droit à être entendu préalablement et sans procédure contradictoire préalable ; si le préfet lui avait laissé la possibilité de s'exprimer préalablement, il aurait pu justifier de sa présence sur le sol français depuis février 2016, de sa vie commune avec Mme B... et aurait pu présenter des garanties de représentation ;

- les décisions sont insuffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il réside depuis 5 ans en France, s'est marié le 25 juillet 2020 avec une ressortissante française avec laquelle il vit maritalement depuis près de deux ans ; leur premier enfant est né en novembre 2020 ; il a perdu tout contact au Maroc ; il ne représente pas une menace pour l'ordre public ; cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'annulation de la décision de refus de séjour entrainera l'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français sans délai et celle des décisions fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français (IRTF) pendant deux ans ;

- la décision portant d'éloignement à destination du Maroc est irrégulière dès lors qu'elle n'est pas réalisable dans un délai raisonnable compte tenu de la situation sanitaire et de la suspension des liaisons aériennes.

Un mémoire présenté par le préfet de Seine-Saint-Denis a été enregistré le 7 juin 2021.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte de droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, a fait l'objet, le 29 janvier 2020, à la suite de son interpellation par les services de police lors d'un contrôle routier, d'un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Bordeaux a expressément répondu aux moyens contenus dans le mémoire produit par le requérant. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que protégé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne le vice de procédure :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 I, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français, des décisions par lesquelles l'administration octroie ou refuse un délai de départ volontaire, fixe le pays à destination duquel il sera reconduit et lui interdit le retour sur le territoire français. Dès lors, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code et prévoient notamment la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire préalable à leur édiction, ne peuvent être utilement invoquées par M. A... à l'encontre des décisions contestées. Il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que M. A... a pu faire valoir ses observations lors de son audition par les services de police.

5. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment: a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; b) le droit d'accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ; c) l'obligation pour l'administration de motiver ses décisions. 3. Toute personne a droit à la réparation par l'Union des dommages causés par les institutions, ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres. 4. Toute personne peut s'adresser aux institutions de l'Union dans une des langues des traités et doit recevoir une réponse dans la même langue. ". Et selon l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ".

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt C-141/12 et C-372/12 du 17 juillet 2014), que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

7. Toutefois, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Une atteinte à ce droit garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

8. M. A... fait ainsi valoir que le respect d'une procédure régulière lui aurait permis de justifier de sa présence sur le sol français depuis février 2016 et de sa vie commune avec une ressortissante française et qu'il aurait pu présenter des garanties de représentation. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... a été entendu préalablement à l'édiction de la mesure contestée, comme en témoigne le procès-verbal d'audition du 28 janvier 2020, lequel a été signé par l'intéressé. Le requérant, qui a pu faire valoir ses observations concernant notamment sa situation administrative et personnelle, son parcours migratoire et l'éventualité d'une mesure d'éloignement à son encontre, y a alors indiqué qu'il était marié sans préciser la nationalité de sa conjointe, qu'il avait de la famille à Bordeaux et à Paris et résidait en France depuis novembre 2015. Par suite, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que s'il vivait maritalement avec Mme B... depuis le mois de mai 2019, ils ne se sont mariés que le 25 juillet 2020, M. A... a été mis en mesure de présenter les informations pertinentes tenant à sa situation personnelle avant que ne soit prise les décisions critiquées. Par suite, eu égard à l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de ce que les décisions contestées auraient été prises en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu, tel que garantis par le droit de l'Union européenne doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

9. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il vise ainsi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 511-1, L. 512-2 à L. 512-4 et 513-1 à L. 513-3. L'arrêté précise ensuite les conditions de l'entrée et du séjour en France du requérant, qu'il soutient être entré en France de manière irrégulière en novembre 2015, n'a effectué aucune démarche administrative pour régulariser sa situation, exerce illégalement une activité non déclarée sans être titulaire d'une titre de séjour l'y autorisant, qu'il ne justifie ni de sa résidence continue en France depuis 2015 ni de la stabilité de ses liens personnels et familiaux et qu'il constitue une menace pour l'ordre public. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de l'intéressé, a suffisamment motivé en droit et en fait la décision critiquée.

10. En deuxième lieu, s'il ressort des pièces du dossier que M. A... vivait en concubinage avec une ressortissante française depuis mai 2019, il ne ressort pas des termes de l'arrêté critiqué que le préfet de Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation du requérant en estimant que M. A... ne justifiait pas de la stabilité de ses liens personnels dès lors que le requérant n'a pas évoqué cette relation mais a soutenu, à tort, qu'il était marié lors de son audition par les services de police.

11. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Si M. A... est marié avec une ressortissante française depuis le 25 juillet 2020 et si un enfant est né de cette union en novembre 2020, ces circonstances sont postérieures à l'acte attaqué. Le requérant soutient qu'il a rencontré sa future épouse dès février 2016 et qu'ils ont vécu maritalement à compter du mois de mai 2019. Dans ces conditions, et alors que M. A... ne soutient pas qu'il serait dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris la mesure d'éloignement litigieuse et n'a, ainsi, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

13. Enfin, le requérant qui ne justifie pas de l'impossibilité de mettre en oeuvre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait irrégulière au motif qu'elle comporterait pas un délai raisonnable.

En ce qui concerne le refus d'octroyer un délai de départ volontaire :

14. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) /3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ; h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. / (...) ".

15. La décision critiquée précise que M. A... constitue une menace pour l'ordre public et ne présente pas de garantie de représentation dans la mesure où il dispose d'un document de voyage en cours de validité mais ne justifie pas demeurer de manière stable et effective au lieu de résidence qu'il a déclaré. Cette décision est donc suffisamment motivée. Il ne ressort pas de cette motivation que le préfet de Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé.

16. M. A... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ne justifie pas d'un lieu de résidence stable et habituelle et a explicitement déclaré, lors de son audition par les services de police, son intention de rester sur le territoire français en cas de mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé ne peut être regardé comme présentant des garanties de représentation suffisantes, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français peut être regardé comme établi, sans que des circonstances particulières y fassent obstacle. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a fait une exacte application des critères objectifs prévus par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour caractériser le risque de fuite de M. A..., a pu légalement lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

17. Aux termes de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

18. Il ressort de la décision critiquée que pour prononcer une interdiction de retour d'une durée de deux ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis a retenu que M. A... est entré en France en novembre 2015, ne justifiait d'aucun lien personnel et familial en France et que sa présence représentait une menace pour l'ordre public mais n'a pas évoqué la circonstance que l'intéressé a déjà fait l'objet ou non d'une précédente mesure d'éloignement. Le moyen tiré de défaut de motivation est par conséquent fondé.

19. Par suite, l'interdiction de retour de deux ans contenue dans l'arrêté contesté doit être annulée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui se borne à annuler la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans n'implique aucune des mesures d'exécution sollicitées. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. L'Etat n'étant pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2001546 du 22 juillet 2020 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... dirigées contre l'interdiction de retour d'une durée de deux ans contenue dans l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 janvier 2020.

Article 2 : L'interdiction de retour d'une durée de deux ans contenue dans l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 janvier 2020 est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. F... D..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

Stéphane D... La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00246
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : PORNON-WEIDKNNET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;21bx00246 ?
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