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06/07/2021 | FRANCE | N°20BX03921

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 20BX03921


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1906136 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... un certificat de résidence

portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois et a mis à la ch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1906136 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros à verser à Me D... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2020 sous le n° 20BX03921, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter les demandes de première instance présentées par M. A....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 23 septembre 2019 en estimant qu'il n'est pas établi que M. A... puisse effectivement bénéficier d'une prise en charge appropriée à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine, au regard des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ; en effet, le certificat médical d'un seul médecin ne peut suffire à établir l'impossibilité de soins en Algérie ; si l'offre de soins est moins dense en Algérie, elle n'en demeure pas pour autant inexistante ; enfin, rien ne fait obstacle à ce que M. A... réside dans la commune où se situe le centre de rééducation pouvant lui offrir les soins nécessaires à son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2021, M. A... représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat, la somme de 2 500 euros à verser à Me D... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il fait valoir que la requête est irrecevable et que les moyens soulevés par le préfet doivent être écartés.

II/ Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2020 sous le n° 20BX03921, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 novembre 2020.

Il soutient qu'il soulève des moyens sérieux dans sa requête au fond de nature à justifier le sursis à exécution du jugement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2021, M. A... représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la demande de sursis à exécution du jugement doit être rejetée.

Par deux ordonnances distinctes du 30 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 30 avril 2021 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 14 janvier 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me D... représentant de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 2 septembre 1994, est entré irrégulièrement en France, le 1er octobre 2018, selon ses déclarations. Il a sollicité, le 25 juin 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 23 septembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il serait légalement admissible. Par la requête n° 20BX03921, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 3 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par la requête n° 20BX03922, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement.

Les requêtes n° 20BX03321 et n° 20BX03922 présentées par le préfet de la Haute-Garonne sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit " au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Dans ses avis du 26 août 2019, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays, il peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à l'intéressé le certificat de résidence sollicité en raison de son état de santé, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis précité.

6. Pour contester l'avis le concernant, M. A... a fait valoir devant le tribunal, levant ainsi le secret médical, qu'il souffre d'une dysplasie sévère du thorax et d'une scoliose très sévère à près de 180° du rachis thoracique ainsi que d'une asymétrie des plages pulmonaires réduisant considérablement ses capacités pulmonaires. Il a également produit des certificats médicaux révélant que des séances de kinésithérapie pluri hebdomadaires lui sont indispensables afin d'éviter une dégradation de ces capacités. Il a aussi produit des documents médicaux révélant qu'il présente une aplasie sévère des membres supérieurs et que des soins infirmiers doivent lui être quotidiennement délivrés pour le protéger d'infections cutanées, ostéo-articulaires et respiratoires. M. A... a enfin produit un certificat médical en date du 21 octobre 2019 selon lequel l'Algérie compte moins de 2 kinésithérapeutes pour 100 000 habitants, circonstance de nature à établir, a priori, une impossibilité de soins en Algérie appropriés à la pathologie particulière dont il souffre. Le préfet de la Haute-Garonne a produit devant les premiers juges une liste de centres de rééducation et de kinésithérapeutes qui révèle que l'intéressé peut bénéficier de soins appropriés à ses pathologies pulmonaires et dorsales s'il réside à proximité de l'un de ces centres. Toutefois, et d'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est célibataire, doit bénéficier, compte tenu de son handicap physique, de l'assistance quotidienne d'une tierce personne pour pourvoir à ses besoins essentiels, notamment se nourrir et s'hydrater. Il bénéficiait, à cet égard, à la date de l'arrêté attaqué, de l'assistance d'une auxiliaire de vie au sein du foyer dans lequel il était hébergé. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que cette prise en charge quotidienne ne pourrait être assurée en Algérie que par la mère de l'intéressé, laquelle réside dans la ville de Dahra, située à plus de 2 heures et trente minutes de voiture du centre de kinésithérapie le plus proche situé à Oran. En effet, les soins à domicile ne sont principalement assurés en Algérie que par des compagnies privées auxquelles l'intéressé, dépourvu de toutes ressources, ne peut accéder. Il s'en suit que M. A... ne peut pas bénéficier, dans les circonstances particulières de l'espèce, d'une prise en charge effective, complète et appropriée à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 23 septembre 2019.

Sur les conclusions à fins de sursis à exécution :

8. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 3 novembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 20BX03922 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à Me D..., de la somme de 1 200 euros.

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20BX03922 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1906136 du 3 novembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse.

Article 2 : La requête du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me D..., avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas C..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

Nicolas C... La présidente,

Evelyne Balzamo La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03921, 20BX03922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03921
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : RIVIERE LUDOVIC AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;20bx03921 ?
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