La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2021 | FRANCE | N°19BX02259

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 19BX02259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Vad System a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la lettre d'injonction en date du 13 juin 2017 prise par la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de la préfecture de la Gironde.

Par un jugement n° 1703306 du 3 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2019, et un mémoire enregistré le 19 février 2021, la SAS Vad System représentée par

Me A... et Renard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 avril 2019 du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Vad System a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la lettre d'injonction en date du 13 juin 2017 prise par la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de la préfecture de la Gironde.

Par un jugement n° 1703306 du 3 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2019, et un mémoire enregistré le 19 février 2021, la SAS Vad System représentée par Me A... et Renard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 avril 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la lettre d'injonction en date du 13 juin 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il ne comporte ni la signature du président de la formation de jugement, ni celle du rapporteur, ni celle du greffier ;

- l'injonction est insuffisamment motivée ; la motivation de l'injonction est laconique et ce notamment en ce qui concerne le délai avant lequel la mise en conformité devait intervenir, à savoir, sans autre justification, avant le 30 septembre 2017 ; la décision ne s'approprie pas les motifs de la lettre de pré-injonction ;

- la procédure contradictoire ayant donné lieu à l'injonction est entachée d'irrégularité ; elle n'a pas présenté ses observations de manière effective et utile ; le délai de 8 jours qui lui a été accordé est trop bref ; l'injonction se borne à reprendre le contenu de la lettre de pré-injonction ; la DDDP n'a pas pris en compte la proposition précise qu'elle a mentionnée en page 11 de ses observations écrites ;

- il ne pouvait lui être enjoint d'" attendre l'acceptation écrite ou électronique du client pour considérer le contrat conclu lors des ventes réalisées suite à un démarchage téléphonique " ; en effet, l'article L. 221-16 du code de la consommation doit simplement être lu comme signifiant que, alors même que la commande a été exprimée et le contrat conclu lors du contact téléphonique, le consommateur peut le révoquer librement, sans délai et à sa seule convenance et ce tant qu'il n'a pas accepté l'offre par écrit ou par voie électronique ; d'ailleurs, la société Pôle Bien-Etre accepte les rétractations au-delà du délai légal de 14 jours ; dans ce cadre, l'article L. 221-16 du code de la consommation n'empêche nullement qu'il soit procédé au paiement de la commande avant que le consommateur ne soit effectivement engagé ;

- Le délai fixé par la DDPP pour qu'elle se mette en conformité au regard des griefs invoqués dans l'injonction est déraisonnable ; les injonctions impliquent en effet une modification des offres et des outils informatiques et téléphoniques dans un contexte où plus de 50 offres sont possibles et ce alors que le directeur informatique en poste depuis 17 ans quitte la société ; ces injonctions impliquent aussi la recherche d'un prestataire susceptible d'envoyer des mails et des SMS horodatés et de les archiver à fin de preuve pendant une durée de 3 ans ; elle renvoie expressément à ses écritures de première instance et notamment à son mémoire en réplique et les productions jointes (§ 3,p. 3 à 7 du mémoire en réplique - Productions 8 à 13 de première instance) ; la grande brièveté de ce délai est également manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi de protection des consommateurs ; pour un volume important d'environ 110 000 transactions annuelles, la DDPP a évoqué seulement 7 dossiers de réclamation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2019, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 avril 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la consommation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me D..., représentant la société Vad System.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Vad System exerce l'activité de vente à distance dans le domaine des compléments alimentaires, des produits d'hygiène et de beauté et de bijoux. Un contrôle de l'activité de la société Vad System a été réalisé par deux inspectrices de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes le 3 mars 2017 dans les locaux de la société, puis un second le 27 mars 2017 dans les locaux de la DDPP, lesquels ont conduit à la constatation d'infractions et de manquements relatifs aux pratiques commerciales interdites, à la vente à distance et au démarchage téléphonique. Un courrier de pré-injonction lui a été adressé le 16 mai 2017 puis un courrier d'injonction en date du 13 juin 2017. La SAS Vad System relève appel du jugement du 3 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette injonction.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 doit être écarté comme manquant en fait.

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police [...] ". Pour l'application de ces dispositions, l'administration doit indiquer soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé, les considérations de fait sur lesquelles elle se fonde.

4. La lettre du 13 juin 2017 adressée à la société requérante, lui enjoint, en application des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de la consommation, et ce avant le 30 septembre 2017, de fournir de manière lisible et compréhensible aux consommateurs toutes les informations précontractuelles réglementaires, de fournir un contrat conforme aux consommateurs, d'annoncer clairement l'identité du démarcheur et de la société ainsi que le but commercial de l'appel lors du démarchage téléphonique, d'attendre l'acceptation écrite ou électronique du client pour considérer le contrat conclu lors des ventes réalisées suite à un démarchage téléphonique, de supprimer les clauses illicites des contrats et de cesser les pratiques commerciales trompeuses décrites. La lettre précise que le non-respect de la présente injonction est passible d'une amende administrative de 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale en application de l'article L. 532-1 du code de la consommation. A cette lettre, était joint le courrier de pré-injonction et le rapport de contrôle listant et explicitant les huit catégories de manquements relevés tenant à l'absence d'informations précontractuelles dans les contrats conclus à distance, l'absence de fourniture de contrat à distance, l'absence d'informations obligatoires dans les contrats conclus à distance, le démarchage téléphonique non conforme, la présence de clauses illicites dans les contrats, les pratiques commerciales trompeuses constatées, la vente sans commande préalable et les mentions légales manquantes sur internet. La lettre d'injonction s'approprie également implicitement mais nécessairement le contenu de ce courrier de pré-injonction et le rapport de contrôle. En outre, le courrier d'injonction pouvait indiquer que la société requérante " a commencé " à procéder aux rectifications sollicitées sans que ce constat ne révèle une contradiction entre la motivation et la mesure prise. Enfin, l'indication que le délai de mise en conformité expirait le 30 septembre 2017 n'appelait pas de précisions supplémentaires. Dès lors, l'injonction contestée est suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations. " et aux termes de l'article L. 521-2 du même code " Les agents habilités peuvent, dans les mêmes conditions, enjoindre à tout professionnel de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que par courrier du 16 mai 2017, la société Vad System a été informée que la DDDP de la Gironde envisageait de lui enjoindre de fournir de manière lisible et compréhensible aux consommateurs toutes les informations précontractuelles réglementaires, de fournir un contrat conforme aux consommateurs, d'annoncer clairement l'identité du démarcheur et de la société ainsi que le but commercial de l'appel lors du démarchage téléphonique, d'attendre l'acceptation écrite ou électronique du client pour considérer le contrat conclu lors des ventes réalisées suite à un démarchage téléphonique, de supprimer les clauses illicites des contrats et de cesser les pratiques commerciales trompeuses décrites. Un délai de 8 jours lui a été accordé pour présenter ses observations écrites ou orales. Ce délai a été prolongé à la demande de la société Vad System et a permis à celle-ci de faire valoir ses observations, de façon détaillée, dans un document écrit daté du " 9 juin 2017 " mais transmis par messagerie électronique dès le 7 juin 2017, en vue de la réunion qui s'est tenue le 9 juin suivant avec la DDDP de la Gironde, séance au cours de laquelle le représentant de la société a d'ailleurs pu présenter des observations orales. Ce délai n'était pas, compte tenu de la nature et du nombre des manquements relevés, déraisonnable alors même que par message électronique du 7 juin 2017, cette DDDP a aussi demandé aux représentants de la société de présenter des documents complémentaires en vue de la séance du 9 juin 2017. En outre, l'injonction qui lui a été adressée le 13 juin 2017 pouvait régulièrement reprendre le contenu de la lettre de pré-injonction et ignorer la proposition faite par la société en page 11 de ses observations écrites, sans méconnaître le principe du contradictoire. Dans ces conditions, et alors au demeurant que la société n'établit pas qu'elle aurait fourni d'autres éléments si un délai plus long que celui dont elle a bénéficié lui avait été octroyé, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions précitées du code de la consommation doit être écarté. Par ailleurs, dès lors qu'une procédure contradictoire préalable a été effectivement mise en œuvre, la méconnaissance invoquée des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, en vertu desquelles une telle procédure contradictoire préalable doit être suivie avant l'intervention d'une décision devant être motivée, ne peut qu'être écartée.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 221-16 du code de la consommation : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 221-12, le professionnel qui contacte un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d'un bien ou sur la fourniture d'un service indique au début de la conversation son identité, le cas échéant l'identité de la personne pour le compte de laquelle il effectue cet appel et la nature commerciale de celui-ci. A la suite d'un démarchage par téléphone, le professionnel adresse au consommateur, sur papier ou sur support durable, une confirmation de l'offre qu'il a faite et reprenant toutes les informations prévues à l'article L. 221-5. Le consommateur n'est engagé par cette offre qu'après l'avoir signée et acceptée par écrit ou avoir donné son consentement par voie électronique. ".

8. Contrairement à ce que soutient la requérante, ces dispositions imposent au professionnel d'attendre l'acceptation écrite ou électronique du client pour considérer le contrat conclu lors de la vente réalisée à la suite d'un démarchage téléphonique, en vue de s'assurer que le consommateur qui a fait l'objet de ce démarchage s'engage en connaissance de cause. Il suit de là que la seule faculté de rétractation offerte au client de la société Vad System pour se dédire du contrat, même au-delà du délai légal de 14 jours, n'est pas compatible avec les dispositions précitées. De même, l'article L. 221-16 du code de la consommation interdit qu'il soit procédé au paiement de la commande avant que le consommateur ne soit effectivement engagé. La société requérante ne peut donc pas, contrairement à ce qu'elle affirme, proposer au client, lors du démarchage téléphonique, un paiement immédiat par carte bancaire en se bornant à lui adresser un mail ou un " SMS " de confirmation. La DDDP de la Gironde pouvait donc enjoindre à la société Vad System d'attendre l'acceptation écrite ou électronique du client pour considérer le contrat conclu lors des ventes réalisées suite à un démarchage téléphonique.

9. En dernier lieu, la société requérante soutient que la mise en œuvre des prescriptions imposées remettent en cause son modèle économique en lui imposant un travail considérable qui ne peut pas être accompli dans le délai bref qui lui est imparti dès lors que les mesures d'injonction impliquent, entre autres, la réécriture de l'intégralité des contrats de vente de la société, la modification des scripts lus lors du démarchage téléphonique, la réédition de supports commerciaux, la refonte d'un nombre important de " process " internes afin de remédier aux manquements constatés, une modification des outils informatiques dans un contexte où plus de 50 offres sont possibles et ce alors que le directeur informatique en poste depuis 17 ans quitte la société et qu'elle doit rechercher un prestataire susceptible d'envoyer des mails et des SMS horodatés et de les archiver à fin de preuve pendant une durée de 3 ans. Toutefois, la société a été informée des mesures qu'elle serait susceptible de devoir mettre en œuvre dès le courrier de pré-injonction du 16 mai 2017 qui lui a été adressé et a donc bénéficié d'un délai de trois mois et demi pour se mettre en conformité avec les différentes dispositions méconnues et mettre un terme aux manquements constatés. Au surplus, ce délai est proportionné au regard de l'objectif poursuivi compte-tenu notamment du nombre de consommateurs potentiellement impactés par les pratiques de la société et du nombre de manquements commis relevés dans le rapport de contrôle et de leur gravité. Par suite, le moyen tiré de ce que le délai imparti est déraisonnable doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Vad System n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Vad System est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Vad System et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. B... C..., premier conseiller,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

Nicolas C...

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02259
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Réglementation de la protection et de l'information des consommateurs.

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Protection des consommateurs.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET ADDEN PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;19bx02259 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award