Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La collectivité territoriale de Guyane a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner solidairement le cabinet d'architectes Jocelyn Hi Tin A... et D..., aujourd'hui Ara Architecture, le bureau d'études Becar Guyane, la société Nofrayane, la SARL Socomeca et la SGS Qualitest à lui verser la somme de 10 190 067.91 euros en réparation des désordres affectant le lycée d'enseignement professionnel Melkior et Garré de Cayenne réalisé avec le concours de ces dernières, la somme 1 000 000 euros au titre des dommages et intérêts, la somme de 149 288,18 euros au titre des frais d'expertise et la somme de 80 000 euros au titre des autres dépens ;
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juin 2019, et un mémoire du 21 décembre 2020, le cabinet d'architectes Ara Architecture, représenté par Me E..., a demandé à la cour l'ouverture d'une procédure en exécution de l'arrêt n° 16BX1058 rendu le 30 novembre 2018.
Il soutient que :
- en exécution d'une ordonnance du juge des référés provision du 27 février 2003, accordant à la région Guyane une provision totale de 4 166 910 euros au titre de la responsabilité solidaire des constructeurs, il a adressé à la région Guyane devenue collectivité territoriale de la Guyane, une somme de 833 382 euros, correspondant à sa part de responsabilité dans le litige portant sur des désordres affectant la charpente du lycée Melkior et Garré ; par jugement du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté la demande de la collectivité territoriale de la Guyane demandant la condamnation des différents constructeurs à l'indemniser d'une somme de 10 190 067,91 euros au titre desdits désordres outre une somme de 1 million d'euros à titre de dommages et intérêts, au motif de la tardiveté de sa demande ; cette demande de la région tenait compte de sa part de responsabilité de 20 % et des versements des assureurs à hauteur de 2 506 576 euros ; la cour ayant confirmé le jugement rendu par le tribunal administratif le 28 janvier 2016, la région Guyane devait lui restituer les sommes versées ; ces courriers en ce sens à la collectivité sont restés sans réponse ; il y a lieu d'ordonner sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative l'exécution de l'arrêt du 30 novembre 2018 emportant annulation de l'ordonnance du 27 février 2003.
Par une ordonnance n° 20BX01910, du 22 juin 2020, prise en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, la présidente de la cour a ouvert une procédure juridictionnelle à l'effet d'assurer, si nécessaire, l'exécution de l'arrêt n° 16BX01058 du 30 novembre 2018.
Par des mémoires enregistrés le 29 mars 2021, les 6 et 10 mai 2021, la collectivité territoriale de Guyane conclut au rejet de la demande de la société Ara Architecture.
Elle fait valoir que :
- l'arrêt de la cour du 30 novembre 2018 rejetant sa demande n'a pas fait état de la nécessité de verser à la société Ara Architecture la somme de 833 382 euros que celle-ci n'avait d'ailleurs pas réclamé dans le cadre de cette instance au fond ;
- la société Ara Architecture n'a jamais contesté le montant de la provision à laquelle elle a été condamnée par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cayenne le 27 février 2003 à laquelle elle a donc acquiescé en n'introduisant pas d'instance au fond avant le délai de forclusion ; la société Ara Architecture ne peut donc solliciter une voie d'exécution pour le remboursement de la provision dès lors qu'elle a définitivement renoncé à la contester ; la demande de la société Ara présentée 17 ans après avoir été condamnée au versement d'une provision par le juge des référés est frappée par la règle de la prescription quadriennale des créances publiques prévue par la loi du 31 décembre 1968 ;
- si la prescription décennale lui est opposable la même prescription est opposable aux demandes d'exécution ; en tout état de cause, la société Ara Architecture ne peut se prévaloir d'aucune décision négative sur le fonds prise à l'encontre de la collectivité dès lors que la cour s'est bornée à constater la prescription de son action mais ne s'est pas prononcée sur la provision ; en l'espèce, elle a introduit avec retard sa demande au fond mais le débiteur pouvait contester la provision dans les délais de recours contentieux ce qu'il n'a pas fait ; bénéficiaire de la provision, elle a introduit avec retard sa demande mais il était loisible à la société Ara débitrice de la provision de la contester dans les délais contentieux. En l'absence d'une telle action, elle ne peut se prévaloir d'un comportement du bénéficiaire de la provision qui l'aurait privé d'un accès au juge.
- une mesure d'exécution ne peut concerner qu'un acte positif ce que n'est pas le constat d'une prescription qui est purement déclaratif par nature insusceptible d'exécution ;
- la somme que la société Ara Architecture a été condamnée à verser à titre de provision par le tribunal administratif a été versée par la mutuelle des architectes français et non par la société Ara. Une procédure est en cours devant le tribunal judiciaire de Paris l'opposant à la mutuelle des architectes français.
Par un mémoire, enregistré le 5 mai 2021, la société Ara Architecture conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens.
Elle fait valoir en outre que :
- la somme de 833 382 euros que la collectivité Guyane refuse de restituer faisait partie de sa réclamation globale devant le tribunal dans le cadre de la procédure au fond au titre des articles 1792 et suivants du code civil, puis devant la Cour, qui l'a rejetée définitivement le 30 novembre 2018 ; elle a bien sollicité la condamnation de la collectivité à lui restituer les sommes versées ;
- une ordonnance rendue par le juge des référés accordant une provision est dépourvue de l'autorité de la chose jugée même si elle n'a pas été contestée pour fixation du montant définitif de la dette au principal ; en l'espèce la requête au fond de la collectivité Guyane a été rejetée définitivement ce qui a anéantit les effets de l'ordonnance de référé provision ;
- s'il est exact qu'une partie des condamnations a été réglée par la mutuelle des architectes français, le cabinet Ho Tin A... D... payant seulement les franchises restant à sa charge, ce règlement a été fait par un assureur bénéficiant de la subrogation légale en application de l'article L. 121-12 du code des assurances ;
- les condamnations au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative prévues par le jugement du 28 janvier 2016 et l'arrêt du 30 novembre 2018 n'ont pas non plus été réglées par la collectivité Guyane.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Balzamo, présidente,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- et les observations de Me B..., représentant la collectivité territoriale de Guyane.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".
2. Il résulte de l'instruction que par ordonnance du 27 février 2003, le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne a condamné conjointement et solidairement MM. Ho Tin A... et D..., architectes au droits desquels vient le cabinet Ara Architecture, le bureau d'études Becar, la société Socomeca et le bureau de contrôle SGS Qualitest à verser à la région Guyane une provision de 4 166 910 euros au titre des réparations des désordres affectant les couvertures du lycée Melkior et Garré à Cayenne. Cette ordonnance a été confirmée par ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Bordeaux, devenue définitive, du 5 novembre 2003. La mutuelle des architectes français a alors versé à la région Guyane en exécution de cette ordonnance, pour le compte du cabinet d'architecte Ho Tin A... et D..., une somme de 833 382 euros, correspondant à sa part de responsabilité dans ce litige, la somme de 3 811,22 euros correspondant à la franchise de M. C... A... et la somme de 3 811,22 euros correspondant à la franchise de M. D... étant versées par les architectes eux-mêmes à la région. Postérieurement, en 2014, la région Guyane a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande tendant à la condamnation solidaire des mêmes constructeurs à lui verser une somme de 10 190 067,91 euros au titre du coût définitif des réparations du lycée et une somme de 1 000 000 d'euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de la garantie décennale. Par un jugement du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande en raison de l'expiration du délai de garantie. Ce jugement a été confirmé par arrêt, devenu définitif, de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 novembre 2018.
3. Par la présente requête, enregistrée le 17 juin 2019, le cabinet Ara Architecture, venant aux droits du cabinet Ho Tin A... et D..., demande que soient prescrites les mesures nécessaires à l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 novembre 2018 et qu'il soit ordonné à la collectivité territoriale de la Guyane le remboursement des sommes qu'il lui a versées en exécution de l'ordonnance du juge des référés. Une telle demande d'exécution, introduite dans le délai de quatre ans suivant l'intervention de cet arrêt n'est, contrairement à ce que soutient la collectivité de Guyane, et en tout état de cause, pas frappée par la prescription quadriennale des créances publiques prévue par la loi du 31 décembre 1968.
4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Aux termes de l'article R. 541-3 du même code : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ". Enfin, aux termes de l'article R. 541-4 du même code : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel ". Le demandeur qui a obtenu du juge des référés le bénéfice d'une provision doit la reverser en tout ou en partie lorsque le juge du fond rejette sa demande pécuniaire ou lui accorde une somme inférieure au montant de la provision, quand bien même l'ordonnance du juge des référés accordant une provision est devenue définitive et que la partie débitrice de cette provision n'a pas demandé au juge du fond dans les deux mois suivant la notification de cette ordonnance de fixer l'étendue de sa dette en application des dispositions précitées de l'article R. 541-4 du code de justice administrative.
5. D'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment, par jugement du 28 janvier 2016, confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 novembre 2018, les conclusions de la collectivité territoriale de la Guyane tendant à la condamnation des constructeurs à lui verser une somme de 10 190 067,91 euros au titre du coût définitif des réparations du lycée et une somme de 1 000 000 d'euros à titre de dommages et intérêts, présentées sur le fondement de la garantie décennale, ont été définitivement rejetées par le juge du fond. Il en résulte que l'exécution de l'arrêt de la cour du 30 novembre 2018 implique que la collectivité territoriale Guyane reverse la provision qu'elle a perçue en exécution de l'ordonnance du juge des référés provision. Toutefois, comme il a été dit au point 1., le cabinet d'architecte Ho Tin A... et D... aux droits duquel vient le cabinet Ara Architecture, ne justifie avoir versé qu'une somme de 7 622,44 euros, le surplus ayant été versé par la compagnie d'assurances laquelle bénéficie donc d'une subrogation légale comme le soutient la société Ara Architecture elle-même. Cette dernière n'est donc fondée à demander le remboursement que de la somme de 7 622,44 euros en exécution de l'arrêt de la cour du 30 novembre 2018. D'autre part, la collectivité territoriale de Guyane ne justifie pas du versement de la somme de 2 000 euros et de la somme de 1 000 euros mises à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, respectivement par le tribunal administratif de la Guyane dans son jugement du 28 janvier 2016 et par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 30 novembre 2018.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a seulement lieu d'enjoindre, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, à la collectivité territoriale de Guyane de verser la somme totale de 10 622, 44 euros au cabinet Ara Architecture.
DECIDE :
Article 1er : Il est enjoint à la collectivité territoriale Guyane de verser la somme de 10 622,44 euros au cabinet Ara Architecture.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ara Architecture et à la collectivité territoriale de Guyane.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021.
Le président-assesseur,
Dominique FerrariLa présidente-rapporteure,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX001910