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08/06/2021 | FRANCE | N°19BX01507

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 08 juin 2021, 19BX01507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Lepinet a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser la somme de 38 598,79 euros en réparation du préjudice non indemnisé que lui a causé l'abattage de ses animaux après que son exploitation a été déclarée infectée par le virus de l'influenza aviaire.

Par un jugement n° 1701524 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à l'EARL Lepinet la somme de 17 567,68 euros correspondant au préjudice non indemnisé et rejeté l

e surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 15 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Lepinet a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser la somme de 38 598,79 euros en réparation du préjudice non indemnisé que lui a causé l'abattage de ses animaux après que son exploitation a été déclarée infectée par le virus de l'influenza aviaire.

Par un jugement n° 1701524 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à l'EARL Lepinet la somme de 17 567,68 euros correspondant au préjudice non indemnisé et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 15 avril 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 7 février 2019 en tant qu'il le condamne à verser à l'EARL Lepinet la somme de 17 567,68 euros.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car il ne vise pas la note de service du 29 février 2016 à laquelle il se réfère dans son 4ème considérant en mentionnant au demeurant la date du 26 février 2016, pour apprécier l'indemnité de l'EARL ;

- le préfet des Landes, qui doit estimer la valeur des animaux abattus conformément à l'arrêté du 30 mars 2001 et n'est pas lié par le rapport d'expertise, a correctement évalué le préjudice de l'EARL Lepinet ; le tribunal administratif de Pau ne pouvait pas retenir une marge brute de 4,32 euros par canard pour calculer l'indemnisation due par l'Etat à l'EARL Lepinet ; le préfet des Landes a retenu, à juste titre, la valeur de 3,29 euros par canard proposée par les organismes professionnels de la filière et retenue par l'établissement public FranceAgriMer pour l'indemnisation des élevages abattus et non la valeur proposée par les expertes qui n'est pas justifiée dans le rapport.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2019, l'EARL Lepinet, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que le recours est irrecevable comme tardif et que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 18 décembre 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté modifié du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus et des denrées et produits détruits sur ordre de 1'administration ;

- l'arrêté modifié du 10 septembre 2001 établissant les mesures financières relatives à la lutte contre les pestes aviaires : maladie de Newcastle et influenza aviaire ;

- la note de service du 26 février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 14 décembre 2015, le préfet des Landes a déclaré une infection par le virus de l'influenza aviaire au sein de l'exploitation avicole de l'EARL Lepinet. L'arrêté a ordonné l'abattage des volailles et oiseaux captifs et interdit toute entrée et sortie d'un animal sur le site. En application des dispositions de l'arrêté du 30 mars 2001, le préfet des Landes a diligenté une expertise afin d'évaluer notamment les pertes de production liées à l'abattage des canards. Par une décision du 23 juin 2016, le préfet a fixé à la somme de 56 112,92 € la perte de production de canards gavage IGP, s'écartant de l'estimation retenue par l'expertise. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 7 février 2019 en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à l'EARL Lepinet la somme de 17 567,68 euros en complément de l'indemnisation du préjudice subi.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative " La décision [...] contient [...] les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. ".

3. Si le jugement attaqué ne mentionne pas, dans ses visas, la note de service du 29 février 2016 DGAL/SDSPA/2016-172 du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, sur laquelle il s'est appuyé pour fixer le montant de l'indemnisation allouée à l'EARL Lepinet, toutefois il fait référence à celle-ci dans ses motifs (point 4). La circonstance que le jugement contiendrait une erreur matérielle en ce qu'il mentionne la date du " 26 février 2016 " au lieu de celle du " 29 février 2016 " est sans influence sur sa régularité. Il suit de là que le jugement n'est pas, contrairement à ce que soutient le Ministre de l'agriculture et de l'alimentation, irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En vertu du premier alinéa de l'article L. 221-2 du code rural et de la pêche maritime, des arrêtés ministériels fixent les conditions d'indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur ordre de l'administration et les conditions de la participation financière éventuelle de l'Etat aux autres frais obligatoirement entraînés par l'élimination des animaux. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 30 mars 2001 modifié fixant les modalités de l' estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration : " Lorsque : - un troupeau fait l'objet d'un abattage total ou partiel sur ordre de l'administration dans le cadre des dispositions prises pour l'application de l'article L. 221-1 du code rural;- des denrées animales ou d'origine animale, ou tout autre produit, présents sur l'exploitation concernée ou en provenant, sont détruits sur ordre de l'administration dans le cadre des dispositions prises pour l'application de l'article L. 221-1 du code rural, les animaux abattus ainsi que les denrées et produits ci-dessus mentionnés faisant l'objet d'une indemnisation en application de l'article L. 221-2 du code rural sont estimés aux frais de l'administration par deux experts sur la base de la valeur de remplacement des animaux et de la valeur commerciale des denrées et des produits. La valeur de remplacement inclut la valeur marchande objective de chaque animal considéré et les frais directement liés au renouvellement du cheptel selon les modalités définies à l'annexe 1 du présent arrêté, à l'exception de l'espèce porcine pour laquelle la valeur de remplacement et les modalités de renouvellement sont définies à l'annexe III du présent arrêté (...) ". L'article 5 du même arrêté précise que : " Pour déterminer la valeur commerciale des denrées, les experts s'appuient notamment sur les factures d'achat ou de vente, les tarifs pratiqués ainsi que sur un état d'inventaire. Ces documents sont joints en tant que de besoin au rapport d'expertise. ". Enfin, il résulte d'une note de service DGAL/SDSPA/2016-172 du 26 février 2016 prise pour la mise en oeuvre des mesures de contrôle de l'influenza aviaire, sur la base d'une directive 2005/94/CE du Conseil du 20 décembre 2005 et d'une décision 2006/415/CE de la Commission du 14 juin 2006, que l'Etat prend en charge une perte d'exploitation équivalent au temps compris entre l'abattage des animaux et la levée de l'arrêté portant déclaration d'infection.

5. Pour fixer à la somme de 56 112,92 € la perte de production de canards gavage IGP de l'EARL Lepinet, le préfet des Landes a d'abord estimé que la période d'indemnisation qui est comprise entre l'abattage des animaux, survenu le 18 décembre 2015, et la levée de l'arrêté portant déclaration d'infection, intervenue le 18 avril 2016, est de 122 jours. Il a aussi arrêté le nombre d'animaux non produits au cours de cette période, déterminé à partir du compte de tiers 44609 du grand livre de la société établi pour 2015, dont il ressort que le nombre de canards achetés en 2015 est égal à 44 496 auxquels ont été ajoutés trois bandes de 2 480 animaux, correspondant à deux bandes non mises en place en janvier 2015 pour cause de travaux et une bande qui aurait dû être mise en place en décembre 2015 après la bande abattue, soit un total de 51 936 canards potentiellement mis en place en 2015. Compte tenu du taux moyen constaté de mortalité de 1,75 %, le préfet a retenu en définitive un nombre de canards produits en 2015 de 51 027 canards. Il a enfin retenu une marge par animal de 3,29 euros, soit une perte de canards de 56 114 euros [(51 027 X 122 / 365) * 3,29 euros]. Le tribunal a corrigé cette méthode en retenant la marge par animal de 4,32 euros mentionnée dans l'expertise.

6. Il résulte de l'instruction et notamment du compte rendu des expertes en date du 8 février 2016 que la marge brute de 4,32 euros par animal a été retenue à partir de la marge brute fournie dans un document intitulé " calcul marge brute et comptabilité ". Ce faisant l'expertise s'appuie sur des données propres de l'exploitation. Le Ministre fait valoir que la valeur proposée par les expertes diffère substantiellement de la valeur de 3,29 euros par canard proposée par les organismes professionnels de la filière, validée par le comité de suivi " influenza aviaire " du 19 avril 2016, et retenue par l'établissement public FranceAgriMer pour l'indemnisation des élevages abattus. Il renvoie aussi au tableau figurant à l'article 3 de la décision du directeur général de FranceAgriMer INTV-GECRI-2016-30 du 8 juin 2016 relatif aux modalités de mise en oeuvre de la prise en charge des pertes de revenus liées à l'influenza aviaire. Toutefois, les données forfaitaires figurant sur ces documents ne sont pas de nature à infirmer les données précitées qui reposent sur une réalité comptable. Par suite, alors même que le préfet chargé d'arrêter le montant définitif de l'indemnisation n'est pas lié par l'estimation des expertes, il a néanmoins commis une erreur d'appréciation en s'écartant de leur estimation.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du recours que le Ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à l'EARL Lepinet la somme de 17 567,68 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'EARL Lepinet en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à l'EARL Lepinet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à l'EARL Lepinet.

Copie en sera adressée au préfet des Landes

Délibéré après l'audience du 11 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. B... C..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021.

Le rapporteur

Nicolas C...La présidente

Evelyne Balzamo Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01507
Date de la décision : 08/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-08-02 Agriculture et forêts. Santé publique vétérinaire. Lutte contre les maladies animales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : LATRY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-08;19bx01507 ?
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