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25/05/2021 | FRANCE | N°20BX03671

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 25 mai 2021, 20BX03671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2001527 du 20 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2020, Mme F..., représentée pa

r Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2001527 du 20 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2020, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 de la préfète de Lot-et-Garonne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le caractère frauduleux de la reconnaissance de son enfant par un ressortissant français, et le refus de séjour qui lui a été opposé est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation à cet égard ;

- un jugement du 21 novembre 2019 du juge aux affaires familiales prévoit que l'autorité parentale est exercée par les deux parents, que le père de l'enfant bénéficie d'un droit de visite et d'hébergement classique et qu'il doit s'acquitter d'une contribution alimentaire ;

- l'arrêté litigieux méconnaît également la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2021, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante gabonaise née en 1991, est entrée en France le 19 mars 2016 sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 10 avril 2016. Le 16 décembre 2019, elle a sollicité auprès des services de la préfecture de Lot-et-Garonne la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français. Mme F... relève appel du jugement du 20 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il dispose d'éléments précis et concordants de nature à établir, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... a donné naissance, le 6 juin 2018 à Rennes, à un garçon prénommé D... qui a été reconnu, le 30 novembre 2018, par un ressortissant français. Pour retenir le caractère frauduleux de cette reconnaissance, la préfète de Lot-et-Garonne s'est fondée sur les circonstances qu'un rapport établi le 22 octobre 2019 par le référent fraude du département a conclu à une reconnaissance frauduleuse de paternité, que le Procureur de la République du tribunal judiciaire d'Agen a été saisi le 25 octobre 2019 et que le père supposé de l'enfant, invité à s'expliquer sur sa situation familiale, ne s'est pas présenté à sa convocation en préfecture, ce qui constituerait selon elle un élément supplémentaire caractéristique de la fraude . Il ressort toutefois du rapport du référent fraude du département produit au dossier par la préfète que les circonstances de la rencontre de Mme F... et du ressortissant français qui indique être le père de son enfant ne sont pas remises en cause et qu'après l'énumération de considérations factuelles, le rapport conclut, sans se prononcer explicitement sur le caractère frauduleux de la reconnaissance, que les intéressés conservent un contact dans l'intérêt de l'enfant bien que le ressortissant français concerné ne verse pas de contribution régulière pour son entretien. Mme F... produit le témoignage de l'intéressé, qui indique être le père biologique de l'enfant, et l'attestation de l'amie l'ayant hébergée avant son accouchement, qui précise qu'il prenait régulièrement des nouvelles de sa grossesse et qu'elle a ensuite déménagé à Agen afin de se rapprocher de lui. Dans ces conditions, alors qu'aucun des éléments dont se prévaut la préfète n'est de nature à établir formellement que la déclaration de paternité litigieuse aurait été faite frauduleusement dans le but de permettre la régularisation du séjour de Mme F... et que, pris ensemble, ils ne constituent pas non plus un faisceau d'indices suffisants pour mettre sérieusement en doute la réalité de la paternité de l'enfant telle que déclarée, la préfète de Lot-et-Garonne, sur laquelle pèse la charge de la preuve, n'apporte pas d'éléments suffisamment précis et concordants pour établir la fraude alléguée.

5. Cependant, pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme F... sur le fondement des dispositions précitées, la préfète de Lot-et-Garonne a également retenu que la contribution effective de l'auteur de la reconnaissance de paternité à l'entretien et à l'éducation de l'enfant n'était pas rapportée et qu'aucune décision de justice n'était intervenue. La requérante ne saurait à cet égard utilement se prévaloir du jugement du juge aux affaires familiales du 13 octobre 2020, qui est postérieur à l'arrêté attaqué. S'agissant de la contribution du père de l'enfant à son éducation, Mme F... produit quelques photographies les montrant ensemble qui sont soit postérieures à l'arrêté en cause soit non datées, un unique échange de messages, et une attestation du père de l'enfant qui indique son souhait de le voir rester en France avec sa mère afin qu'il puisse rester en contact avec sa famille paternelle. S'agissant de la contribution de l'intéressé à l'entretien de l'enfant, il ressort des pièces du dossier que celui-ci s'était borné, à la date de l'arrêté litigieux, à procéder à deux versements de 50 euros sur le compte de Mme F.... Ces seuls éléments ne sauraient permettre de regarder l'intéressé comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation du jeune D... à la date du refus de séjour opposé à la requérante. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la préfète de Lot-et-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

7. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, Mme F... n'établit pas qu'à la date de l'arrêté litigieux, le père de son fils contribuait effectivement à son entretien et à son éducation. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux méconnaîtrait les stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme A... C..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2021.

La rapporteure,

Kolia C...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Caroline Brunier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03671
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : CABINET BRUNEAU et FAGOT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-25;20bx03671 ?
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