La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2021 | FRANCE | N°19BX03604

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 18 mai 2021, 19BX03604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Floirac a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté interministériel du 27 septembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics n'ont pas reconnu l'état de catastrophe naturelle sur son territoire pour les mouvements de terrains différentiels consécutifs aux épisodes de sécheresse et de réhydratation des sols survenus en 2016. La commune de Floirac a aussi demandé au tribuna

l d'enjoindre à l'Etat de prendre un arrêté portant reconnaissance de l'éta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Floirac a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté interministériel du 27 septembre 2017 par lequel le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics n'ont pas reconnu l'état de catastrophe naturelle sur son territoire pour les mouvements de terrains différentiels consécutifs aux épisodes de sécheresse et de réhydratation des sols survenus en 2016. La commune de Floirac a aussi demandé au tribunal d'enjoindre à l'Etat de prendre un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur son territoire dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1705547 du 11 juillet 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 septembre 2019 et le 6 janvier 2021, la commune de Floirac, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté interministériel du 27 septembre 2017 en tant qu'il ne reconnaît pas l'état de catastrophe naturelle sur le territoire de la commune ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de prendre un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur son territoire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas tenu compte du fait qu'il appartient à l'administration d'apporter les justifications de fait d'une décision qu'elle prend lorsque celle-ci est contestée devant le juge ; le tribunal aurait dû faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour demander à l'administration de produire les données et les études de Météo France sur lesquelles elle s'est fondée ; le tribunal ne s'est donc pas mis en mesure de confronter ces données avec les propres documents produits par la commune ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ; cette motivation concerne l'arrêté ministériel lui-même ainsi qu'il découle de l'article L. 125-1 du code des assurances ; le courrier de notification de cet arrêté ne permet pas de comprendre les motifs de la décision ministérielle ;

- la composition de la commission interministérielle n'est pas conforme aux prévisions de la circulaire du 27 mars 1984 qui l'a instituée ;

- la commission interministérielle n'a pas examiné au cas par cas les dossiers de demande présentés par chaque commune ; elle a été saisie de dossiers incomplets, ce qui l'a empêchée de procéder à un tel examen ; elle s'est estimée liée par les données fournies par Météo France ;

- le préfet de la Gironde n'a formulé auprès de la commune aucune demande tendant à ce que celle-ci fournisse des informations complémentaires ; il s'est contenté de transmettre aux ministres un formulaire de demande sans leur adresser de rapport circonstancié sur l'épisode climatique observé dans la commune ni les autres éléments prévus par la circulaire du 27 mars 1984 et celle du 19 mai 1998 pour éclairer la décision des ministres ;

- l'administration a commis une erreur de droit en s'estimant tenue de suivre l'avis de la commission interministérielle ;

- les critères pris en compte pour retenir un aléa d'intensité anormale ne sont pas adéquats ; ils se fondent sur une moyenne observée sur une durée de trois mois qui est trop courte ; il n'est pas tenu compte de l'intensité de la réhydratation des sols et de ses effets à la suite d'une sécheresse ; l'administration n'a pas tenu compte de données propres à Floirac mais s'est fondée sur des données plus larges modélisées à l'aide de mailles ; la méthode SWI retenue n'est pas fondée sur des constatations effectuées in situ ; l'administration a reconnu les limites de cette méthode en préconisant le recours, pour 2018, à d'autres critères comme l'a exposé la circulaire du 10 mai 2019 ;

- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la sécheresse observée en 2016 à Floirac ne présentait pas un caractère d'intensité anormale ; en tout état de cause, les données de Météo France utilisées par l'administration confirme la réalité du choc hydrique qui s'est produit à Floirac en 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2020, le ministre de l'intérieur, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune appelante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... A...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique,

- et les observations de Me F..., représentant la commune de Floirac.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Floirac a adressé au préfet de la Gironde une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle de son territoire au titre des mouvements de terrains différentiels consécutifs aux épisodes de sécheresse et de réhydratation des sols observés au cours de l'année 2016. Par un arrêté du 27 septembre 2017, le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics ont établi la liste des communes faisant l'objet d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, parmi lesquelles la commune de Floirac ne figure pas. La commune de Floirac, à laquelle le préfet de la Gironde a notifié l'arrêté interministériel par courrier du 26 octobre 2017, a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté interministériel du 27 septembre 2017 et à ce qu'il soit prescrit à l'Etat de prendre un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour son territoire. La commune de Floirac relève appel du jugement rendu le 11 juillet 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La circonstance que le tribunal n'aurait pas respecté les règles de dévolution de la charge de la preuve devant le juge de l'excès de pouvoir en ne faisant pas usage de ses pouvoirs d'instruction pour obtenir de l'administration les éléments qui ont fondé sa décision est, par elle-même, sans incidence sur la régularité du jugement dès lors qu'elle se rattache au bien-fondé du raisonnement des premiers juges.

Sur la légalité de l'arrêté interministériel du 27 septembre 2017 :

3. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : " Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France (...) ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles (...) Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles (...) les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. (...) ".

4. En premier lieu, si les dispositions précitées exigent que la décision des ministres, assortie de sa motivation, soit, postérieurement à la publication de l'arrêté, notifiée par le représentant de l'État dans le département à chaque commune concernée, elles ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle qui serait une condition de légalité de ce dernier. Ainsi, la circonstance que la lettre du 26 octobre 2017 par laquelle le préfet a notifié à la commune de Floirac l'arrêté du 27 septembre 2017 en litige ne serait pas motivée est sans incidence sur la légalité de cet arrêté.

5. En deuxième lieu, la circulaire du 27 mars 1984 a institué une commission interministérielle relative aux dégâts non assurables causés par les catastrophes naturelles pour donner aux ministres compétents un avis sur les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dont ils sont saisis. Par une autre circulaire du 19 mai 1998, l'autorité ministérielle a posé des règles de constitution, de validation et de transmission des dossiers de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et a précisé, dans le cas de dommages résultant de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, que la demande doit être accompagnée d'un rapport géotechnique et d'un rapport météorologique relatif à l'événement.

6. Il ressort des pièces du dossier que la commission interministérielle qui s'est réunie le 19 septembre 2017 pour examiner les demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle a rendu son avis sur la base d'un tableau établi par Météo France. Ce tableau distingue, pour chaque commune, la période concernée par la demande ainsi que la maille territoriale de rattachement. Les critères définis par Météo France pour la reconnaissance d'un état de catastrophe naturelle y sont reportés et font l'objet d'une application pour chacune des communes concernées. Alors même que le préfet n'a pas demandé à la commune de Floirac de lui adresser des éléments sur l'épisode climatique considéré avant de transmettre son dossier à l'autorité ministérielle, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la commission et les ministres décisionnaires, qui disposaient des données fournies par Météo-France qu'ils ont comparées aux critères servant à apprécier l'état de catastrophe naturelle, n'auraient pas été en mesure de connaître avec une précision suffisante les conditions climatiques propres à la commune concernée, ni qu'ils se seraient abstenus de procéder à un examen circonstancié de la demande en se bornant à entériner le tableau établi par Météo France.

7. En troisième lieu, selon la circulaire du 27 mars 1984, la commission interministérielle relative aux dégâts non assurables causés par les catastrophes naturelles est composée d'un représentant du ministère de l'intérieur appartenant à la direction de la sécurité civile, d'un représentant du ministère de l'économie et des finances appartenant à la direction des assurances et d'un représentant du ministère chargé du budget membre de la direction du budget, le secrétariat de la commission étant assuré par la Caisse centrale de réassurance. Lors de sa réunion du 19 septembre 2017, la commission interministérielle était composée de quatre représentants du ministre de l'intérieur, un représentant du ministre de l'économie et des finances, un représentant du ministre de l'action et des comptes publics, deux représentants du ministre de la transition écologique et solidaire, deux représentants du ministre des outre-mer et deux membres de la Caisse centrale de réassurance. Ainsi, la commission était composée de plus de trois membres et de plus d'un secrétaire, contrairement aux prévisions de la circulaire du 27 mars 1984.

8. Toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

9. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que, par elle-même, cette composition aurait privé la commune d'une garantie tenant notamment à l'impartialité qui s'impose aux membres de la commission ou à l'obligation qui incombe à ces derniers de procéder à un examen circonstancié de chaque demande. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cette composition a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par ailleurs, à supposer que le représentant du ministère de l'économie et des finances ayant siégé au sein de la commission n'était pas " régulièrement habilité ", comme l'allègue la commune requérante, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que cette circonstance aurait privé cette dernière d'une garantie ou été susceptible d'exercer une influence sur l'arrêté contesté. Par suite, cet arrêté n'est pas irrégulier du fait que des personnalités non prévues par la circulaire du 27 mars 1984 ont siégé et participé aux travaux et au vote de la commission interministérielle, laquelle est investie d'une mission purement technique.

10. En quatrième lieu, la commission interministérielle a pour seule mission, ainsi qu'il a été dit, d'éclairer les ministres sur l'application à chaque commune des méthodologies et paramètres scientifiques permettant de caractériser les phénomènes naturels en cause, les avis qu'elle émet ne liant pas les autorités compétentes. Il est donc loisible aux ministres décisionnaires de s'appuyer sur l'avis de la commission et même de s'en approprier le contenu dans leur appréciation de l'existence d'un état de catastrophe naturelle au sein des communes concernées. En l'espèce, il ne ressort ni des motifs de l'arrêté en litige du 27 septembre 2017 ni des pièces du dossier que les ministres se seraient sentis tenus de suivre la position adoptée par la commission interministérielle et auraient ainsi méconnu l'étendue de leur compétence. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

11. En cinquième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances que le législateur a entendu confier aux ministres concernés la compétence pour se prononcer sur les demandes des communes tendant à la reconnaissance sur leur territoire de l'état de catastrophe naturelle. Il leur appartient, à cet effet, d'apprécier l'intensité et l'anormalité des agents naturels en cause sur le territoire des communes concernées. Ils peuvent légalement, même en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires le prévoyant, s'entourer, avant de prendre les décisions relevant de leurs attributions, des avis qu'ils estiment utile de recueillir et s'appuyer sur des méthodologies et paramètres scientifiques, sous réserve que ceux-ci apparaissent appropriés, en l'état des connaissances, pour caractériser l'intensité des phénomènes en cause et leur localisation, qu'ils ne constituent pas une condition nouvelle à laquelle la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle serait subordonnée ni ne dispensent les ministres d'un examen particulier des circonstances propres à chaque commune. Il incombe enfin aux ministres concernés de tenir compte de l'ensemble des éléments d'information ou d'analyse dont ils disposent, le cas échéant à l'initiative des communes concernées.

12. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties sans aller jusqu'à exiger de l'auteur du recours d'apporter la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

13. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la commune de Floirac a présenté, à l'appui de sa demande, des bulletins météorologiques, un bilan climatique de l'été 2016 et un bilan de la campagne d'irrigation de cette même année, le ministre de l'intérieur ayant pour sa part adressé aux premiers juges une fiche comprenant les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et un tableau, établi par Météo France, distinguant pour chaque commune la période concernée par la demande, la maille territoriale de rattachement et mettant en oeuvre les critères de référence. Pour vérifier l'exacte application par les ministres décisionnaires de l'article L. 125-1 du code des assurances, lequel dispose notamment que la commune est le demandeur de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, les premiers juges ont confronté les arguments des deux parties au vu des éléments apportés par chacune d'elle et ont pu ainsi former leur conviction, quand bien même ils se sont abstenus de faire usage de leurs pouvoirs d'instruction en ne sollicitant pas de l'administration la production de documents complémentaires.

14. Pour apprécier, afin de mettre en application les dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances, si la sécheresse constatée en 2016 sur le territoire de Floirac présentait un caractère anormal et intense, conditions nécessaires à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, l'administration s'est fondée sur les données météorologiques de Météo France et l'outil SIM (Safran/Isba/Modcou) mis au point par cet établissement public pour modéliser, à l'aide des données pluviométriques conservées dans 4 500 postes d'observation, le bilan hydrique du territoire français. Cette modélisation a conduit à couvrir le territoire français métropolitain d'une grille composée de 9 000 mailles de 8 km de côté. Le modèle Safran est un système d'analyse à mésoéchelle de variables atmosphériques qui utilise des observations de surface, combinées à des données d'analyse de modèles météorologiques pour produire les paramètres horaires nécessaires au fonctionnement d'ISBA au pas de temps horaire. Ces paramètres (température, humidité, vent, précipitations solides et liquides, rayonnement solaire et infrarouge incident), sont analysés par pas de 300 m d'altitude puis interpolés sur une grille de calcul régulière (8 x 8 km). Le modèle ISBA (Interaction sol-biosphère-atmosphère) simule les échanges d'eau et d'énergie entre le sol et l'atmosphère en tenant compte de trois couches de sol (surface, zone racinaire, zone profonde) et de deux températures (température de surface globale du continuum sol-végétation et température profonde) pour modéliser les flux d'eau avec l'atmosphère (interception, évaporation, transpiration) et avec le sol (ruissellement des précipitations et drainage dans le sol). Son pas de temps est de 5 mn. Le modèle Modcou est un modèle hydrologique distribué qui utilise en entrée les données de ruissellement et de drainage d'ISBA pour calculer l'évolution des nappes et le débit des rivières. Sa maille de calcul varie en fonction de la limite des bassins versants et du réseau hydrographique et son pas de temps est de trois heures. La grille mise au point à l'aide de l'outil SIM doit permettre d'apprécier pour chaque maille le niveau d'intensité de l'aléa naturel en fonction de critères permettant d'étudier le bilan hydrique des sols argileux, lequel ne s'arrête pas à la seule prise en compte de données strictement météorologiques de pluviométrie, afin d'apprécier avec une plus grande précision que les anciens modèles les mouvements de terrains différentiels consécutifs à la succession d'épisodes de sécheresse et de réhydratation des sols.

15. Les outils élaborés permettent d'intégrer dans le bilan hydrique un paramètre de teneur en eau des sols, laquelle est mesurée par l'index SWI (Soil Wetness Index). Cet index fournit des moyennes d'humidité du sol par rapport auxquelles est comparée la période concernée par la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Les données de mesure sont fournies par les 4 500 postes d'observation répartis sur l'ensemble du territoire et sont disponibles depuis 1958. Ainsi, la sécheresse hivernale est considérée comme revêtant une intensité anormale lorsque l'indice d'humidité du sol superficiel moyen est inférieur à la normale sur les quatre trimestres de l'année et qu'une décade du trimestre de fin de recharge (janvier à mars) est inférieure à 80% de la normale. La sécheresse printanière est retenue comme catastrophe naturelle lorsque la moyenne de l'index SWI, calculée sur les trois mois du second trimestre est si faible que la durée de retour d'un tel épisode est au moins de 25 années, correspondant à une année de sécheresse de rang 1 ou 2 sur la période courant de 1959 à 2015. Quant à l'intensité anormale de la sécheresse estivale, elle est retenue lorsque la teneur en eau des sols est inférieure à 70 % de son niveau habituel durant le 3ème trimestre de l'année considérée et que le nombre de décades au cours desquelles le niveau d'humidité du sol superficiel mesuré par l'index SWI est inférieur à 0,27, soit l'une des trois périodes les plus longues sur la période 1989-2009. L'intensité anormale de la sécheresse estivale peut aussi être retenue lorsque l'index SWI des neuf décades composant la période de juillet à septembre de l'année considérée est si faible que le temps de retour à la normale de la moyenne SWI représente au moins 25 années.

16. La commune appelante fait valoir que les critères utilisés par les autorités ministérielles ne sont ni adéquats, ni fiables, ni complets. Ces critères, qui ne reposent pas exclusivement sur des données météorologiques de pluviométrie, ont été adaptés au cours des années 2000 pour tenir compte de l'évolution des connaissances scientifiques à la disposition des ministres décisionnaires lorsqu'ils ont pris l'arrêté en litige du 27 septembre 2017. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la méthode employée empêcherait la prise en compte de la situation particulière de chaque commune ni qu'elle serait inappropriée pour apprécier de manière suffisamment objective, précise et conforme aux buts poursuivis par l'article L. 125-1 du code des assurances, l'intensité anormale du phénomène à l'origine des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols durant l'année 2016. La circonstance que les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, présentées à partir de l'année 2018, soient instruites à l'aide des " outils de modélisation hydrométéorologique de Météo-France les plus performants " tenant compte des " progrès les plus récents accomplis dans la connaissance de cet aléa ", selon les termes de la circulaire ministérielle du 10 mai 2019 sur la révision des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, ne permet pas d'estimer, non plus que les nouvelles recommandations du service " Drias les futurs du climat " de Météo France, que les outils et critères précédents, utilisés en l'espèce par l'administration, présentaient un caractère imprécis au point d'aboutir à une appréciation erronée de l'intensité et de l'anormalité de la sécheresse observée en 2016 sur le territoire de Floirac à l'origine de la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

17. En sixième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les informations associées à la " maille " 7335, à l'intérieur de laquelle s'étend le territoire de Floirac, ne permettraient pas d'appréhender avec une pertinence et une précision suffisantes l'intensité de l'aléa naturel observé au cours de l'année 2016 en cause. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges au point 14 de leur jugement, aucun des critères pris en compte par l'administration pour retenir un aléa d'intensité anormale en période hivernale, printanière et estivale n'était rempli ainsi que l'établit suffisamment la fiche de notification des motivations de l'arrêté interministériel en litige produite au dossier. Il en est ainsi alors même que le relevé SWI présenté en appel par la commune fait apparaitre un faible indice d'humidité des sols, à Floirac, pour la période de juillet à octobre 2016, la valeur absolue de l'indice de sécheresse ne suffisant pas à caractériser un épisode de catastrophe naturelle alors que, comme il vient d'être dit, les critères d'appréciation retenus par l'administration, qui prennent en compte l'intensité et l'anormalité de l'évènement, ne sont pas remplis pour Floirac.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Floirac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la commune appelante somme de 100 euros au titre des frais exposés par le ministre de l'intérieur et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 19BX03604 présentée par la commune de Floirac est rejetée.

Article 2 : La commune de Floirac versera à l'Etat la somme de 100 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Floirac, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. D... A..., président-assesseur,

Mme C... E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.

La présidente,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie, des finances et de la relance, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX03604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03604
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

12 Assurance et prévoyance.

Assurance et prévoyance - Contentieux.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SELAS D'AVOCATS EXEME ACTION

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-18;19bx03604 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award