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11/05/2021 | FRANCE | N°19BX01367

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 11 mai 2021, 19BX01367


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1702358 du 22 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a réduit la base des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de M. et Mme E... au titre de l'année 2012 à concurrence d'un montant de

15 euros, prononcé la décharge des droits et pénalités correspondant à cette réduc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1702358 du 22 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a réduit la base des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de M. et Mme E... au titre de l'année 2012 à concurrence d'un montant de 15 euros, prononcé la décharge des droits et pénalités correspondant à cette réduction et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2019 et des mémoires enregistrés le 3 février 2020, le 28 octobre 2020 et le 5 janvier 2021, M. et Mme E..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 février 2019 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, pour un montant total de 175 413 euros ;

3°) de prononcer la décharge de la majoration de 40 % appliquée au titre du crédit du compte courant d'associé considéré comme non justifié à hauteur du montant des travaux de construction afférents à la résidence principale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne les rehaussements opérés suite à la vérification de la SARL IEC :

- sur la reconstitution de recettes : le nombre de factures manquantes est au maximum de 10 factures. Dès lors, et contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal administratif, le redressement opéré au titre du chiffre d'affaires à reconstituer ne peut excéder la somme de 5.933 euros HT ;

- l'administration fiscale n'apporte la preuve ni du désinvestissement du chiffre d'affaires reconstitué qualifié de revenus distribués ni de l'appréhension de ces sommes par le gérant de la SARL IEC ;

- la désignation par la société IEC de M. E..., son gérant, comme bénéficiaire des revenus distribués sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts n'est pas opposable à M. E..., l'administration conservant la charge de la preuve de l'appréhension effective des revenus distribués et le contribuable désigné pouvant apporter la preuve contraire ;

- la désignation par la société IEC de M. E... en tant que bénéficiaire des revenus distribués ne peut être analysée comme une reconnaissance de culpabilité et d'appréhension effective des revenus de M. E... ;

- sur la notion de revenus réputés distribués : la réintégration dans les bénéfices de sommes présumées non comptabilisées ne permet pas de justifier à elle seule d'un revenu réputé distribué. Il appartient à l'administration fiscale de justifier que les sommes ont été effectivement appréhendées par les bénéficiaires. Le tribunal administratif a ainsi irrégulièrement admis qu'il y a eu désinvestissement du seul fait de l'identification du maître de l'affaire. L'administration doit rapporter la preuve d'un désinvestissement et d'une appréhension des revenus susvisés par M. E... ;

- la position de l'administration fiscale porte atteinte aux droits reconnus par les articles 6 § 1 et 6 §2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les revenus distribués afférents au montant de la facture manquante établie par la société IEC au nom de la SCI Lucas pour un montant de 16 264,33 euros HT qui porte sur des travaux réalisés par la SARL IEC sur les locaux appartenant la SCI Lucas, n'ont pas été appréhendés par M E... qui n'a pas été le bénéficiaire de ces travaux ;

- la SCI Lucas étant soumise fiscalement à l'impôt sur les sociétés, M. E... ne peut être considéré comme le bénéficiaire même indirect des revenus distribués ;

- le rehaussement afférent aux charges non déductibles de la société IEC ne peut constituer un revenu distribué dès lors que ledit rehaussement n'est pas justifié puisque les charges ont été prises dans l'intérêt de la société ;

- l'administration fiscale n'apporte la preuve ni du désinvestissement de ce revenu distribué ni de l'utilisation à titre personnel des dépenses de la société IEC.

En ce qui concerne les rehaussements opérés suite à la vérification de la SCI Lucas :

- les sommes portées au crédit du compte courant d'associé de M. E... sont justifiées par les deux remises de chèques effectuées par ce dernier en faveur de la SCI Lucas, le 23 octobre 2012 pour un montant de 2 664 euros et le 20 décembre 2012 pour un montant de 523,40 euros ;

- les dépenses afférentes aux travaux concernant la résidence principale de M. et Mme E... comptabilisés à tort dans l'actif immobilisé de la SCI Lucas ont été financés par ces derniers et n'ont pas été désinvesties par la SCI Lucas ;

- la preuve de l'appréhension et de la mise à disposition des sommes inscrites au solde du compte courant d'associé de M. E... n'est pas rapporté par l'administration

En ce qui concerne la majoration de 40 % :

- elle n'est pas plus fondée que le redressement qui en constitue le support.

Par mémoires en défense enregistrés le 7 novembre 2019 et le 24 décembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 janvier 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... C...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... est le principal associé et gérant de la SARL International Exchane Company (IEC), qui a pour activité la vente de matériel informatique, et de la SCI Lucas. Ces sociétés ont fait l'objet en 2015 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2012, 2013 et 2014 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notifié à M. et Mme E..., selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en raison de revenus présumés distribués, et aux contributions sociales au titre de l'année 2012, découlant des rehaussements opérés au niveau des deux sociétés vérifiées. M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, pour un montant total de 175 413 euros. Ils relèvent appel du jugement du 22 février 2019, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a réduit la base de leurs impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2012 à concurrence d'un montant de 15 euros, prononcé la décharge des droits et pénalités correspondant à cette réduction et rejeté le surplus de leur demande.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les revenus réputés distribués découlant de la vérification de comptabilité de la SARL IEC :

2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Selon ces dispositions, tous les bénéfices qui ne sont pas demeurés investis dans l'entreprise, notamment ceux qui résultent de ventes non comptabilisées ou de charges non engagées dans l'intérêt de l'exploitation, et qui sont donc sortie du patrimoine social sous quelque forme que ce soit, sont présumés constituer des revenus distribués. A cet égard, s'il revient à l'administration de justifier du bien-fondé des rectifications apportées aux résultats sociaux, et établir que les sommes en cause ont été effectivement appréhendées par le contribuable, l'appréhension des distributions résultant des rehaussements des bénéfices sociaux est présumée démontrée lorsque le gérant est maître de l'affaire.

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Il résulte de cet article que le gérant d'une société passible de l'impôt sur les sociétés qui, en cette qualité et sous sa propre signature, se désigne comme le bénéficiaire des revenus distribués, en réponse à l'invitation faite par l'administration à la société, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, est présumé avoir appréhendé les revenus distribués, sauf à apporter la preuve devant le juge qu'il ne les a pas perçues.

4. En l'espèce, à l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL IEC dont M. E... est le gérant et associé majoritaire à hauteur de 76 % des parts, l'administration fiscale a procédé, par proposition de rectifications du 27 juillet 2015, suite à l'absence de valeur probante de la comptabilité, aux rectifications résultant de la reconstitution d'une partie du chiffre d'affaires, sur la base de 15 factures non comptabilisées, pour un montant de 10 742 euros TTC, à la réintégration également dans les recettes de la société IEC d'une facture de 19 452 euros non-comptabilisée, établie au nom de la SCI Lucas, et à la remise en cause de la déduction de plusieurs charges non engagées dans l'intérêt de l'exploitation ou qui ne se rattachaient pas à l'activité de la société, pour un montant global de 17 504 euros.

5. Le bénéfice correspondant à ces rectifications a été qualifié de revenus distribués au sens du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts et au regard de sa participation, de sa gestion et de la conduite générale des affaires engagées par la société, M. E... a été regardé comme le maître de l'affaire. De plus, en réponse à une demande de désignation, M. E..., gérant, s'est désigné lui-même comme bénéficiaire des revenus réputés distribués par lettre du 22 septembre 2015 et a donc été considéré comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués. En conséquence l'administration, par proposition du 2 décembre 2015, a notifié à M. et Mme E... les conséquences à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de ces distributions. Ainsi, si M. et Mme E... contestent ces rectifications en contestant l'appréhension de ces revenus, la charge de la preuve leur incombe.

6. En premier lieu, les requérants soutiennent que le calcul effectué par l'administration pour la reconstitution du chiffre d'affaires serait erroné puisque le nombre de factures manquantes serait de 10 et non 14.

7. Au cours de la vérification de comptabilité, la société IEC n'a présenté aucune pièce justificative de recettes. Par ailleurs, l'examen des libellés des ventes et prestations de services figurant en recettes d'exploitation a conduit l'administration à constater l'absence de factures en produits d'exploitation de l'exercice vérifié. Dès lors, une reconstitution du chiffre d'affaires correspondant à ces factures a été réalisée. Le montant de recettes a été reconstitué à partir du chiffre d'affaires hors taxe de la société IEC de 389 804 euros sur le nombre de factures de ventes comptabilisées représentant, après déduction des avoirs, 652 factures comptabilisées, multiplié par le nombre de factures manquantes, à savoir 14 après la prise en compte par l'administration, par courrier du 15 janvier 2016, d'une dernière facture. Ainsi, le montant de recettes reconstitué sur la base de 14 factures manquantes et de 652 factures comptabilisées s'élevait à 8 370 euros hors taxe, soit à 10 011 euros toutes taxes comprises. L'administration ayant commis une erreur de calcul en estimant à 10 026 euros TTC ce montant, le tribunal a rectifié cette erreur en procédant à la réduction en base des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales des requérants au titre de l'année 2012 à concurrence d'un montant de 15 euros. Si les requérants persistent à soutenir que sur les 14 factures manquantes, quatre correspondraient à des erreurs de référencement ou de facturation, ils n'apportent pas la preuve, par les captures d'écran produites au dossier, du caractère non imposable de ces factures en l'absence notamment de justificatifs sur les modalités de paiement de ces ventes non déclarées.

8. En deuxième lieu, l'administration a réintégré au bénéfice imposable de la société IEC le montant d'une facture établie au nom de la SCI Lucas pour un montant de 19 452 euros TTC. Cette facture n'a pas été reportée dans le résultat d'exploitation de la société et le produit correspondant n'a donc pas été déclaré. En l'espèce, M. E... s'étant désigné comme bénéficiaire et étant le maitre de l'affaire, c'est à juste titre que l'administration a considéré qu'il était réputé avoir appréhendé la somme en cause.

9. Pour contester cette rectification, les requérants font valoir que l'utilisation de la procédure visée à l'article 117 du code général des impôts n'était pas fondée dès lors que le bénéficiaire de la facture non comptabilisé était connu et ne pouvait être différent de celui figurant sur ladite facture à savoir la SCI Lucas. Toutefois, la connaissance par l'administration de l'identité des bénéficiaires de distributions ne lui interdit pas, en tout état de cause, d'adresser à la société la demande de désignation prévue par l'article 117 du code général des impôts. Dès lors, il revient aux requérants d'établir que M. E... n'a pas perçu les revenus distribués résultant de recettes facturés par la société IEC à la SCI Lucas et qui n'ont pas été enregistrés en comptabilité pour un montant de 19 452 euros TTC. Or, si les requérants soutiennent que cette facture correspond à des travaux de rénovation de l'atelier des locaux d'exploitation appartenant à la SCI Lucas effectués par la société IEC au profit de la SCI Lucas, il résulte de l'instruction que la société IEC a pour activité la vente de matériel informatique et non une activité de travaux immobiliers. Dès lors, la preuve qu'ils n'auraient pas perçu les revenus distribués résultant de recettes facturées par la société IEC à la SCI Lucas et non enregistrées en comptabilité pour un montant de 19 452 euros TTC n'est pas établie.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment : 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre (...) ". En application de ces dispositions, pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais et charges de l'entreprise doivent être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation, correspondre à une charge effective et être appuyés de justifications suffisantes.

11. Il résulte de l'instruction que lors de la vérification de comptabilité de la SARL IEC, l'administration a constaté que ladite société avait comptabilisé en charges d'exploitation des factures, pour un montant de 17 504 euros, concernant des dépenses n'ayant aucun rapport avec son activité et qui ne pouvaient dès lors avoir été réalisées dans l'intérêt de l'exploitation. Ces dépenses ont été regardées comme constituant une distribution entre les mains du bénéficiaire déclaré par la société, soit M. E..., gérant et associé majoritaire.

12. Si les requérants, à qui la charge de la preuve incombe, soutiennent que les charges en cause ont été prises dans l'intérêt de la société, ils n'apportent aucun élément au soutien de cette affirmation alors que lesdites dépenses n'ont aucun lien avec l'activité informatique de la société. Dès lors, l'administration a pu estimer à bon droit que les sommes en litige n'étaient pas déductibles des résultats de la SARL IEC, en vertu du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, et qu'elles pouvaient par suite être imposées en tant que revenus distribués sur le fondement de l'article 109, 1, 1° du code général des impôts, à la charge de M. E....

13. Enfin, M. et Mme E... reprennent en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui leur a été apportée par les premiers juges, le moyen tiré de ce que la position de l'administration fiscale porterait atteinte au principe de la présomption d'innocence tel que reconnu par l'article 6 §2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne les revenus réputés distribués découlant de la vérification de comptabilité de la SCI Lucas :

14. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ". Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ". Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé sont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

15. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SCI Lucas, dont M. E... est le gérant et associé majoritaire à hauteur de 99 % des parts, l'administration, par proposition de rectification du 4 septembre 2015, a remis en cause certains apports en compte courant pour lesquels la société n'a pas justifié la réalité de la dette pour 3 187 euros. L'administration a également remis en cause le solde créditeur du compte courant d'associé ouvert dans la SCI au nom du requérant, considéré comme non justifié à hauteur des travaux de construction de sa résidence principale, pour 131 881 euros. Les crédits figurant sur le compte courant ont été considérés comme distribués et appréhendés par son titulaire, M. E.... Puis, l'administration a tiré les conséquences de ces constatations et imposé les revenus réputés distribués au bénéfice du requérant à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts.

16. En premier lieu, M. et Mme E... soutiennent que les sommes créditées sur le compte courant d'associé sont justifiées par la remise de deux chèques à la SCI Lucas le 23 octobre 2012 pour 2 664 euros et le 20 décembre 2012 pour 523,40 euros. Cependant, il résulte de l'instruction, que les documents présentés ne permettent d'identifier que la seule remise de chèque de 2 664 euros portée au crédit du compte bancaire de la SCI sans qu'il soit possible d'identifier l'émetteur de ce chèque, d'autant que le compte bancaire du requérant ne fait apparaître aucun débit correspondant à la remise de ces chèques. Dès lors, c'est à bon droit que ces sommes, dont les requérants ne démontrent pas que M. E... n'a pas pu en avoir la disposition ou ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu, ont été regardées par l'administration, par application des dispositions précitées du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts, comme des revenus distribués imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au nom de M. et Mme E....

17. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a constaté que la SCI Lucas a comptabilisé au débit du compte d'immobilisation " installations générales, agencement, aménagement divers " des travaux de constructions de la résidence principale des requérants édifiée au cours des années 2012 à 2014. Ces travaux comptabilisés au débit du compte d'immobilisation de la comptabilité de la SCI se sont élevés au cours de l'année 2012 à 131 881 euros TTC mais n'ont pas été comptabilisé au débit du compte courant d'associé du requérant. Dès lors, le solde de ce compte a été indument majoré à concurrence du montant de ces travaux. Par ailleurs, dans ce montant de travaux, l'administration a également constaté que 42 000 euros ont été indument comptabilisés au crédit du compte courant d'associé du requérant, puisque ces dépenses personnelles de construction ne pouvaient être prises en charges par la SCI. Enfin, l'administration a estimé que la dette de la SCI à l'égard du requérant inscrite au crédit de son compte courant d'associé pour un montant de 89 881 euros, (soit 131 881 - 42 000) n'était pas justifiée.

18. M. et Mme E... contestent la remise en cause par l'administration du solde créditeur du compte courant d'associé ouvert au nom de M. E... dans les écritures de la SCI Lucas à concurrence des travaux de construction de sa résidence principale pris en charge ou payés par la société. Ils soutiennent tout d'abord que dès lors que l'administration fiscale a abandonné le rehaussement notifié à la SCI Lucas consistant à réintégrer dans son bénéfice imposable le montant des travaux de construction de la résidence principale de M. E..., cela signifierait que l'administration aurait reconnu que l'inscription à l'actif immobilisé de ces travaux n'aurait pas entraîné une augmentation d'actif au sens de l'article 38 § 2 du code général des impôts et que dès lors, l'administration ne pouvait justifier que les sommes représentant le montant des travaux litigieux constituaient des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de l'impôt sur le revenu de M et Mme E.... Cependant, l'abandon du rehaussement d'impôt sur les sociétés notifié à la SCI Lucas relatif à la réintégration dans le résultat imposable du montant des travaux de construction de la résidence principale de M. E... n'a aucune incidence sur les sommes désinvesties réputées appréhendées par ce dernier. En effet, en s'abstenant d'inscrire au débit du compte courant le montant des travaux de construction de la résidence principale du requérant, la SCI a indûment majoré le solde créditeur du même compte, et mis à disposition de son bénéficiaire un revenu correspondant, réputé distribué sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du CGI.

19. Les requérants soutiennent ensuite que l'administration n'aurait pas démontré le désinvestissement de la SCI Lucas dès lors que les travaux de construction litigieux n'ont pas été payés par la société mais au moyen de deux prêts souscrits par M. E.... Toutefois, d'une part, les pièces produites par les requérants ne permettent pas de déterminer la finalité des prêts contractés par M. E.... D'autre part, si des apports ont été effectués par M. E... à la société Lucas, ces apports, pour lesquels l'affectation au demeurant n'est pas établie, ne correspondent pas au montant total des travaux de 131 881 euros. En outre, il est constant qu'une partie du montant des travaux à hauteur de 42 000 euros a été indûment comptabilisée au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. E... dans les comptes de la SCI Lucas. Dès lors, en ne portant pas au débit du compte d'associé de M. E... le montant des travaux litigieux pris en charge pour le compte de son gérant représentant sa dette à l'égard de la société, celle-ci s'est privée au profit de ce dernier d'une créance et doit être regardée comme lui ayant alloué cette somme qui entre dans la catégorie des sommes non prélevées sur les bénéfices au sens du 2° de l'article 109-1du code général des impôts.

20. Enfin, si M. et Mme E... font valoir que la présomption selon laquelle les sommes inscrites au crédit d'un compte courant constituent un revenu réputé distribué qui peut être renversée au regard de la situation de trésorerie de la société, cette allégation, qui ne se fonde pas sur une appréciation de la trésorerie de la SCI Lucas au cours de l'année d'imposition en litige, n'est pas démontrée par les pièces versées au dossier.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que M. E... n'a pas eu la disposition des sommes inscrites au solde créditeur de son compte courant d'associé majoré du montant des travaux de construction, pris indûment en charge par la société Lucas.

Sur les pénalités :

22. Aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

23. M. et Mme E... soutiennent que la majoration de 40 % appliquée au rehaussement opéré au titre du solde créditeur du compte courant d'associé dans les comptes de la SCI Lucas n'est pas fondé.

24. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration s'est fondée sur la circonstance qu'en qualité de gérant de la SCI Lucas, détenteur de 99 % des parts, M. E... ne pouvait ignorer les manquements comptables constatés lors du contrôle de la société, ni leurs conséquences, notamment à l'impôt sur le revenu de son foyer fiscal. L'administration fait également valoir que les infractions constatées ne peuvent être qualifiées d'involontaires, et ne résultent pas d'une méconnaissance ou d'une mauvaise interprétation de la législation applicable, mais relèvent d'une décision consciente de M. E... de disposer à son profit des fonds sociaux. Ainsi, participant activement à la gestion et aux prises de décisions des sociétés en cause, il ne pouvait ignorer ces agissements. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du bien-fondé des pénalités prévues par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande de décharge des impositions restant en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. D... C..., président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021.

La présidente,

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01367


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01367
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ARNAUD PHILIPPE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-11;19bx01367 ?
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