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05/05/2021 | FRANCE | N°20BX03010

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 05 mai 2021, 20BX03010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2001845 du 19 août 2020, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 14 et 16 septembre 2020, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel la préfète de la Gironde a pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2001845 du 19 août 2020, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 14 et 16 septembre 2020, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé son transfert aux autorités allemandes ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète de la Gironde d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans un délai de 48 heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à payer la SCP Breillat, Dieumegard, C... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, si l'aide juridictionnelle ne lui est pas accordée, de mettre à la charge de l'Etat la même somme à lui verser directement.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente en l'absence d'une délégation de signature suffisamment précise ;

- il est insuffisamment motivé et procède d'un défaut d'examen de sa situation ;

- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui appliquant pas la clause dérogatoire prévue à l'article 17 de ce même règlement puisque, d'une part, il va être renvoyé au Cameroun où il craint pour sa vie et sa sécurité et que, d'autre part, une de ses cousines réside en France et qu'il y est professionnellement inséré.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2020, la préfète de la Gironde demande à la cour de rejeter la requête de M. F....

Elle indique s'en remettre à son mémoire présenté en première instance.

Par mesure d'instruction du 19 janvier 2021, la cour a demandé à la préfète de la Gironde de bien vouloir verser au dossier toutes pièces et informations afférentes à l'exécution de l'arrêté de transfert ou à la prolongation du délai d'exécution de ce transfert après la lecture du jugement du tribunal administratif.

Le 25 janvier 2021, la préfète de la Gironde a produit les pièces établissant que l'arrêté de transfert a été exécuté.

Par une décision du 26 novembre 2020 M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Jean-Jacques F..., ressortissant camerounais né le 1er mai 1997, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 3 janvier 2020 afin de solliciter l'asile. Il s'est présenté le 6 février 2020 à la préfecture de la Vienne pour y déposer une demande d'asile. La consultation de la base de données Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient déjà été relevées par les autorités allemandes le 10 janvier 2018. Après l'obtention d'un accord exprès de réadmission de la part des autorités allemandes le 30 mars 2020, la préfète de la Gironde a décidé, par un arrêté du 20 juillet 2020, de transférer l'intéressé aux autorités allemandes. M. F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de cet arrêté. Dans la présente instance, il relève appel du jugement du 19 août 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, Mme D... A..., chef du bureau de l'asile et du guichet unique, et signataire de la décision attaquée, a reçu délégation de signature, par arrêté du 12 novembre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde n° 33-2019-176 du 14 novembre 2019, à l'effet de signer, en matière de droit d'asile, toutes décisions et correspondances prises en application du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cas d'absence ou d'empêchement de la directrice des migrations et de l'intégration par intérim dont il n'est pas établi qu'elle n'était pas absente ou empêchée lors de la signature de cet arrêté. Cette délégation qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas une portée générale et est suffisamment précise, donnait légalement compétence à Mme A... pour signer l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée. Elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et qui comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre.

4. En l'espèce, l'arrêté contesté comporte les mentions des textes applicables, notamment la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté contesté mentionne également les éléments de fait pertinents relatifs à la situation de M. F.... Il précise qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il a présenté une demande d'asile à la préfecture de la Vienne le 6 février 2020. Il mentionne qu'en application des articles 3 et 18-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités allemandes doivent être regardées comme responsables de la demande d'asile présentée par M. F... et que, saisies le 18 mars 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, elles ont accepté leur responsabilité le 30 mars 2020 sur le fondement du d) du 1 du même article. L'arrêté contesté précise également que la situation du requérant ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Enfin, il relève que l'intéressé ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France et qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

5. Il ressort de cette motivation que l'auteur de l'arrêté a procédé à un examen particulier de l'ensemble de la situation de M. F....

6. Aux termes l'article 17 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, (...) chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La faculté laissée à chaque État membre en application de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. M. F... soutient que la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire et en décidant de le transférer aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile, aux motifs que, d'une part, il va être renvoyé au Cameroun où il craint pour sa vie et sa sécurité et alors, d'autre part, qu'une de ses cousines réside en France où il est professionnellement inséré. Toutefois, la décision attaquée portant remise aux autorités allemandes n'a ni pour objet ni pour effet de renvoyer l'intéressé dans son pays d'origine. Par ailleurs, et en tout état de cause, le requérant n'établit ni la réalité ni l'actualité des risques qu'il allègue encourir en cas de retour dans son pays d'origine, le Cameroun, consécutivement à son transfert aux autorités allemandes. Enfin, ni les contrats de travail à durée déterminée conclus comme travailleurs saisonniers ni la signature d'une convention de stage postérieure à la décision contestée, ni les attestations de compatriotes faisant état de la volonté de M. F... de s'intégrer dans la société française ni les allégations, assorties d'aucune précision, selon lesquelles une de ses cousines résiderait sur le territoire français ne caractérisent une erreur manifeste d'appréciation de la préfète de la Gironde. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de ses frais de procès doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1 : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme E... B..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 05 mai 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°20BX03010


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03010
Date de la décision : 05/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-05;20bx03010 ?
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