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05/05/2021 | FRANCE | N°18BX03214

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 05 mai 2021, 18BX03214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 7 septembre 2016 par laquelle le président de l'université de la Guyane lui a refusé le versement de l'indemnité de sujétion géographique.

Par un jugement n° 1700072 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de la Guyane a annulé cette décision et a enjoint au président de l'université de la Guyane de lui accorder le bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique.

Procédure devant la cour :


Par une requête, enregistrée le 10 août 2018, le ministre de l'enseignement supérieur, de la re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 7 septembre 2016 par laquelle le président de l'université de la Guyane lui a refusé le versement de l'indemnité de sujétion géographique.

Par un jugement n° 1700072 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de la Guyane a annulé cette décision et a enjoint au président de l'université de la Guyane de lui accorder le bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2018, le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de la Guyane tendant à l'annulation de la décision par laquelle le président de l'université de la Guyane a refusé à ce dernier le bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il ne vise pas le mémoire qu'il a produit le 22 novembre 2017, soit la veille de la clôture de l'instruction fixée au 23 novembre 2017 ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit, dès lors que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la résidence administrative, pour l'application du décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique, s'entendait de la commune où se trouve l'établissement de rattachement de l'agent ;

- M. B... exerçait en Guyane depuis 2011 où il était affecté à l'Institut d'Enseignement Supérieur de la Guyane, composante de l'ancienne université des Antilles et de la Guyane. La circonstance qu'il a donné son accord pour rester en Guyane et être affecté à l'université de la Guyane nouvellement créée, à compter du 1er janvier 2015, n'a donc pas eu pour effet de modifier sa résidence administrative. Par suite, à compter du 1er janvier 2015, sa précédente résidence administrative n'était pas située hors de la Guyane de sorte que le président de l'université de la Guyane n'a pas méconnu les dispositions du premier alinéa de l'article 2 du décret du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique ;

- en vertu du 2ème alinéa de l'article 2 du décret du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique qui prévoit que les fonctionnaires de l'Etat qui demeurent en Guyane ne peuvent bénéficier de cette indemnité s'ils sont affectés sur place, M. B..., qui demeurait en Guyane depuis 2011, doit être regardé comme affecté sur place et ne peut prétendre au bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2018, M. B..., représenté par la SCP Piwnica Molinie, conclut au rejet de la requête du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour n'avoir pas visé le mémoire produit par le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, qui n'apportait aucun élément nouveau par rapport à celui produit par l'université de la Guyane ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la décision en litige méconnaît le principe d'égalité.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 ;

- le décret n° 2014-851 du 30 juillet 2014 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... A...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique,

- et les observations de M. D... B....

Une note en délibéré présentée par la SCP Piwnica Molinie pour M. B... a été enregistrée le 23 mars 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., maître de conférences à l'université des Antilles et de la Guyane, a été

affecté en 2011 à l'institut d'enseignement supérieur de la Guyane, alors composante de l'université des Antilles et de la Guyane, située sur le pôle universitaire de cette université. Lors de la création de l'université de la Guyane par le décret du 30 juillet 2014 portant création et organisation provisoire de l'université de la Guyane, M. B... a, dans le cadre de l'option prévu par l'article 8 de ce décret, été affecté à l'université de la Guyane à compter du 1er janvier 2015. Il a demandé par courrier du 23 février 2015 à bénéficier de l'indemnité de sujétion géographique. Le président de l'université de la Guyane lui en a refusé l'octroi, par une décision du 7 septembre 2016. M. B... a alors formé un recours, lequel a été rejeté expressément le 23 novembre 2016. Par un jugement en date du 31 mai 2018, le tribunal administratif de la Guyane a annulé la décision du 7 septembre 2016 par laquelle le président de l'université de la Guyane a rejeté sa demande. Le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique : " Une indemnité de sujétion géographique est attribuée aux fonctionnaires de l'Etat et aux magistrats, titulaires et stagiaires affectés en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Saint-Barthélemy, s'ils y accomplissent une durée minimale de quatre années consécutives de services (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " L'indemnité de sujétion géographique est versée aux fonctionnaires de l'Etat et aux magistrats dont la précédente résidence administrative était située hors de la Guyane, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Saint-Barthélemy. Les fonctionnaires de l'Etat (...) qui demeurent en Guyane (...) ne peuvent bénéficier de cette indemnité s'ils sont affectés sur place ".

3. Aux termes de l'article 8 du décret du 30 juillet 2014 portant création et organisation provisoire de l'université de la Guyane : " Les agents qui exerçaient précédemment leurs fonctions au pôle universitaire de la Guyane de l'université des Antilles et de la Guyane sont affectés au nouvel établissement à [la date du 1er janvier 2015], sous réserve de leur accord (...) ".

4. Pour annuler la décision du 7 septembre 2016, par laquelle le président de l'université de la Guyane a refusé le versement à M. B... de l'indemnité de sujétion géographique, le tribunal administratif de la Guyane a considéré que la résidence administrative de M. B... était le territoire où est implanté son établissement de rattachement. Il en a donc déduit que M. B... étant maître de conférence rattaché à l'UFR sciences exactes et naturelles du pôle Guadeloupe du 1er septembre 2000 au 31 décembre 2014, il avait sa résidence administrative en Guadeloupe.

5. Toutefois, la notion de résidence administrative doit être entendue comme étant le territoire de la commune sur lequel se situe le service où l'agent est affecté. Il est constant que M. B... exerçait depuis 2011 en Guyane où il était affecté au sein de l'institut d'enseignement supérieur de la Guyane, localisé sur le pôle de la Guyane de l'université des Antilles et de la Guyane. Par suite, même s'il était rattaché pour sa gestion au pôle de la Guadeloupe, lorsqu'il a été affecté sur place à compter du 1er janvier 2015 à l'Université de la Guyane, dans le cadre de son droit d'option prévu par l'article 8, sa précédente résidence administrative n'était pas située hors de la Guyane. Les dispositions de l'article 2 du décret du 15 avril 2013 précité faisaient, dès lors, obstacle à ce que M. B... bénéficie de l'indemnité de sujétion géographique.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a considéré que la décision précitée, en litige, était entachée d'erreur de droit.

7. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens dirigés présentés par M. B... devant le tribunal administratif et devant la Cour.

8. Il est constant que M. B..., qui était domicilié en Guyane depuis 2011, devait être regardé au sens de l'alinéa 2 de l'article 2 du décret du 15 avril 2013 précité, comme y " demeurant " au moment de son affectation sur place à compter du 1er janvier 2015. Par suite, M. B... n'entrant donc pas dans le champ d'application de l'article 2 du décret du 15 avril 2013, quelles que soient les conditions initiales de son affectation en 2011, il ne pouvait prétendre au bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique. Par suite, la décision du 7 septembre 2016 en litige n'est pas entachée d'erreur de droit.

9. Enfin, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

10. L'instauration au profit des agents affectés en Guyane, à Saint-Martin, et

Saint-Barthélemy de l'indemnité de sujétion géographique par le décret du 15 avril 2013, applicable à la situation de M. B... a pour objectif de tenir compte des spécificités intraterritoriales de ces collectivités et de la difficulté des postes à pourvoir en renforçant leur attractivité par des mécanismes d'incitation financière.

11. Ainsi, la différence de traitement instituée entre les agents dont le domicile était situé hors de la Guyane et ceux qui, comme M. B..., ont leur domicile en Guyane répond à une différence de situation objective en rapport avec l'objet du texte qui vise à inciter les fonctionnaires à solliciter une affectation dans ce territoire présentant des difficultés de recrutement et n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objet du décret du 15 avril 2013. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé la décision du 7 septembre 2016 du président de l'université de la Guyane et a enjoint à ce dernier de verser à M. B... l'indemnité de sujétion géographique.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. B... au titre de ses frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700072 du 31 mai 2018 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de la Guyane est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Copie en sera adressée au président de l'université de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme C... A..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 05 mai 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX03214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03214
Date de la décision : 05/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers. Indemnités allouées aux fonctionnaires servant outre-mer (voir : Outre-mer).


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP PIWNICA MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-05;18bx03214 ?
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