Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 16 juin 2020 par lequel le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.
Par un jugement n° 2000853 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2020, Mme F..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 1er octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 juin 2020 par lequel le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite ;
3°) d'enjoindre au préfet de régulariser sa situation dans un délai de sept jours et de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa demande, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
s'agissant du refus de titre de séjour :
- la décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa demande sur le fondement de la convention franco-béninoise et en refusant de lui délivrer un titre de séjour en l'absence d'un avis définitif des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de la poursuite de sa carrière de joueuse professionnelle de basket-ball ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
s'agissant de décision fixant le pays de renvoi :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur de droit au regard de son intégration sociale en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2021, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin, signée à Cotonou le 21 décembre 1992 ;
- l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin, signé à Cotonou le 28 novembre 2007 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... B...,
- et les observations de Me A..., représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante béninoise née le 8 avril 1994, est entrée initialement en France en 2017 et a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français qu'elle a exécutée le 23 décembre 2017. Revenue en dernier lieu en France au cours du mois de mai 2019 sous couvert d'un visa de type D, elle a été mise en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour en qualité de visiteur puis elle a demandé, le 2 mars 2020, la délivrance d'un titre de séjour temporaire en qualité de salariée. Par un arrêté du 16 juin 2020, le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer ce titre, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Mme F... relève appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. L'arrêté litigieux vise les conventions internationales et les dispositions légales dont il est fait application, comporte des éléments de faits relatifs à la situation de Mme F... et expose avec précision les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à l'intéressée de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de cet arrêté doit, être écarté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article 14 de la convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin signée le 21 décembre 1992 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ". Aux termes de l'article 10 de cette même convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants béninois doivent posséder un titre de séjour. / (...) Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil (...) ". Aux termes du neuvième alinéa de l'article 1er de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin du 28 novembre 2007 : " Les stipulations du présent Accord qui complète la Convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre la République française et la République du Bénin signée à Cotonou le 21 décembre 1992, prévalent sur toute disposition contraire antérieure ". Aux termes de l'article 14 de ce même accord : " 1. La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées sur l'ensemble du territoire français, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant béninois titulaire d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente dans les métiers énumérés ci-après (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / (...) Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire". ". L'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ".
5. Il résulte des stipulations citées au point 3 que l'article 14 de l'accord du 28 novembre 2007 n'a pas remis en cause les articles 10 et 14 de la convention du 21 décembre 1992 qui renvoient aux législations des deux États pour la délivrance des titres de séjour et se borne à prévoir une liste de métiers pour lesquels la situation de l'emploi en France ne peut être opposée aux ressortissants béninois, demandeurs d'un titre de séjour comme travailleurs salariés. Il s'ensuit que c'est sans commettre aucune erreur de droit que le préfet de la Corrèze, qui a opposé un refus de titre de séjour à Mme F... au motif qu'elle ne disposait pas d'un contrat de travail visé par les services de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, a examiné la situation de l'intéressée sur le fondement des dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4. À cet égard, la circonstance que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur de visas est sans incidence sur sa légalité. Mme F... ne peut davantage utilement se prévaloir du contrat de travail qu'elle produit à l'instance et qui a été signé le 4 juillet 2020, soit postérieurement à la décision qu'elle conteste.
6. En second lieu, si Mme F... soutient que sa présence en France lui permet de poursuivre sa carrière de joueuse professionnelle de basket-ball, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée alors notamment que la demande d'autorisation de travail produite lors de l'instruction de sa demande de titre concernait un remplacement temporaire d'un agent de restauration pour une durée d'un mois et demi.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... est entrée en France en dernier lieu à l'âge de 25 ans et est sans charge d'enfant. Si elle fait valoir les relations qu'elle a nouées dans le milieu sportif, rien ne fait obstacle à ce que sa vie se poursuive ailleurs qu'en France, notamment au Bénin où elle ne justifie pas être dépourvue de toute attache familiale. Dans ces conditions, le préfet n'a pas, en l'obligeant à quitter le territoire, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise, et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Si Mme F... soutient qu'elle a la volonté de s'insérer socialement en France, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi qui est distincte des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français prises à son encontre.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. C... B..., président,
Mme G..., première conseillère,
Mme E... D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.
Le président,
Didier B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03628