Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 9 novembre 2016 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé sa révocation.
Par un jugement n° 1703172 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mai 2019 et 5 février 2021, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 mars 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2016 prononçant sa révocation ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de procéder au réexamen de sa situation administrative et statutaire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la motivation de la sanction disciplinaire contestée est insuffisante pour lui permettre de justifier la sanction la plus sévère du quatrième groupe ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'une faute disciplinaire ; les faits ayant donné lieu à la révocation ont été commis en dehors du service, ne présentent aucun lien avec le service et n'ont eu aucun retentissement particulier en dehors du service ;
- la sanction de révocation est disproportionnée aux faits qui n'ont aucun lien avec le service et ont eu lieu en dehors de ses fonctions ;
- l'expertise psychiatrique réalisée dans le cadre de la procédure pénale ne pouvait valablement être prise en compte par le tribunal dès lors que le médecin l'avait reçu en consultation privée le 3 juillet 2008.
Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, que l'appelant soulève pour la première fois en appel, est fondé sur une cause juridique distincte de celle dont relevaient les moyens soulevés en première instance, est irrecevable ;
- les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... ;
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., professeur certifié de sciences physiques, titularisé depuis le 1er septembre 1993 et affecté depuis le 1er septembre 2012 au lycée Maine de Biran à Bergerac (Dordogne) a été condamné, le 23 septembre 2016, par le tribunal correctionnel de Périgueux à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une obligation de soins pour des faits d'exhibition sexuelle commis le 8 juin 2016. A la suite d'un avis favorable de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire émis le 29 septembre 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a, par un arrêté du 9 novembre 2016, prononcé la révocation de M. B.... La commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat a, lors de sa séance du 16 mai 2017, émis un avis favorable au maintien de la sanction de révocation prononcée à l'encontre de l'intéressé. M. B... relève appel du jugement du 28 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2016.
Sur la légalité de l'arrêté du 9 novembre 2016 :
2. L'arrêté du 9 novembre 2016, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé. En particulier, les indications relatives aux faits qui lui étaient reprochés ont permis à M. B... de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.
3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale (...) ". Ne peuvent être sanctionnées que les fautes commises par les fonctionnaires dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Toutefois, en application des dispositions précitées, les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent constituer une faute passible d'une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l'agent ou ont gravement porté atteinte à l'honneur et à la considération qui lui sont portées.
4. Il ressort du jugement du tribunal correctionnel de Périgueux du 23 septembre 2016 que le 8 juin 2016, M. B... a exposé, sans aucune précaution, ses parties génitales volontairement dénudées à la vue des plongeurs nageant dans une piscine publique, plusieurs enfants ayant été exposés à la vue de son sexe. Aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'administration de se fonder sur ces faits, relevant de la qualification d'exhibition sexuelle, ayant motivé une condamnation pénale de quatre mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une obligation de soins, pour déclencher une procédure disciplinaire à l'encontre de M. B..., dans l'intérêt du service. Si M. B... fait valoir que la publication de ces faits dans la presse locale ne peut être prise en compte dès lors que son nom n'était pas cité ni même celui de l'établissement dans lequel il enseignait, il ressort toutefois des pièces du dossier que ces articles mentionnent sa profession, son âge, la matière qu'il enseignait et le type d'établissement dans lequel il exerçait ses fonctions ainsi que de sa commune de rattachement. Dans ces conditions, compte tenu des éléments ainsi publiés, les faits commis par M. B... doivent être regardés comme ayant été de nature à jeter le discrédit sur la fonction d'enseignant. Par suite, eu égard à l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature des actes commis par l'intéressé, à la réputation du service public de l'éducation nationale ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, les faits en cause, alors même qu'ils ont été commis en dehors de l'exercice de ses fonctions, constituent des fautes professionnelles de nature à justifier une sanction.
5. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Troisième groupe : / - la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet de deux sanctions disciplinaires du troisième groupe, une exclusion de ses fonctions de six mois en 2006 puis de vingt-quatre mois avec un sursis de vingt-deux mois en 2012 aux motifs d'un comportement agressif et colérique, d'une attitude, d'une part, injuste, vexante et même humiliante envers certains élèves et, d'autre part, négative, menaçante et vindicative à l'encontre de la communauté éducative et de manquements à l'obligation de respecter sa hiérarchie et à celle de se conformer aux instructions données. Dès lors, M. B... ne peut être regardé comme ayant eu, jusqu'à la commission des faits dont il s'agit, un comportement professionnel irréprochable alors même que ses notations étaient satisfaisantes. En outre, si M. B... conteste l'expertise réalisée dans le cadre de l'instruction pénale en produisant notamment des certificats médicaux du 30 avril 2019 et du 3 mai 2019 respectivement de son médecin psychiatre et de son médecin traitant ainsi qu'un rapport d'examen psychiatrique réalisé au mois d'octobre 2020, ces éléments ne remettent pas en cause la réalité et la gravité des faits reprochés à M. B... d'exhibition sexuelle commis en 2016 et ne démontrent pas une altération de son discernement en lien avec son état de santé de nature à considérer que la sanction serait disproportionnée avec la faute commise. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... avait déjà été condamné par la cour d'appel de Pau le 23 avril 2009, pour des faits similaires survenus en 2007, à une peine de 800 euros d'amende. Par suite, eu égard à la gravité des faits commis par M. B... et au risque de récidive, l'autorité disciplinaire n'a pas pris une sanction disproportionnée en prononçant à son encontre la sanction de révocation alors même qu'aucun incident à connotation sexuelle à l'égard de ses élèves n'a été relevé.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
La présidente,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX02226 4