Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 février 2019, 22 octobre 2019, 1er octobre 2020 et 30 novembre 2020, la société Cinésogar, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 14 novembre 2018 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a refusé de lui accorder l'autorisation de créer un établissement de spectacles cinématographiques de huit salles et 2 059 places à l'enseigne " Cinévillage " à Baie-Mahault ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière en ce qu'il ne ressort pas du dossier que les membres de la commission aient été convoqués en temps utile pour la réunion du 14 novembre 2018 ni qu'ils aient reçu l'ensemble des éléments nécessaires pour leur permettre de prendre connaissance du dossier en méconnaissance de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée ;
- aucun élément au dossier ne permet de justifier que l'avis du ministre chargé de la culture aurait été régulièrement présenté aux membres de la commission nationale en méconnaissance de l'article R. 212-7-29 du code du cinéma et de l'image animée ;
- la décision est entachée d'insuffisance de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration en ce qu'elle comporte la même motivation que celle de la décision de la commission nationale de refus de 2017 sans tenir compte des améliorations apportées au projet ;
- la commission nationale a commis une erreur de droit et inexactement appliqué les critères énoncés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée en considérant comme irréaliste son projet de programmation prévoyant la diffusion de 15 % de séances " art et essai " au " Cinévillage " et 25 % au " Rex " alors que le pétitionnaire s'engage à respecter son projet de programmation en application de l'article L. 212-23 du code du cinéma et de l'image animée ;
- la Commission nationale d'aménagement cinématographique ne pouvait, pour estimer que le projet ne respectait pas le critère de l'aménagement culturel du territoire, se fonder sur le prétendu impact que le projet " Cinévillage " pourrait avoir sur " le Rex " de Pointe-à-Pitre et sur " le Ciné-Théâtre " du Lamentin ; en outre, le projet de multiplexe contesté a été conçu en complémentarité du " Rex ", seule la création d'un multiplexe géré par l'exploitant du " Rex " permettant le maintien de celui-ci ; en permettant d'éviter la fermeture de ce cinéma et en réorientant sa programmation vers une offre davantage tournée vers les oeuvres art et essai, le projet participera à renforcer l'animation culturelle de la commune de Pointe-à-Pitre ; par ailleurs, l'impact sur " le Ciné-Théatre " du Lamentin est marginal compte-tenu de la différence de positionnement des deux établissements ;
- le projet permettra de rééquilibrer l'offre cinématographique proposée au sein de l'agglomération pontoise qui est actuellement déséquilibrée à l'est ; contrairement à ce qu'a estimé la Commission nationale d'aménagement cinématographique, la création de " Cinévillage " à l'Ouest de l'agglomération de Pointe-à-Pitre n'a rien d'inédit et apparaît au contraire comme la seule solution pour le maintien du " Rex " depuis l'ouverture de " Cinéstar " ;
- c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement cinématographique a considéré que l'activité du palais des congrès empêchera le " Cinévillage " d'être un cinéma à part entière, cette activité complémentaire permettra au contraire de participer à la renommée de l'établissement ; le projet répond aux exigences du d) du 2° de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée ;
- le projet s'insère dans un projet urbain identifié et répond aux exigences de qualité de l'urbanisme et d'insertion dans l'environnement ;
- la qualité environnementale du projet est satisfaisante au regard des exigences du c) du 2° de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée.
Par deux mémoires enregistrés les 6 août 2019 et 5 novembre 2020, la société Cinestar, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens développés par la société appelante ne sont pas fondés.
Par deux mémoires enregistrés les 16 mars et 5 novembre 2020, la Commission nationale d'aménagement cinématographique, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Cinésogar d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens développés par la société appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du cinéma et de l'image animée ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... ;
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public ;
- et les observations de Me D..., représentant la société Cinésogar.
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 mars 2018, la société à responsabilité limitée Cinésogar a sollicité l'autorisation de créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Cinévillage " regroupant 8 salles et 2 059 places à Baie-Mahaut en Guadeloupe. Par une décision du 7 mai 2018, la commission départementale d'aménagement cinématographique de la Guadeloupe a autorisé ce projet. Saisie d'un recours formé par la société Cinéstar, bénéficiaire d'une autorisation d'exploiter un établissement cinématographique situé dans la zone d'influence cinématographique du projet, la Commission nationale d'aménagement cinématographique a, par une décision du 14 novembre 2018, refusé ce même projet. Par la présente requête, la société Cinésogar demande à la cour d'annuler cette dernière décision.
Sur l'intervention de la société Cinéstar :
2. La société Cinéstar, auteur du recours préalable obligatoire et exploitant un établissement dans la zone d'influence cinématographique, a intérêt au maintien de la décision attaquée. Son intervention doit ainsi être admise.
Sur la légalité de la décision du 14 novembre 2018 :
3. Aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des oeuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique que la qualité des services offerts ". L'article L. 212-9 du même code dispose : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, la commission départementale d'aménagement cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; / c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; / e) La localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement cinématographique ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement cinématographique, lorsqu'elles se prononcent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, parmi lesquels ne figure plus la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d'attraction du projet.
5. Pour rejeter la demande de la société Cinésogar, en ce qui concerne l'effet du projet sur la diversité cinématographique, la Commission nationale d'aménagement cinématographique a, après avoir analysé l'évolution démographique ainsi que la nature de l'offre dans la zone d'influence cinématographique, estimé que le projet de programmation envisagé par le demandeur apparaissait irréaliste dans les conditions actuelles et particulières de distribution des oeuvres cinématographiques dans les Antilles-Guyane, que le projet proposerait une offre cinématographique déjà assurée par l'établissement " Cinéstar " et qu'il comporterait des risques majeurs sur l'activité des cinémas " Rex " et " Ciné-Théâtre ". En ce qui concerne l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, la commission a considéré que le projet serait susceptible de porter atteinte à l'animation cinématographique de la commune de Pointe-à-Pitre, qu'il provoquerait un déséquilibre de l'offre cinématographique de la zone au détriment du seul complexe situé en centre-ville de Pointe-à-Pitre, qu'il ne s'insérait pas dans un projet urbain identifié et qu'il ne serait pas desservi de façon suffisante par les lignes de bus existantes.
En ce qui concerne l'effet du projet sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la zone d'influence cinématographique, comptant 242 162 habitants en 2015, comprend quatre établissements cinématographiques, dont trois dans la zone primaire, " Le Rex " à Pointe-à-Pitre, doté de quatre écrans et à la programmation généraliste, exploité par la société Cinésogar, " le Ciné-Théatre ", situé au Lamentin, doté d'un écran et à la programmation généraliste et " art et essai ", et le multiplexe " Cinéstar ", autorisé par la Commission nationale d'aménagement cinématographique le 26 août 2013, situé aux Abymes, doté de dix écrans et à la programmation principalement généraliste. Le quatrième établissement est " Le Majestic " à Capesterre-Belle Eau, situé à 28 kilomètres du projet, doté d'un écran et à la programmation généraliste et " art et essai ". Le dossier de demande d'autorisation de création du projet " Cinévillage ", complexe de 8 salles et 2 059 places, à Baie-Malhaut, à l'ouest de l'agglomération de pointe-à-Pitre, présenté par la société Cinésogar comportait un projet de programmation qui, en application du 3° de l'article L. 212-23 du code du cinéma et de l'image animée, vaut engagement de programmation cinématographique. Ce projet de programmation du complexe " Cinévillage ", qui sera généraliste avec une part de 15 % de films recommandés " art et essai " à forte audience, a été conçu en complémentarité avec la programmation du cinéma le " Rex ", dont la société Cinésogar est également l'exploitante, qui sera quant à elle orientée, pour une part de 25 %, vers la diffusion de films recommandés " art et essai " à forte audience et des films d'auteur plus intimistes. Si le projet de programmation du cinéma le " Rex ", qui ne fait pas l'objet de la décision attaquée, ne vaut pas engagement de programmation homologué au sens du code du cinéma et de l'image animée, l'engagement de la société Cinésogar est toutefois suffisamment ferme et précis pour que la Commission nationale d'aménagement cinématographique en tienne compte. Par ailleurs, la requérante produit un contrat-cadre de programmation et de location de films entre la société Filmdis et l'exploitant du " Cinéstar " s'engageant sur la disponibilité des films dès leur date de sortie. Il n'est en outre pas contesté que la distribution des films assurée par la société Filmdis ne fait pas obstacle à la programmation de films ne figurant pas dans le catalogue de Filmdis. Ainsi, la circonstance que la réalisation du projet permettrait au groupe Elizé, auquel appartient la société Cinésogar ainsi que la société Filmdis qui assure la distribution des films en Guadeloupe, de détenir la majorité des écrans et des sièges en Guadeloupe ne peut être regardée comme de nature à nuire à l'accès des oeuvres aux salles et des salles existantes aux oeuvres, notamment pour les établissements " Cinéstar " et " Ciné-Théatre ". Enfin, il ressort du dossier de demande d'autorisation que le groupe Elizé a engagé des échanges avec un partenaire culturel susceptible de mener des actions d'accompagnement des films et des publics " art et essai ", à l'instar du partenariat entre son multiplexe " Madiana et Tropiques Atrium " en Martinique, dans le but de valoriser la programmation " art et essai " et de développer les publics de ce segment de films. Il résulte de l'ensemble de ces éléments et dès lors que le groupe Elizé a pu créer en Martinique une véritable stratégie en matière de diffusion et de promotion de l'" art et essai ", comme le souligne le rapport d'instruction de la direction des affaires culturelles de Guadeloupe pour la commission départementale d'aménagement cinématographique, que le projet de programmation de la société Cinésogar ne peut être regardé comme " irréaliste " contrairement à ce qu'a retenu la commission. Ainsi le projet, dont le but est de reporter la plus grande part de la diffusion de films généralistes ou " art et essai " porteurs au cinéma " Cinévillage " et d'augmenter la diffusion de films recommandés " art et essai " au cinéma le " Rex ", qui, à l'instar des autres établissements existants tels que le " Cinéstar ", propose actuellement une offre majoritairement généraliste avec seulement quelques séances dédiées à des films " art et essai ", permettra d'améliorer la diffusion et l'exposition de films " art et essai " dans la zone d'influence cinématographique.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'en termes d'équipement cinématographique rapporté à la moyenne des unités urbaines de plus de 200 000 habitants, l'unité urbaine de Pointe-à-Pitre-Les Abymes apparaît sous équipée en nombre de fauteuils et en nombre d'écrans, avec 72 habitants par fauteuil et 0,6 écrans pour 10 000 habitants. L'implantation du projet " Cinévillage " permettra d'augmenter l'offre de fauteuils, avec 46 habitants par fauteuil, et d'écrans, avec 0,9 écrans pour 10 000 habitants, et améliorera l'indice de fréquentation à 3,7 entrées par habitant, estimé proche des indices de la plupart des agglomérations de taille comparable. Ainsi, le projet " Cinévillage " permettra une diffusion de films dans plus de salles et durant une période plus longue ce qui permettra aux spectateurs de bénéficier d'une offre culturelle cinématographique améliorée. Par ailleurs, compte tenu du projet de programmation exposé par la société Cinésogar, les craintes émises par les défendeurs quant à la disparition du cinéma le " Rex ", réorienté vers une diffusion de films " art et essai " peu porteurs, ne sont pas étayés par des éléments précis, alors que l'avis de la direction régionale des affaires culturelles, favorable au projet, ne mentionne qu'une forte probabilité de réduction d'activité du complexe " Rex ", sans aucunement affirmer sa disparition. Par suite, le projet " Cinévillage " permettra d'améliorer la diversité culturelle de l'offre cinématographique.
8. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la commission n'a pu sans erreur d'appréciation refuser son projet au motif qu'il méconnaîtrait l'objectif de diversité de l'offre cinématographique.
En ce qui concerne l'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme :
9. En premier lieu, le projet de " Centre de Congrès Cinéma Cinévillage " sera situé sur la commune de Baie-Mahault, à l'ouest de Pointe-à-Pitre. Les établissements cinématographiques existants sont implantés soit en centre-ville, pour le cinéma le " Rex ", soit à l'est de l'agglomération de Pointe-à-Pitre, pour le multiplexe " Cinéstar ". Ainsi, le projet aura pour effet de rééquilibrer l'offre cinématographique à l'ouest de Pointe-à-Pitre et de permettre une meilleure accessibilité à un équipement moderne, notamment pour les habitants de Basse-Terre qui représentent 48 % de la population de la zone d'influence cinématographique. En outre, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'ouverture du multiplexe " Cinéstar " a engendré une baisse de la fréquentation du cinéma le " Rex ", évaluée au premier semestre 2018 à - 74 % par rapport au premier semestre 2017, ainsi qu'une baisse du chiffre d'affaires concomitante de -78 %, les engagements de la société Cinésogar, exploitante de cet établissement, quant à la réorientation de sa programmation ont vocation à pérenniser le cinéma le " Rex " et à préserver l'animation culturelle du centre-ville de Pointe-à-Pitre. L'impact du projet sur l'établissement situé au Lamentin, évalué à une diminution de la fréquentation de 10 à 20 %, ne suffit pas à caractériser une atteinte à l'animation culturelle de la zone. Par suite, la Commission nationale d'aménagement cinématographique a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet provoquerait un déséquilibre de l'offre cinématographique de la zone au détriment du seul complexe situé en centre-ville de Pointe-à-Pitre.
10. En deuxième lieu, le projet de " Centre de Congrès Cinéma Cinévillage " sera situé au sein d'une zone actuellement vierge de constructions, qui a vocation à accueillir le futur " Pôle d'excellence du Morne Bernard ", orienté vers les nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'enseignement supérieur et la recherche. Cette zone, dédiée aux activités tertiaires, a été ouverte à l'urbanisation par une délibération du conseil municipal de Baie Mahault du 23 mai 2017. Il ressort du dossier de demande d'autorisation que le projet de multiplexe s'inscrit dans une philosophie de développement durable, par la mise en oeuvre d'une architecture bioclimatique, afin de limiter ses besoins en énergie et que les espaces verts seront conservés et intensifiés ainsi que le soulignait le rapport d'instruction de la Commission nationale d'aménagement cinématographique. Ainsi, malgré la consommation d'espaces naturels, c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement cinématographique a estimé, sans d'ailleurs assortir son appréciation de précisions, que le projet ne répondait pas aux exigences de qualité de l'urbanisme et d'insertion dans l'environnement.
11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le site, situé le long de la route nationale 1, est aisément accessible par voiture et que le projet prévoit l'aménagement d'un parc de stationnement de 852 places. En outre, le projet est desservi par six lignes de bus, dont cinq comportent un arrêt " Destreland-Morne Bernard " situé à cent mètres environ du site du projet. La circonstance que le service de ces lignes de bus ne fonctionne pas après 19 heures ni le dimanche ne saurait, à elle seule, justifier le refus d'accorder l'autorisation sollicitée. Par ailleurs, la communauté d'agglomération Cap Excellence envisage la mise en service d'un réseau de tramway et la desserte du site du projet par la ligne 1 qui devrait être effective en 2023. Enfin, ainsi que le prévoit l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur dans lequel se situe le projet, des liaisons douces seront aménagées au sein de la zone " Morne Bernard " où les modes de déplacement doux seront privilégiés. Par suite, la Commission nationale d'aménagement cinématographique ne pouvait refuser l'autorisation sollicitée par la société Cinésogar au motif que l'implantation du projet reposait de façon excessive sur l'usage de la voiture.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, aucun des motifs n'étant de nature à justifier le refus opposé à la société Cinésogar, que la décision du 14 novembre 2018 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique lui a refusé l'autorisation préalable requise pour la création d'un établissement de spectacles cinématographiques de 8 salles et 2 059 places à l'enseigne " Cinévillage " à Baie-Mahault doit être annulée.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Cinésogar, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la Commission nationale d'aménagement cinématographique au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Cinésogar au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la société Cinéstar est admise.
Article 2 : La décision du 14 novembre 2018 de la Commission nationale d'aménagement cinématographique est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à la société Cinésogar la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la Commission nationale d'aménagement cinématographique tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cinésogar, à la ministre de la culture (Commission nationale d'aménagement cinématographique) et à la société Cinéstar.
Copie en sera adressée au médiateur du cinema et au Centre national du cinema.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
La présidente,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX00792 2