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20/04/2021 | FRANCE | N°19BX00774

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 20 avril 2021, 19BX00774


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2019 et 30 décembre 2019, la société en nom collectif Grand Marché, la société Vindemia Distribution, l'entreprise individuelle Lallemand Bertrand et la société Le Poteau Vert, représentées par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2018 par lequel le maire de La Possession a délivré à la société ALG Consulting un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un hypermarché à l'enseigne " E. Le

clerc " de 2 858 m², de deux moyennes surfaces de 319 m² et 1 359 m² et de quinze bouti...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2019 et 30 décembre 2019, la société en nom collectif Grand Marché, la société Vindemia Distribution, l'entreprise individuelle Lallemand Bertrand et la société Le Poteau Vert, représentées par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2018 par lequel le maire de La Possession a délivré à la société ALG Consulting un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un hypermarché à l'enseigne " E. Leclerc " de 2 858 m², de deux moyennes surfaces de 319 m² et 1 359 m² et de quinze boutiques de moins de 300 m² chacune pour un total de 1 853 m² de surface de vente sur les parcelles cadastrées section AP n° 1242 et 1367 situées rue Moulin Joli.

2°) de mettre à la charge de la commune de La Possession et de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la motivation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est insuffisante ;

- le dossier de demande de permis de construire est incomplet ; aucune information n'est communiquée sur les enseignes de l'ensemble des cellules commerciales ; les informations relatives aux commerces de la zone de chalandise sont insuffisantes ; l'évaluation sur les flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet n'était pas complète ; le pétitionnaire n'a pas transmis suffisamment d'éléments permettant de garantir la réalisation des aménagements publics routiers indispensables pour la réalisation du projet ; le dossier ne comprend pas d'éléments suffisants permettant d'apprécier la qualité environnementale du projet ;

- le projet ne respecte pas le 1er alinéa de l'article L. 752-6 du code de commerce en ce qu'il méconnait les dispositions du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du territoire de la Côte Ouest ;

- le projet méconnait les dispositions des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce ; le projet ne se justifie pas quant à l'objectif d'aménagement du territoire et sa qualité environnementale s'avère insuffisante.

Par un mémoire enregistré le 29 mai 2019, la commune de La Possession, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des sociétés requérantes d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens présentés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 5 juin 2019 et 6 mars 2020, la société ALG Consulting, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire des sociétés requérantes d'une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens présentés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés ;

- si la cour jugeait que l'un des moyens soulevés était fondé, elle demande la régularisation du permis contesté par application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant les sociétés requérantes, et de Me A..., représentant la société ALG Consulting.

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 mars 2018, la société ALG Consulting a sollicité la délivrance d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un hypermarché à l'enseigne " E. Leclerc " de 2 858 m², de deux moyennes surfaces de 319 m² et 1 359 m² et de quinze boutiques de moins de 300 m² chacune pour un total de 1 853 m² de surface de vente sur les parcelles cadastrées section AP n° 1242 et 1367 situées rue Moulin Joli sur la commune de La Possession. Le 14 mai 2018, la commission départementale d'aménagement commercial de La Réunion s'est prononcée favorablement sur ce projet. Le 27 septembre 2018, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté les recours formés par les sociétés Grand Marché, Vindemia Distribution, Speed Shoping et Le Poteau Vert, et a émis un avis favorable au projet présenté par la société ALG Consulting. Par un arrêté du 24 décembre 2018, le maire de La Possession a accordé le permis de construire sollicité. La société en nom collectif Grand Marché, la société Vindemia Distribution, l'entreprise individuelle Lallemand Bertrand et la société Le Poteau Vert demandent à la cour d'annuler cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 décembre 2018 :

2. Aux termes de l'article R. 752-38 du code de commerce : " (...) L'avis ou la décision est motivé (...) ".

3. Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. En l'espèce, en se référant à la localisation du projet au sein de la zone d'aménagement concerté Moulin Joli et son intégration dans les grands projets de restructuration urbaine de la commune de La Possession, à sa compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale, à la mixité du programme envisagé, à sa compacité, à la configuration de ses accès et à sa haute qualité environnementale, architecturale et paysagère, la commission a suffisamment motivé son avis alors même que l'avis ne mentionne pas les enseignes devant s'installer dans les moyennes surfaces et les boutiques et ne se prononce pas expressément sur l'impact du projet sur les flux de circulation et sur les commerces voisins.

4. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " I. La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. / 1° Informations relatives au projet : (...) b) Pour les projets de création d'un ensemble commercial : / - la surface de vente globale ; / - la surface de vente et le secteur d'activité de chacun des magasins de plus de 300 mètres carrés de surface de vente ; / - l'estimation du nombre de magasins de moins de 300 mètres carrés de surface de vente et de la surface de vente totale de ces magasins ; (...) 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / d) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; / f) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, la mention des principales caractéristiques de ces aménagements, une estimation des coûts indirects liés aux transports supportés par les collectivités comprenant la desserte en transports en commun, ainsi qu'une présentation des avantages, économiques et autres, que ces aménagements procureront aux collectivités (...) ".

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, le dossier de demande décrit les enseignes présentes au sein des deux pôles d'activité commerciale de la zone de chalandise, le centre Sacré-Coeur et la zone commerciale de Savanna de Saint-Paul, et présente les principaux pôles commerciaux situés à proximité de la zone de chalandise. Les sociétés requérantes ne précisent pas les raisons pour lesquelles ces informations seraient insuffisantes. En outre, le pétitionnaire a indiqué la surface de vente et le secteur d'activité de chacun des magasins du projet de plus de 300 mètres carrés de surface de vente, seule mention exigée par l'article R. 752-6 du code de commerce cité ci-dessus, et a analysé les effets du projet sur l'animation des principaux secteurs existants. La circonstance que le dossier n'indique pas les enseignes devant s'implanter sur le site ne caractérise pas une insuffisance du dossier qui aurait été de nature à fausser l'appréciation des membres de la commission.

6. En deuxième lieu, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale présente les résultats des études de flux de circulation et des comptages réalisés, notamment en évaluant le trafic généré par le projet à 6 500 véhicules par jour et 650 véhicules à l'heure de pointe et en analysant son impact sur la capacité des axes et des trois carrefours devant desservir le site du projet. La route nationale 1 et l'échangeur du Sacré Coeur ne pouvant être regardés comme un axe et un équipement de desserte directe du site du projet, le pétitionnaire n'était pas de tenu d'analyser les flux de circulation de cette voie et de cet équipement. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, la Commission nationale d'aménagement commercial a disposé de tous les éléments nécessaires à l'évaluation des effets du projet sur la circulation routière et notamment des études concernant la réalisation d'équipements routiers et l'aménagement des carrefours afin d'éviter toute saturation. Les sociétés requérantes se bornent à reprendre les termes du rapport de la direction de l'environnement de l'aménagement et du logement de La Réunion quant à l'ancienneté des comptages sans apporter de données permettant de remettre en cause les chiffres relatifs au trafic figurant dans le dossier de la demande. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la circonstance que les comptages ont été réalisés en 2013 et en août 2015 aurait pu fausser l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial quant à l'évaluation des flux journaliers de circulation des véhicules sur les principaux axes de desserte du site.

7. En troisième lieu, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale comprend un extrait de la convention de participation aux coûts des équipements publics de la zone d'aménagement concerté Moulin Joli conclue entre la commune de La Possession, l'aménageur, la société d'équipement du département de La Réunion, et le constructeur, la société ALG Consulting. Cette convention, signée le 30 mai 2018, ainsi que les délibérations et les documents contractuels garantissant la réalisation des équipements viaires et des accès en mode doux ont été transmis au service instructeur de la Commission nationale d'aménagement commercial, ainsi qu'en atteste son rapport. Ces éléments étaient suffisants pour permettre aux membres de la commission d'apprécier, en toute connaissance de cause, les modalités de réalisation des aménagements nécessaires à la desserte du projet alors même que le dossier ne comportait pas les délibérations portant sur les travaux ainsi prévus. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande décrivait les énergies renouvelables intégrées au projet et que le pétitionnaire, à la suite de l'évolution du projet postérieurement à la réunion de la commission départementale d'aménagement commercial, en a informé le service instructeur de la Commission nationale d'aménagement commercial qui a pris en compte la mise en place d'une centrale solaire photovoltaïque en toiture du centre commercial au moyen d'un bail à construction. Ces éléments ont permis à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier de façon suffisamment éclairée la qualité environnementale du projet. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêté du préfet de La Réunion du 13 décembre 2016, que le projet n'était pas soumis à étude d'impact.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande d'autorisation commerciale doit être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I. L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent pris dans leur ensemble.

10. Si le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale Territoire de la Côte Ouest prévoit que la localisation des équipements commerciaux doit contribuer à ne pas accroitre le trafic automobile sur les segments critiques de la voirie tels que celui de la route nationale 1, toutefois l'orientation n° 15 de ce même schéma identifie la zone Moulin Joli comme une des localisations préférentielles des activités économiques. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la route nationale n° 1 ne dessert pas directement le projet et que la réalisation de ce projet constituera une offre de proximité immédiate aux nouvelles habitations de la zone d'aménagement concerté Moulin Joli et contribuera à diminuer l'évasion commerciale vers les pôles commerciaux existants, limitant ainsi les déplacements notamment sur la route nationale n° 1. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet contesté serait incompatible avec le schéma de cohérence territoriale doit être écarté.

11. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale ".

En ce qui concerne l'aménagement du territoire :

12. Le projet consiste en un ensemble immobilier sur cinq niveaux, dont deux en sous-sol et en rez-de-jardin principalement dédiés au stationnement, accueillant, outre un hôtel, des bureaux, des espaces de divertissement et de restauration, une offre commerciale d'une surface de vente totale de 6 379 m², qui comprend une grande surface alimentaire, deux moyennes surfaces et quinze boutiques. Situé au sein de la zone d'aménagement concerté Moulin Joli, à vocation mixte, qui accueillera à terme 3 200 logements pour 9 000 habitants, des équipements sportifs, des espaces de loisirs, des activités tertiaires et des services, le projet constituera une offre à proximité immédiate des nouvelles habitations, contribuera à diminuer l'évasion commerciale vers les pôles commerciaux existants et limitera les déplacements à l'échelle de la commune. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, eu égard à la croissance importante de la population de La Possession, qui va passer de 32 000 habitants en 2014 à 40 000 en 2024, et au déficit de l'équipement commercial de la commune, le projet peut être regardé comme complémentaire avec celui de la zone d'aménagement concerté Coeur de ville. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le projet aurait un effet négatif sur les commerces traditionnels existants et sur l'animation de la vie urbaine. Par ailleurs, il ressort de l'étude de trafic que les réserves de capacité des trois carrefours giratoires permettant d'accéder au site sont suffisantes pour absorber les flux de circulation générés par le projet estimé à 650 véhicules à l'heure de pointe. En outre, s'il ressort du dossier de demande d'autorisation commerciale que le trafic généré par le projet va impacter de 5 à 20 % la capacité utilisée sur les différentes branches des carrefours giratoires d'accès au site, avec notamment un risque de saturation du giratoire route du sacré Coeur / rue Louise Michel / avenue de la Palestine, il ressort cependant des pièces du dossier que ce rond-point va être réaménagé avec la création d'une deuxième voie de circulation permettant de le contourner et d'améliorer la circulation, un projet de dérivation étant également en cours de programmation par les services de la direction régionale des routes. Le projet prévoit également la création d'une nouvelle voie à double sens entre la rue Mahatma Gandhi et la rue Moulin Joli dont le carrefour sera géré par une signalisation lumineuse tricolore conformément au plan de déplacement de la commune. Enfin, s'agissant de l'impact du flux généré par le projet sur la route nationale 1, la réalisation du projet, par sa localisation et sa destination, aura pour conséquence de limiter l'évasion commerciale et ainsi réduire les flux de circulation sur cet axe. Quant aux garanties dans la réalisation des aménagements publics routiers, il ressort des pièces du dossier que les aménagements viaires sont réalisés par l'aménageur de la zone d'aménagement concerté Moulin Joli, la société d'équipement du département de La Réunion désignée par une délibération du 12 novembre 1997 et dont le projet de réalisation a été approuvé par une délibération du 14 mars 2000, ses obligations en matière de voiries étant définies dans le cahier des charges de cession des terrains. Par ailleurs, une convention de participation aux coûts des équipements publics de la zone d'aménagement concerté a été signée le 30 mai 2018 entre la commune de La Possession, l'aménageur et le constructeur ALG Consulting. Compte tenu de ces éléments, la réalisation de ces aménagements apparaît suffisamment certaine. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le plan communal de déplacement, présenté au conseil municipal dès 2017, prévoit l'aménagement d'une " liaison cyclable structurante " reliant notamment la zone d'aménagement concerté Moulin Joli et le centre-ville de La Possession. Si les sociétés requérantes font valoir que les accès en mode doux sont à créer, elles n'apportent pas suffisamment d'éléments permettant de caractériser un effet négatif du projet sur les flux de circulation. Ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le projet compromettrait l'objectif d'aménagement du territoire.

En ce qui concerne le développement durable :

13. En premier lieu, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme que, lorsque le juge est saisi par un professionnel dont l'activité est susceptible d'être affectée par un projet d'aménagement commercial d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du même code, les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas recevables à se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme, relatives aux procédés et système devant être intégrés aux toitures des bâtiments, pour contester le permis de construire dont il s'agit en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. En deuxième lieu, le projet prévoit une toiture végétalisée d'une superficie de 1 048 m² ainsi que la mise en place d'une centrale solaire photovoltaïque en toiture et il ressort des échanges avec la Commission nationale d'aménagement commercial que des systèmes d'éclairage garantissent un haut niveau de performance énergétique, notamment par l'installation de LED et un protocole permettant la gradation de l'intensité lumineuse en fonction des besoins. Enfin, chaque occupant des cellules commerciales s'engagera, par la signature du bail, à respecter un haut niveau de performance énergétique, notamment en termes d'éclairage. Dans ces conditions, le projet ne peut être regardé comme méconnaissant les objectifs fixés par le législateur en matière de développement durable.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2018 par lequel le maire de La Possession a délivré à la société ALG Consulting un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un ensemble commercial situé rue Moulin Joli.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Possession, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les requérantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par les sociétés requérantes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative, dirigées contre l'Etat, qui n'est pas partie au litige, ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des sociétés Grand Marché, Vindemia Distribution, Le Poteau Vert et de l'entreprise individuelle Lallemand Bertrand, une somme de 3 000 euros à verser à la société ALG Consulting au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Il y a lieu également, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés requérantes une somme de 3 000 euros à verser à la commune de La Possession au titre des frais exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société Grand Marché, la société Vindemia Distribution, l'entreprise individuelle Lallemand Bertrand et la société Le Poteau Vert est rejetée.

Article 2 : La société Grand Marché, la société Vindemia Distribution, l'entreprise individuelle Lallemand Bertrand et la société Le Poteau Vert verseront à la commune de La Possession une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Grand Marché, la société Vindemia Distribution, l'entreprise individuelle Lallemand Bertrand et la société Le Poteau Vert verseront solidairement à la société ALG Consulting une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Grand Marché, à la société Vindemia Distribution, à l'entreprise individuelle Lallemand Bertrand, à la société Le Poteau Vert, à la commune de La Possession, à la société ALG Consulting et au ministre de l'économie, des finances et de la relance (Commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 18 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.

La présidente,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00774 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00774
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-01-01 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Champ d'application. Création et transformation.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-20;19bx00774 ?
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