La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2021 | FRANCE | N°20BX04032

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 13 avril 2021, 20BX04032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 mars 2020 par lequel la préfète de la Gironde a décidé de sa remise aux autorités autrichiennes.

Par un jugement n° 2001355 du 15 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler c

e jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 15 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 mars 2020 par lequel la préfète de la Gironde a décidé de sa remise aux autorités autrichiennes.

Par un jugement n° 2001355 du 15 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 15 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2020 par lequel la préfète de la Gironde a décidé de sa remise aux autorités autrichiennes ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; sa demande d'admission à l'asile a été définitivement rejetées par les autorités autrichiennes ; compte tenu de l'asile accordé à différents membres de sa famille en raison de leur appartenance à la communauté Kurde et du rejet définitif de sa demande, il existe manifestement une divergence d'interprétation entre l'Autriche et la France dans la mise en oeuvre des dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il appartenait à la France de s'assurer qu'il ne risquait pas d'être exposé à des traitements contraires à l'article 3 et le cas échéant, de faire application de l'article 17 du Règlement Dublin et en conséquence examiner sa demande d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; aucun membre de sa famille ne réside en Autriche où il n'est resté que deux jours alors que plusieurs membres de sa famille, tous titulaire de la qualité de réfugiés, résident en France ; en application du considérant 17 du préambule du Règlement Dublin et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la préfète devait mettre en oeuvre l'article 17 du Règlement Dublin.

La préfète de la Gironde a produit des pièces enregistrées le 12 janvier 2021 justifiant de la prolongation de 18 mois du délai de transfert l'intéressé ayant été déclaré en fuite.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... D...,

- et les observations de Me A..., représentante de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant turc né le 15 mars 1998, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 10 novembre 2019. Il s'est présenté le 19 novembre 2019 à la préfecture de la Gironde pour y déposer une demande d'asile. Il a résulté de la consultation de la base de données Eurodac que l'intéressé avait présenté une demande d'asile le 16 octobre 2019 en Autriche. Les autorités autrichiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge laquelle a été acceptée par un accord explicite du 17 janvier 2020. Par un arrêté du 4 mars 2020, la préfète de la Gironde a prononcé sa remise aux autorités autrichiennes. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation cet arrêté.

2. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement UE n° 604/2013 : " 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Dans le préambule de ce règlement, il est précisé au point 17 " Il importe que tout État membre puisse déroger aux critères de responsabilité, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion, afin de permettre le rapprochement de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent et examiner une demande de protection internationale introduite sur son territoire ou sur le territoire d'un autre État membre, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères obligatoires fixés dans le présent règlement ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

3. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 8 de cette convention : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui (...) ".

4. En premier lieu, M. C... soutient que la préfète de la Gironde a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire et en décidant son transfert alors qu'il fait l'objet en Autriche d'une mesure d'éloignement exécutoire en raison du rejet définitif de sa demande d'asile et risque d'être réacheminé vers la Turquie, où il serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que les autorités autrichiennes ont accepté la reprise en charge de M. C... sur le fondement du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, correspondant à la situation d'un étranger dont la demande d'asile a été rejetée, l'arrêté attaqué a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Autriche, Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. C... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Autriche dans la procédure d'asile ou que les juridictions autrichiennes n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. S'il soutient que la seule circonstance que sa demande d'asile ait été définitivement rejetée illustre la divergence manifeste d'appréciation existant entre la France et l'Autriche, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il se trouverait dans une situation similaire à celle des membres de sa famille dont les demandes d'asile ont été accueillie en France. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités Autrichiennes n'évalueraient pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de M. C..., les risques actuels auxquels il serait exposé en cas de retour en Turquie compte tenu de la situation de ce pays. Par suite, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En second lieu, le requérant, qui a déclaré être entré en France le 10 novembre 2019 à l'âge de 21 ans, est célibataire et sans enfant. S'il fait valoir qu'il est isolé en Autriche et qu'il est venu en France en compagnie de son frère, lequel fait également l'objet d'une décision de remise aux autorités autrichiennes, pour rejoindre un de ses oncles et deux cousins, lesquels bénéficient du statut de réfugiés, il ne justifie toutefois pas d'une vie privée et familiale stable en France à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, la décision de transfert du 18 mars 2020 n'a pu porter une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 4 et 5, la préfète de la Gironde n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ou dans la mise en oeuvre des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 en décidant de transférer l'intéressé auprès des autorités autrichiennes.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée

Article 2 :. Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. E... D..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.

La présidente,

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX04032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04032
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-13;20bx04032 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award