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07/04/2021 | FRANCE | N°20BX03230

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 07 avril 2021, 20BX03230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 août 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par une ordonnance n° 2002022 du 25 août 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 s

eptembre 2020, M. G..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 août 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par une ordonnance n° 2002022 du 25 août 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2020, M. G..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Poitiers du 25 août 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 août 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité de l'ordonnance :

- la magistrate désignée du tribunal a méconnu son obligation d'épuiser son pouvoir juridictionnel : en se référant au jugement du tribunal statuant sur l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet, la magistrate désignée du tribunal n'a pas porté d'appréciation sur l'interdiction de quitter le territoire français et n'a pas exercé le contrôle qu'elle devait exercer sur cette dernière ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle : la décision ne mentionne pas son état de santé ni l'obtention de son DELF et les stages qu'il a réalisés ; le préfet s'est contenté de reprendre l'avis émis par les services de l'aide sociale à l'enfance et de mentionner qu'il travaillait comme ouvrier agricole ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle indique qu'il n'a entrepris aucune démarche en vue de régulariser sa situation depuis l'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire et qu'il s'est soustrait à cette dernière ;

- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'est pas justifiée dès lors qu'il présente des garanties de représentation suffisantes.

Par une ordonnance du 22 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 22 janvier 2021 à 12 heures.

Des pièces complémentaires ont été enregistrées le 19 janvier 2021 et n'ont pas été communiquées.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... B..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... G..., ressortissant ivoirien né le 30 juillet 2001, déclare être entré irrégulièrement en France le 21 mars 2017. Il a été confié au conseil départemental de la Charente-Maritime par une ordonnance du 7 avril 2017 et pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance jusqu'au 30 juillet 2019. M. G... a demandé un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 janvier 2020, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. G... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Poitiers. Par un jugement n° 2000488 du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Le 18 août 2020, il a été interpellé par les services de police du commissariat central de La Rochelle lors d'une opération de contrôle d'identité et placé en garde à vue. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Charente-Maritime lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Contrairement à ce que soutient l'appelant, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers s'est prononcée sur la légalité au fond de l'interdiction de retour sur le territoire français en considérant que si l'intéressé faisait valoir qu'il souffrait d'une hépatite B, il n'établissait pas être exposé à des circonstances d'une exceptionnelle gravité ou qu'il ne pourrait avoir accès au traitement et que, s'il faisait valoir des efforts d'intégration en France, il n'établissait pas avoir tissé des liens personnels intenses, anciens et stables en France ni être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance par la première juge de son office doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

3. M. G... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance, tiré de ce que la décision en litige est insuffisamment motivée. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers.

4. Il ne ressort pas des éléments du dossier, et notamment de la décision en litige qui comprend les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé sur lesquels elle se fonde, que le préfet se soit abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé.

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) III. (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " (...) L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi. L'étranger en est informé par la notification écrite de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 513-1 du même code : " (...) L'obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire, qui n'a pas été contestée devant le tribunal administratif dans les délais prévus aux I et I bis du même article L. 512-1 ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation, peut être exécutée d'office à l'expiration du délai de départ volontaire. ".

7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration du délai de recours contentieux, et, s'il est saisi, avant que le tribunal administratif n'ait statué. Elles n'ont en revanche ni pour objet ni pour effet de suspendre le délai de départ volontaire qui court à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. Ainsi, l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire peut faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans, en application des dispositions du sixième alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'il s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que l'intéressé ne peut se prévaloir du recours qu'il a introduit devant le tribunal administratif de Poitiers à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 16 janvier 2020 et sur lequel il a été statué le 28 juillet 2020. Il ne peut davantage se prévaloir de ce que le délai d'appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal administratif de Poitiers le 28 juillet 2020 sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'était pas écoulé à la date de la décision en litige dès lors qu'un tel recours n'a pas d'effet suspensif. Il ressort des pièces du dossier que M. G... s'est vu notifier l'arrêté du 16 janvier 2020 portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours le 21 janvier 2020. Par conséquent, à la date du 18 août 2020 à laquelle le préfet de la Charente-Maritime lui a notifié l'arrêté du même jour lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans, le délai de départ volontaire de trente jours, qui lui avait été accordé, était expiré. Il est constant que l'intéressé n'avait pas quitté le territoire français à l'expiration de ce délai. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait accompli des démarches en vue de régulariser sa situation. Dès lors, M. G..., qui n'invoque aucune circonstance humanitaire, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Charente-Maritime a méconnu les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'appelant n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur de fait en considérant qu'il n'a pas obtempéré à l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 16 janvier 2020 et qu'il n'a pas régularisé sa situation.

9. M. G... a déclaré être en France depuis le 21 mars 2017, à l'âge de 16 ans. Comme l'a relevé la magistrate désignée du tribunal, M. G... n'établit toutefois pas avoir tissé des liens personnels intenses, anciens et stables en France ni être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a passé la majeure partie de sa vie. Dès lors, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant.

11. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme non assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

12. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

13. La décision en litige vise les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité et indique que l'intéressé n'a pas obtempéré à l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours dont il a fait l'objet le 16 janvier 2020. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, M. G... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige est insuffisamment motivée.

14. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- Dans les cas prévus aux 1° à 7° du I de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1 peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire (...) ".

15. La décision en litige assigne M. G... à résidence à son domicile. Par suite le moyen tiré de ce que l'intéressé présenterait des garanties de représentation suffisantes doit être écarté comme inopérant.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2020. Sa requête doit, par voie de conséquence, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. D... B..., président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme F... C..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2021.

Le président-rapporteur,

Didier B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03230 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03230
Date de la décision : 07/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : LELONG

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-07;20bx03230 ?
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