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07/04/2021 | FRANCE | N°18BX03233

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 07 avril 2021, 18BX03233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de déclarer illégale la décision du 20 février 2017 portant résiliation du marché public pour la réalisation d'un inventaire de la production architecturale et urbaine du vingtième siècle de l'archipel de la Guadeloupe et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 58 462,63 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette résiliation.

Par un jugement n° 1700468, 1800035 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de la Gu

adeloupe a rejeté la demande de Mme F....

Procédure devant la cour :

Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de déclarer illégale la décision du 20 février 2017 portant résiliation du marché public pour la réalisation d'un inventaire de la production architecturale et urbaine du vingtième siècle de l'archipel de la Guadeloupe et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 58 462,63 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette résiliation.

Par un jugement n° 1700468, 1800035 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de Mme F....

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire en production de pièces et un mémoire complémentaire, enregistrés le 16 août 2018, le 10 septembre 2018 et le 23 juillet 2019, Mme F..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 juin 2018 ;

2°) de déclarer illégale la décision du 20 février 2017 portant résiliation du marché public pour la réalisation d'un inventaire de la production architecturale et urbaine du vingtième siècle de l'archipel de la Guadeloupe ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser, en réparation de la résiliation illégale du marché public en cause, les sommes de 16 780,63 euros en remboursement des frais engagés, de 31 682 euros au titre du bénéfice net escompté et de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que, comme l'a retenu le tribunal, le courriel du 20 février 2017 ne constitue pas une simple proposition de résiliation mais une décision de résiliation simple dont les termes sont dépourvus d'ambiguïté, laquelle était accompagnée du décompte général et définitif ;

- sa requête est recevable dès lors qu'elle a un intérêt à contester la décision portant résiliation unilatérale d'un marché dont était titulaire le groupement dont elle était membre ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités dès lors que le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la résiliation litigieuse ; il est également entaché d'une motivation insuffisante ;

- la décision de résiliation est entachée du vice d'incompétence de son auteur ;

- la décision de résiliation litigieuse est entachée d'une motivation insuffisante en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, s'agissant d'une décision défavorable ; elle est insuffisamment motivée en fait, faute de mentionner le type de résiliation et ses motifs ; elle ne vise aucun texte de nature à lui conférer un fondement juridique et ne fait pas état de la date effective de la résiliation ;

- la décision de résiliation querellée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de mise en demeure préalable, en méconnaissance de l'article 32.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, alors qu'il s'agit d'une résiliation pour faute ; la prétendue mise en demeure datée du 25 avril 2016 indique que la sanction encourue était une résiliation pour faute aux frais et risques du titulaire alors que la décision de résiliation prononcée le 20 février 2017, soit plus d'un an après, est une mesure de résiliation simple ;

- la décision de résiliation pour faute n'est pas fondée, dès lors que la proposition de remplacement consistait précisément à ce qu'elle reprenne l'intégralité du marché, pour pallier le désengagement de M. C..., et non pas une manoeuvre visant à s'octroyer des missions non exécutées ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant que le transfert de l'exécution du contrat sur un seul membre du groupement attributaire du marché n'était pas juridiquement possible ; en effet, l'intangibilité de la composition du groupement est propre à la phase de passation du marché et non à la phase d'exécution, comme le prévoit l'article 51 V du code des marchés publics ; l'argument avancé par l'administration et repris par le tribunal, selon lequel, hors hypothèses de mise en liquidation judiciaire de M. C... ou de l'impossibilité d'accomplir ses missions pour des raisons qui ne sont pas de son fait, elle ne pouvait pas poursuivre seule l'exécution du marché, est entaché d'erreur de droit, dès lors que l'article 51 du code des marchés publics s'applique exclusivement à la phase de passation du marché ;

- elle n'a commis aucune faute en proposant à l'administration de se substituer à son cotraitant défaillant en application de l'article 3.4.3. du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, qui prévoit expressément que lorsque un cotraitant n'est plus en mesure d'accomplir la tâche à lui confiée, le titulaire du marché doit prendre toutes dispositions nécessaires afin d'assurer la poursuite de l'exécution des prestations, notamment en proposant au pouvoir adjudicateur un remplaçant disposant de compétences au moins équivalentes ; en application des mêmes stipulations, le remplaçant proposé est regardé comme accepté en l'absence de récusation par le pouvoir adjudicateur dans le délai d'un mois ; si elle a suggéré à plusieurs reprises à l'administration de remplacer elle-même M. C..., l'administration a répondu tardivement, de sorte qu'elle doit être regardée comme n'ayant pas été récusée dans le délai d'un mois précité, la direction des affaires culturelles de la Guadeloupe a commis une faute à son égard en résiliant le marché au tort du groupement ; l'administration lui a proposé une solution illégale consistant, par voie d'avenant, à modifier la répartition des missions au sein du groupement tout en conservant le cotraitant démissionnaire ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'inexactitude matérielle des faits de l'espèce, en estimant qu'elle demandait à reprendre l'intégralité du contrat en conservant une structure identique, alors qu'elle a proposé à l'administration la résiliation partielle à l'encontre de M. C..., en application du code des marchés publics ;

- le tribunal a entaché son jugement d'erreur d'appréciation, en estimant que la faute de M. C... était imputable au groupement dans son ensemble, alors que l'administration reconnaît qu'elle n'a commis aucune faute, et ne peut, s'agissant d'un groupement conjoint et non solidaire, être tenue pour responsable de la défaillance d'un membre du groupement ;

- l'illégalité fautive de la décision de résiliation du marché litigieux engage la responsabilité de l'Etat à son égard ; le titulaire ayant droit à la réparation intégrale du préjudice résultant d'une résiliation abusive et anticipée, elle est fondée à l'indemnisation du préjudice résultant des frais engagés pour l'exécution, qu'elle chiffre à 16 780,63 euros, du préjudice lié au manque à gagner qu'elle évalue à 31 682 euros, ainsi qu'à la réparation de son préjudice moral généré par l'échec de la mission confiée, qu'elle évalue à 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2019, le ministre de la culture conclut au rejet de la requête de Mme F....

Il fait valoir que :

- le jugement attaqué n'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts pour avoir retenu que Mme F... a demandé de reprendre l'intégralité du contrat tout en conservant la même structure du groupement ;

- il n'a pas commis d'erreur de droit dès lors que, si le courriel annonçant la résiliation du 20 février 2017 présente une motivation succincte et a été adressée par un agent de la direction des affaires culturelles qui ne disposait pas d'une délégation de signature, la résiliation a été régularisée le 7 mars 2018 de sorte que les vices formels dont la résiliation était entachée doivent être regardés comme ayant été purgés ;

- la mise en demeure préalable a été adressée le 25 avril 2016 au mandataire du groupement de se conformer à ses obligations contractuelles, conformément aux dispositions combinées des articles 2, 3, 32.1 et 32.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, laquelle mentionnait le motif de la résiliation envisagée ; il appartenait à M. C..., en sa qualité de mandataire du groupement, d'en informer Mme F... ; le comportement des membres du groupement titulaire du marché en cause a généré une situation de blocage faisant obstacle à la poursuite de son exécution ;

- c'est à bon droit que la résiliation a été prononcée ; en application du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, son article 3.5 prévoit qu'en cas de cotraitance, seuls les articles 51, 102 et 106 du code des marchés publics sont applicables ; l'article 3.5 prévoit qu'en cas de défaillance du mandataire du groupement les membres sont tenus de désigner au pouvoir adjudicateur un remplaçant dans l'exercice de la mission de mandataire ; contrairement à l'interprétation qui en est faite par la requérante, ce texte n'implique pas que la réalisation des prestations confiées au mandataire défaillant doit être reprise par les autres cotraitants ;

- l'administration ne souhaitant pas donner une suite favorable à la demande de M. C... de conditionner la reprise de l'étude au changement d'interlocuteur de ses services, elle a pris acte de sa volonté de ne pas poursuivre l'exécution du marché au-delà de la phase préliminaire réalisée ; dans la mesure où la solution de résiliation partielle du marché avec M. C... et le lancement d'un marché de substitution pour les prestations correspondant à la résiliation n'était pas envisageable du fait des caractéristiques techniques du marché impliquant une trop forte implication des rendus des prestataires, la possibilité de définir une nouvelle répartition des prestations afin que Mme F... exécute les prestations non encore exécutées impliquait nécessairement la rédaction d'un avenant, ce que cette dernière a refusé ;

- la résiliation du marché est fondée et ne peut ouvrir droit à réparation.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... B...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La direction des affaires culturelles de la région Guadeloupe a lancé un marché par procédure adaptée pour la réalisation d'un inventaire de la production architecturale et urbaine du vingtième siècle de l'archipel de la Guadeloupe. Par marché notifié le 25 novembre 2015, la direction des affaires culturelles a confié au groupement conjoint constitué de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée M. A... C... et de Mme I... F..., dont le mandataire était M. C..., ce marché, composé de deux tranches et de cinq phases. Seule la phase préliminaire de la tranche ferme a fait l'objet d'un ordre de service le 28 janvier 2015. A la suite du désengagement de M. C..., mandataire du groupement, la direction des affaires culturelles de la Guadeloupe a adressé par courriel à M. C... et à Mme F..., le 20 février 2017, une décision de résiliation dont cette dernière a contesté la légalité. Par un courrier du 20 avril 2017 reçu le 24 avril suivant, Mme F... a adressé à la direction des affaires culturelles de la Guadeloupe une réclamation indemnitaire en réparation des préjudices subis du fait de cette résiliation, en sollicitant le versement d'une indemnité totale de 70 968,38 euros. Le même jour, Mme F... a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande tendant à déclarer illégale la décision du 20 février 2017 portant résiliation du marché pour la réalisation d'un inventaire de la production architecturale et urbaine du vingtième siècle de l'archipel de la Guadeloupe et à condamner l'Etat à lui verser, en réparation de la résiliation illégale du marché, les sommes de 16 780,63 euros en remboursement des frais engagés, de 31 682 euros au titre du bénéfice net escompté et de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi. Mme F... relève appel du jugement n° 1700468, 1800035 du 21 juin 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme F... soutient que le jugement attaqué a omis d'examiner le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la résiliation litigieuse, il ressort toutefois des termes mêmes de ce jugement que, pour écarter les moyens tirés des irrégularités formelles entachant celle-ci et notamment l'incompétence de l'auteur du mail du 20 février 2017 valant résiliation du marché en cause aux torts du groupement, le tribunal a relevé qu'à les supposer fondées ces irrégularités n'ont pour seul effet que de faire obstacle à ce que les conséquences onéreuses de cette mesure soient mises à la charge de l'entreprise sanctionnée, eu égard au caractère justifié au fond de la mesure de résiliation contestée. Dès lors, le jugement attaqué n'a pas omis d'examiner ce moyen.

3. Si Mme F... soutient que le jugement n'est pas suffisamment motivé, ce moyen ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes des stipulations de l'article 32.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, dans sa version issue de l'arrêté du 16 septembre 2009 : " Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) h) le titulaire déclare, indépendamment des cas prévus à l'article 30.1, ne pas pouvoir exécuter ses engagements ". En vertu de son article 32.2 : " Sauf dans les cas prévus aux j, m et n du 32.1 ci-dessus [décès ou incapacité civile du titulaire], une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. / Dans le cadre de la mise en demeure, le pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations. ".

5. La direction des affaires culturelles de la Guadeloupe a résilié le marché conclu avec le groupement d'entreprises constitué par M. C... et par Mme F..., dont M. C... était le mandataire, sur le fondement des stipulations précitées du fait de la situation de blocage générée par le renoncement de M. C... à poursuivre l'exécution des missions à lui dévolues et les refus réitérés de Mme F... d'accepter les propositions de l'administration faites dans l'optique de la poursuite du marché en cause, soit par voie de résiliation partielle soit par voie d'avenant. Il résulte de l'instruction que cette résiliation a été précédée d'une mise en demeure, adressée le 25 avril 2016 à M. C..., en sa qualité de mandataire du groupement, par laquelle les membres du groupement titulaire du marché en cause ont été invités à présenter leurs observations sur la mesure de résiliation envisagée. Mme F... a ainsi été mise en mesure de présenter ses observations, notamment dans un courrier du 8 juillet 2016 par lequel elle a refusé les propositions de marché de substitution ou d'avenant faites par l'administration afin de poursuivre l'exécution du marché, en réitérant sa proposition du 19 mai 2016 tendant à ce qu'elle remplace M. C... dans la poursuite des prestations initialement dévolues à ce dernier. La circonstance invoquée par la requérante que la résiliation prononcée par mail du 20 février 2017 fasse référence à une résiliation simple est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance des stipulations de l'article 32.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, la résiliation litigieuse serait intervenue sans mise en demeure préalable doit être écarté.

6. Si Mme F... soutient que la résiliation est intervenue au terme d'une procédure présentée comme irrégulière en l'absence alléguée de mise en demeure, qu'elle est entachée d'une motivation insuffisante en fait et en droit et qu'elle est par ailleurs entachée du vice d'incompétence, de telles irrégularités, à les supposer établies, feraient seulement obstacle à ce qu'elle supporte les conséquences onéreuses de la résiliation par le maître de l'ouvrage. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du décompte de résiliation, que la direction des affaires culturelles de la Guadeloupe n'a pas fait supporter à Mme F... de surcoûts liés à la mesure de résiliation prise à l'encontre du groupement dont elle était membre. Par suite, et alors que la requérante ne se prévaut, en outre, d'aucun préjudice particulier lié aux irrégularités formelles qu'elle invoque, ces irrégularités ne sont pas susceptibles de lui ouvrir droit à réparation.

7. Aux termes de l'article 51 du code des marchés publics, dans sa version alors applicable : " (...) V. - La composition du groupement ne peut être modifiée entre la date de remise des candidatures et la date de signature du marché. Toutefois, si le groupement apporte la preuve qu'un de ses membres est mis en liquidation judiciaire ou qu'il se trouve dans l'impossibilité d'accomplir sa tâche pour des raisons qui ne sont pas de son fait, il peut demander au pouvoir adjudicateur l'autorisation de continuer à participer à la procédure de passation sans cet opérateur défaillant, en proposant le cas échéant à l'acceptation du pouvoir adjudicateur un ou plusieurs sous-traitants. ". Aux termes des stipulations de l'article 3.4.3. du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles : " Conduite des prestations par une personne nommément désignée : Lorsqu'il est prévu dans le marché que tout ou partie des prestations doit être exécutée par une personne nommément désignée et que cette personne n'est plus en mesure d'accomplir cette tâche, le titulaire doit : - en aviser, sans délai, le pouvoir adjudicateur et prendre toutes dispositions nécessaires, afin d'assurer la poursuite de l'exécution des prestations ; - proposer au pouvoir adjudicateur un remplaçant disposant de compétences au moins équivalentes et dont il lui communique le nom, les titres dans un délai d'un mois à compter de la date d'envoi de l'avis mentionné à l'alinéa précédent./ Le remplaçant proposé par le titulaire est considéré comme accepté par le pouvoir adjudicateur, si celui-ci ne le récuse pas dans le délai d'un mois courant à compter de la réception de la communication mentionnée à l'alinéa précédent. Si le pouvoir adjudicateur récuse le remplaçant, le titulaire dispose d'un mois pour proposer un autre remplaçant. ".

8. Il résulte de l'instruction qu'en informant la direction des affaires culturelles de la Guadeloupe, le 25 mars 2016, qu'il ne pouvait accepter de continuer à oeuvrer au sein du groupement si Mme J..., représentante du ministre de la culture, restait son interlocutrice en charge du suivi de l'exécution du marché en cause, M. C..., mandataire du groupement titulaire, a implicitement mais nécessairement décidé, de sa propre initiative, de se retirer de ce groupement, ce qu'il a confirmé notamment le 17 avril 2016. Le 25 avril suivant, la direction des affaires culturelles de la Guadeloupe a informé M. C... que s'il persistait dans sa position, le marché serait résilié pour faute en application des stipulations de l'article 32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles. M. C... a, par courrier du 3 mai 2016, réaffirmé sa volonté de se désengager. Par un courrier du 19 mai 2016, Mme F... a pris acte de la défaillance de M. C... en proposant à l'administration de reprendre l'exécution des missions initialement dévolues à ce dernier en se fondant sur les stipulations du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en cause. Par un courrier du 19 juillet 2016, la direction des affaires culturelles a refusé la proposition faite par Mme F... au motif que la défaillance de M. C... n'était pas au nombre des hypothèses où la faculté de substitution d'un opérateur défaillant est ouverte par l'article 51 du code des marchés publics. La direction des affaires culturelles a également pris acte de la décision de M. C... en proposant la résiliation partielle du marché assortie du lancement d'un marché de substitution pour la partie résiliée et la poursuite du marché ou la signature d'un avenant qui arrêtait la nouvelle répartition des prestations et honoraires, avenant que M. C... a accepté, pour son propre compte et pour les prestations déjà réalisées, de signer le 4 octobre 2016. Mme F... a en revanche refusé à plusieurs reprises la signature d'un tel avenant. La situation de blocage qui a résulté tant du renoncement initial de M. C..., mandataire du groupement, que des refus opposés par Mme F... aux propositions de l'administration permettant la poursuite de l'exécution du marché, est constitutive, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, d'un motif suffisamment grave pour que la résiliation du marché pour faute soit fondée.

9. Mme F... soutient que les dispositions de l'article 51 du code des marchés publics, qui concernent la procédure de passation des marchés publics, sont inopposables en l'espèce, de sorte que la modification de la composition du groupement pouvait régulièrement être justifiée par la défaillance de l'un de ses titulaires et que l'administration, ayant répondu tardivement à sa proposition, ne l'a pas récusée dans le délai précité d'un mois de l'article 3.4.3, de sorte qu'elle devait être regardée comme autorisée à poursuivre l'exécution du marché. Ce retard serait, par lui-même, constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard.

10. Il ressort des termes mêmes de la demande qu'elle a formulée le 19 mai 2016 que la requérante a fait connaître au pouvoir adjudicateur sa décision d'assumer elle-même les missions jusqu'alors confiées à M. C..., dont il ne ressort pas de l'instruction qu'il aurait proposé Mme F... conformément aux stipulations rappelées au point 7. Alors même que la direction des affaires culturelles n'était pas tenue de rejeter cette demande, il résulte toutefois de l'instruction que, s'agissant d'un groupement où " les cotraitants sont conjoints lorsque chacun d'eux n'est engagé que pour la partie du marché qu'il exécute ", au sens de l'article 3.1 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché litigieux, la direction des affaires culturelles n'était pas davantage tenue d'y donner une suite favorable, dans un délai imposé, si elle estimait, comme elle le soutient, que les caractéristiques et spécificités du marché en cause ne se prêtaient pas, eu égard à son objet qui consiste en la réalisation d'un inventaire de la production architecturale et urbaine du vingtième siècle de l'archipel de la Guadeloupe, à une modification de la composition du groupement compte tenu de l'imbrication trop importante des prestations à exécuter par ses membres, alors que la proposition de Mme F... emportait, en réalité, transfert de l'intégralité des prestations restant à réaliser à sa charge.

11. Le cocontractant ne peut solliciter, au titre de ses relations contractuelles avec l'administration, l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de la résiliation du marché qui lui avait été attribué que si la décision de résiliation était injustifiée. Or, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la résiliation pour faute du groupement titulaire prononcée par la direction des affaires culturelles de la Guadeloupe était justifiée au regard de la faute commise par ce groupement. Dès lors les conclusions de Mme F... tendant à l'indemnisation de préjudices, autres que ceux tenant aux travaux réalisés, qu'elle estime avoir subis du fait de la résiliation du marché en cause doivent être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme F... demande le versement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... F... et au ministre de la culture. Une copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. E... B..., président,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme G... D..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2021.

Le président-rapporteur,

Didier B...

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX03233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03233
Date de la décision : 07/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : MOLLION

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-07;18bx03233 ?
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