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01/04/2021 | FRANCE | N°19BX00680,19BX00818

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 01 avril 2021, 19BX00680,19BX00818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2015 par lequel le maire d'Albias a accordé à la société Vitivista un permis de construire un bâtiment industriel à vocation d'entrepôt agricole avec magasin et bureaux ainsi que des silos, sur un terrain situé chemin de Montels.

Par un jugement n° 1604835 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par u

ne requête enregistrée le 25 février 2019 sous le n° 19BX00680, et des mémoires enregistrés les 5 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2015 par lequel le maire d'Albias a accordé à la société Vitivista un permis de construire un bâtiment industriel à vocation d'entrepôt agricole avec magasin et bureaux ainsi que des silos, sur un terrain situé chemin de Montels.

Par un jugement n° 1604835 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 25 février 2019 sous le n° 19BX00680, et des mémoires enregistrés les 5 juillet 2019, 10 mars et 21 septembre 2020, la société Vitivista, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme et M. F... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme F... une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables en l'espèce, le tribunal administratif de Toulouse ayant annulé le permis de construire qui lui avait été délivré ;

- dès lors que l'affichage permettait d'apprécier l'importance et la consistance du projet, la demande présentée par M. et Mme F... était tardive et par suite irrecevable ;

- le projet n'était pas qualifiable d'installation classée pour l'environnement à la date de délivrance du permis de construire ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté du 16 décembre 2015 ne méconnaissait pas l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté du 16 décembre 2015 ne méconnaissait pas l'article 1AU2 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias ;

- les moyens soulevés par la voie de l'appel incident par M. et Mme F... ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 25 avril et 25 juillet 2019 et 16 septembre 2020, M. et Mme F..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de la société Vitivista et de la commune d'Albias d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent :

- la requête est irrecevable en l'absence de notification du mémoire introductif d'appel dans les quinze jours du dépôt du recours en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- le délai n'a pas commencé à courir en raison d'un affichage irrégulier sur le terrain ; la demande de première instance était donc recevable ;

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que l'arrêté contesté méconnaissait l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme et l'article 1AU2 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article R. 523-9 du code du patrimoine ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article 1AU6 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias ;

- il méconnait les dispositions de l'article 1AU10 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias ;

- il méconnait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- il méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

II. Par une requête enregistrée le 27 février 2019 sous le n° 19BX00818, et des mémoires enregistrés les 29 juillet 2019 et 5 mars 2020, la commune d'Albias, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme F... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme F... une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. et Mme F... n'ont pas de vue directe sur les silos et le convoyeur ; c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que ces derniers avaient intérêt à agir ;

- les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables en l'espèce, le tribunal administratif de Toulouse ayant annulé le permis de construire délivré ;

- même si le panneau d'affichage était incomplet, M. et Mme F... disposaient d'indications suffisantes pour leur permettre d'apprécier l'importance et la consistance du projet ;

- le projet n'était pas qualifiable d'installation classée pour l'environnement à la date de délivrance du permis de construire ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté du 16 décembre 2015 ne méconnaissait pas l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'arrêté du 16 décembre 2015 ne méconnaissait pas l'article 1AU2 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias ;

- la société Vitivista a déposé en préfecture, les 8 janvier 2018 et 12 mars 2018, deux déclarations initiales d'une installation relevant du régime de la déclaration relative aux rubriques n° 4510 et n° 4511 ainsi que n° 2160 de la nomenclature des installations classées pour l'environnement et a ainsi régularisé le permis de construire qui ne pouvait être annulé par les premiers juges ;

- les moyens soulevés par la voie de l'appel incident par M. et Mme F... ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 27 juin, 25 et 31 juillet 2019 et 28 février et 16 septembre 2020, M. et Mme F..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de la société Vitivista et de la commune d'Albias d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est irrecevable en l'absence de notification du mémoire introductif d'appel dans les quinze jours du dépôt du recours en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- contrairement à ce que soutient la commune, ils justifient en tant que voisins immédiats du projet, d'un intérêt à agir ;

- le délai n'a pas commencé à courir en raison d'un affichage irrégulier sur le terrain ; la demande de première instance était donc recevable ;

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que l'arrêté contesté méconnaissait l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme et l'article 1AU2 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias ; le mécanisme de régularisation de l'article L. 171-7 du code de l'environnement concerne le régime des installations classées et non la législation relative aux permis de construire ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article R. 523-9 du code du patrimoine ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article 1AU6 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias ;

- il méconnait les dispositions de l'article 1AU10 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias ;

- il méconnait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- il méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires enregistrés les 10 juillet 2019, 10 mars et 21 septembre 2020, la société Vitivista, représentée par Me B..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 décembre 2018, au rejet de la demande de Mme et M. F... et à la mise à la charge de Mme et M. F... d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les moyens soulevés dans la requête n° 19BX00680.

Par un courrier du 26 février 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible soit de constater que les vices entachant le permis de construire litigieux du 16 décembre 2015, tirés de la méconnaissance de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme et de l'article 1UA2 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias, ont été régularisés par le dépôt par la société Vitivista, les 8 janvier et 12 mars 2018, des déclarations initiales d'installation classée au titre des rubriques n° 4510 et n° 4511, soit d'inviter le pétitionnaire, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, à régulariser ces vices.

M. et Mme F... et la commune d'Albias ont présenté des observations respectivement les 2 et 3 mars 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... ;

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., représentant la société Vitivista.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 octobre 2015, la société Vitivista a déposé une demande de permis de construire un bâtiment industriel à vocation d'entrepôt agricole avec magasin et bureaux ainsi que des silos sur la parcelle cadastrée section AY n° 127 située chemin de Montels à Albias. Par un arrêté du 16 décembre 2015, le maire d'Albias a délivré le permis de construire sollicité. M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cet arrêté. La société Vitivista, par la requête n° 19BX00680 et la commune d'Albias, par la requête n° 19BX00818, relèvent appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 16 décembre 2015.

2. Les requêtes de la société Vitivista et de la commune d'Albias sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de cet article : " Mention du permis explicite ou (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...) ". Aux termes de l'article A. 424-16 du même code : " Le panneau prévu à l'article A. 424-1 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que le projet consiste en la construction d'un bâtiment industriel à vocation d'entrepôt agricole avec magasin et bureaux ainsi qu'en l'implantation de dix silos, dont six d'une hauteur de 9,75 mètres et quatre d'une hauteur de 14,30 mètres, avec un convoyeur de 25 mètres de hauteur. Il ressort des procès-verbaux établis les 18 décembre 2015, 18 janvier 2016 et 18 février 2016 que le panneau d'affichage du permis de construire, maintenu sur le terrain pendant une période continue de deux mois, précisait que la nature des travaux se limitait à la réalisation de " Bâtiment industriel, Bureaux, Magasin " et que la hauteur des constructions était de 9 mètres. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que l'affichage ne permettait pas d'apprécier l'importance ni la consistance du projet. L'affichage commercial comportant une reproduction du projet, dont la présence continue sur le terrain n'est au demeurant pas établie, ne suffit pas à pallier les erreurs figurant sur le panneau d'affichage règlementaire. Par suite, en l'absence d'affichage complet et régulier, le délai de recours contre le permis n'a pas commencé à courir et, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la demande de première instance n'était pas irrecevable.

5. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

6. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme F... sont propriétaires des parcelles cadastrées section AV n° 6 à 13, 32 et 33 au lieu-dit La Clare et qu'ils ont une maison d'habitation implantée sur la parcelle cadastrée section AV n° 11. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, M. et Mme F... justifient, par la production de photographies, que, depuis leur maison, qui, contrairement à ce que soutient la commune, n'est pas entourée de haies, ils ont une vue directe sur les silos et le convoyeur. Par ailleurs, il résulte des attestations de voisins versées au dossier par M. et Mme F... que le projet produit de la poussière et crée des nuisances sonores. Par suite, eu égard à la nature, à l'importance et à la localisation du projet de la société Vitivista, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que M. et Mme F... justifiaient d'un intérêt à demander l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2015 par lequel le maire d'Albias a accordé un permis de construire à la société Vitivista.

En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par les premiers juges :

8. D'une part, aux termes de l'article 1 AU 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Albias : " (...) 2. Les occupations et utilisations du sol suivantes ne sont admises que si elles respectent les conditions ci-après : (...) Dans les secteurs 1Aux : (...) Les installations classées si elles sont conformes à la règlementation (...) ".

9. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, qu'à la date d'édiction de l'arrêté contesté, les installations classées projetées n'étaient pas " conformes à la règlementation ". Par suite, la société Vitivista et la commune d'Albias sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1 AU 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune pour annuler l'arrêté du 16 décembre 2015.

10. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Lorsque les travaux projetés portent sur une installation classée soumise à autorisation, enregistrement ou déclaration en application des articles L. 512-1, L. 512-7 et L. 512-8 du code de l'environnement, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'autorisation de la demande d'enregistrement ou de la déclaration ". Aux termes de l'article L. 511-2 du code de l'environnement : " Les installations visées à l'article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat, pris sur le rapport du ministre chargé des installations classées, après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Ce décret soumet les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le projet consiste en la réalisation d'un entrepôt phytosanitaire d'une surface de 497 m² et d'une hauteur de 9 mètres ainsi que d'une zone de silos à grains composée de dix silos, dont quatre d'une hauteur de 14,30 mètres et six d'une hauteur de 9,75 mètres avec une surface de 104,6 m² chacun. Or, la nomenclature des installations classées, dans ses rubriques n° 4510 " Dangereux pour l'environnement aquatique de catégorie aigüe 1 ou chronique 1 ", n° 4511 " Dangereux pour l'environnement aquatique de catégorie chronique 2 " et n° 2160 " Silos et installations de stockage en vrac de céréales, grains, produits alimentaires ou tout produit organique dégageant des poussières inflammables, y compris les stockages sous tente ou structure gonflable ", soumet ces types de dépôt à déclaration lorsque la capacité est supérieure ou égale à 20 tonnes pour la première rubrique et 100 tonnes pour la deuxième et lorsque le volume total de stockage est supérieur à 5 000 m³ pour la troisième. En l'espèce, il ressort des indications figurant dans le dossier de demande de permis de construire que la capacité et le volume de stockage des silos autorisés par le permis délivré le 16 décembre 2015 étaient supérieurs aux seuils ainsi fixés. Par suite, ce seul constat devait conduire la pétitionnaire, en application de l'article R. 43120 du code de l'urbanisme cité ci-dessus, à joindre à sa demande de permis de construire la justification du dépôt d'une déclaration auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, et ce alors même que le volume réel de stockage prévu à la date du dépôt de sa demande était inférieur aux seuils fixés par les rubriques indiquées ci-dessus et qu'elle envisageait de déployer progressivement son activité. Or, il est constant qu'aucune justification du dépôt d'une déclaration n'a été jointe par la pétitionnaire au dossier de demande de permis de construire. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que l'arrêté contesté méconnaissait les dispositions de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme.

12. Cependant, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que, lorsque le juge estime que le permis de construire qui lui est déféré est entaché d'un vice entraînant son illégalité mais susceptible d'être régularisé, il doit, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le principe de l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, constater, par une décision avant-dire droit, que les autres moyens ne sont pas fondés et surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour permettre, selon les modalités qu'il détermine, la régularisation du vice qu'il a relevé. Le juge doit mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour la première fois en appel, alors même que l'autorisation d'urbanisme en cause a été annulée par les premiers juges. Dans le cas où l'administration lui transmet spontanément des éléments visant à la régularisation d'un vice de nature à entraîner l'annulation du permis attaqué, le juge peut se fonder sur ces éléments sans être tenu de surseoir à statuer, dès lors qu'il a préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la question de savoir si ces éléments permettent une régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

13. Le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme est susceptible d'être régularisé. Par suite, il appartient à la cour d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants de première instance à l'encontre du permis de construire du 16 décembre 2015.

Sur les autres moyens invoqués devant le tribunal :

14. Aux termes de l'article R. 523-9 du code du patrimoine : " Dans les cas mentionnés aux 1° à 5° de l'article R. 523-4, le préfet de région est saisi : / 1° Pour les permis de construire, les permis d'aménager et les permis de démolir, par le préfet de département ; celui-ci adresse au préfet de région, dès qu'il a reçu les éléments transmis par le maire en application des articles R. 423-7 à R. 423-9 du code de l'urbanisme, les pièces complémentaires prévues par les arrêtés mentionnés au dernier alinéa de l'article R. 423-2 du même code faisant notamment apparaître l'emplacement prévu des travaux sur le terrain d'assiette, leur superficie, leur impact sur le sous-sol (...) ".

15. Si M. et Mme F... font valoir que l'administration ne rapporte pas la preuve de la saisine du préfet de région, ils n'expliquent pas en quoi l'absence d'une telle saisine aurait été de nature, dans les circonstances de l'espèce, à avoir eu une influence sur le sens de l'arrêté contesté, alors au demeurant que cet arrêté vise l'avis réputé favorable du 21 novembre 2015 du service archéologie de la direction régionale des affaires culturelles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 523-9 du code du patrimoine doit être écarté.

16. Aux termes de l'article 1AU6 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias relatif à l'" implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques " : " Pour le secteur de la Clare : (...) - Pour la voie principale de desserte du secteur: la façade principale des constructions sera implantée parallèlement à la voie et avec un recul minimal de 10 et maximal de 15 m par rapport à l'emprise de cette voie (...) / Des implantations différentes pourront être autorisées : (...) - Pour les constructions édifiées en arrière d'une construction existante ou objet de la même autorisation administrative (...) ".

17. Il ressort des pièces du dossier qu'un transformateur électrique est implanté à moins de dix mètres de l'emprise de la route de Montels. Toutefois, ce transformateur, construction distincte de la construction principale respectant les règles d'implantation par rapport à cette voie, fait l'objet du même arrêté de permis de construire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1AU6 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias doit être écarté.

18. Aux termes de l'article 1AU10 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias : " Dans le secteur 1AUx : " La hauteur maximale des constructions ne doit pas dépasser 9 mètres à l'égout du toit. / Des dépassements de hauteur peuvent être admis pour les éléments fonctionnels nécessités par l'activité ".

19. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que les silos prévus par le projet présentent une hauteur de 9,75 mètres pour six d'entre eux et de 14,30 mètres pour les quatre derniers et que le convoyeur s'élève à une hauteur de 25 mètres. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les silos, lieux de stockage et de conservation des céréales, et le convoyeur, destiné à les acheminer, présentent un lien fonctionnel avec les bureaux qui gèrent l'approvisionnement des silos et le magasin qui permet la vente de leur contenu, alors même que les silos et le convoyeur auraient été utilisés depuis l'été 2016, avant l'ouverture du magasin et des bureaux en janvier 2017. Dans ces conditions, les silos et le convoyeur peuvent être regardés comme les éléments fonctionnels de l'activité des bureaux et magasin situés sur le même site. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1AU10 du règlement du plan local d'urbanisme d'Albias doit être écarté.

20. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

21. Il ressort des pièces du dossier que les lieux avoisinants, constitués de terrains agricoles et de quelques habitations, ne présentent pas d'intérêt particulier. Par ailleurs, les constructions projetées seront implantées, au sein de la zone 1AU, dans un secteur identifié par le plan local d'urbanisme comme un secteur à vocation d'activités 1Aux. Dans ces conditions, alors même que les silos et le convoyeur présentent une hauteur importante, le maire d'Albias n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme en délivrant le permis contesté.

22. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

23. Il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a prévu diverses mesures visant à prévenir le risque incendie et notamment le respect des distances de sécurité, les deux premiers silos étant situés à 28 mètres de l'emprise publique, la mise en place d'une bâche et une défense incendie assurée par un poteau situé à moins de 150 mètres de l'entrée. M. et Mme F... n'apportent aucun élément de nature à établir qu'il subsisterait un risque important d'incendie qui n'aurait pas été pris en compte. Quant aux nuisances sonores et à l'émission de poussières, il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a installé trois cabanes d'insonorisation ainsi qu'une benne anti poussière, dont l'inefficacité n'est pas démontrée. Les pièces versées au dossier ne permettent pas de tenir pour établie la réalité des risques qui menaceraient les habitations et qui porteraient atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Enfin, M. et Mme F... n'apportent pas d'élément permettant de caractériser un risque pollution des eaux. Au surplus, l'arrêté contesté a prescrit le dépôt par la société pétitionnaire d'un dossier loi sur l'eau au titre de la rubrique " 2.1.5.0. Rejet d'eaux pluviales ". Dans ces conditions, en délivrant le permis de construire en litige, le maire d'Albias n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

24. Il ressort des pièces du dossier que la société Vitivista a déposé, le 8 janvier 2018, une déclaration au titre de la rubrique n° 4510 et de la rubrique n° 4511 pour une capacité de 80 tonnes pour la première rubrique et 175 tonnes pour la seconde et, le 12 mars 2018, une déclaration au titre de la rubrique n° 2160 pour un volume de 9 658 m3. Par suite, le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme, dont l'objet est d'assurer la coordination des procédures d'instruction du permis de construire et de l'autorisation d'exploiter, doit être regardé comme régularisé.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vitivista et la commune d'Albias sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 16 décembre 2015 par lequel le maire d'Albias a accordé à la société Vitivista un permis de construire un bâtiment industriel à vocation d'entrepôt agricole avec magasin et bureaux ainsi que des silos sur un terrain situé chemin de Montels.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Albias et de la société Vitivista la somme que M. et Mme F... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge sur ce même fondement des sommes de 1 500 euros au bénéfice de la commune d'Albias d'une part et de la société Vitivista d'autre part.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1604835 du 11 décembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme F... devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme F... verseront à la commune d'Albias une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : M. et Mme F... verseront à la société Vitivista une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vitivista, à la commune d'Albias et à M. et Mme E... F....

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX00680, 19BX00818 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00680,19BX00818
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Procédure d'attribution. Instruction de la demande.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : FIDAL MERIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-01;19bx00680.19bx00818 ?
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