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01/04/2021 | FRANCE | N°18BX03984

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 01 avril 2021, 18BX03984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler le titre de perception émis le 23 octobre 2015 pour un montant de 25 386 euros, ainsi que la décision du 7 janvier 2016 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a rejeté son recours administratif, de prononcer la décharge du paiement de la somme de 25 386 euros et de condamner l'État à lui verser la somme de 18 039,73 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, ou, à titre subsidiaire, de condamner l'

État à lui verser la somme de 43 425,73 euros assortie des intérêts et de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler le titre de perception émis le 23 octobre 2015 pour un montant de 25 386 euros, ainsi que la décision du 7 janvier 2016 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a rejeté son recours administratif, de prononcer la décharge du paiement de la somme de 25 386 euros et de condamner l'État à lui verser la somme de 18 039,73 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, ou, à titre subsidiaire, de condamner l'État à lui verser la somme de 43 425,73 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1600436 du 21 septembre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception du 23 octobre 2015 et de la décision du 7 janvier 2016 et a condamné l'État à lui verser une somme de 7 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 novembre 2018 et le 7 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 21 septembre 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation et a limité à la somme de 7 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'État en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

2°) d'annuler le titre de perception du 23 octobre 2015, ainsi que la décision du 7 janvier 2016 ;

3°) de prononcer la décharge du paiement de la somme de 25 386 euros ;

4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 18 039,73 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts à compter de la réception de sa demande préalable indemnitaire, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

5°) à titre subsidiaire, de condamner l'État à lui verser la somme de 43 425 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts à compter de la réception de sa demande préalable indemnitaire ;

6°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Pau est irrégulier, dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur un aspect du moyen tiré de l'incompétence de l'ordonnateur du titre de perception en litige ;

- le rectorat n'a pas justifié de l'empêchement des personnes compétentes, ni d'une chaîne de délégation complète ;

- le titre de perception du 23 octobre 2015 n'est pas suffisamment motivé dès lors que les indications relatives aux bases de la liquidation et aux modalités de calcul sont insuffisantes ;

- la somme de 25 386 euros lui a été versée en vertu d'une décision individuelle créatrice de droits que l'administration ne pouvait pas retirer ; le délai dans lequel la commission médicale nationale et la commission médicale départementale ont statué l'ont mis dans l'impossibilité d'accomplir son service, alors qu'elle a été placée rétroactivement en position d'activité par l'arrêté du 6 janvier 2015 ; ainsi, la somme réclamée ne peut être regardée comme des " paiements indus " au sens de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ; en tout état de cause, à la date à laquelle le titre de perception en litige a été émis, les sommes correspondant aux demi-traitements versées avant le mois de septembre 2013 étaient prescrites ;

- les sommes qui lui ont été versées dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur en application des dispositions de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 lui étaient dues ; une interprétation contraire entraînerait une inégalité de traitement entre agents ;

- le délai de traitement de son appel de l'avis du comité médical départemental était anormalement long, en raison des manquements de l'administration ;

- l'arrêté du 6 janvier 2015 la plaçant rétroactivement en fonctions est irrégulier ;

- elle a subi un préjudice matériel d'un montant de 11 039,73 euros, ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence à hauteur de 7 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... C...,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., professeur des écoles, a été placée en congé de longue durée du 25 août 2010 au 25 août 2012. A la suite de l'avis défavorable prononcé par le comité médical départemental des Alpes-de-Haute-Provence le 4 octobre 2012 sur la prolongation de ce congé, le comité médical supérieur a été saisi, à la demande de Mme A..., et a confirmé la position du comité médical départemental le 4 février 2014. Le comité médical départemental s'est à nouveau prononcé sur la situation de l'intéressée, l'a considérée, par un avis du 6 novembre 2014, comme apte à reprendre ses fonctions à compter du 25 août 2012. Dans l'attente de ce dernier avis, Mme A... a été placée par le recteur en situation de " congé de longue durée à titre provisoire " et a reçu le paiement d'un demi-traitement jusqu'au 13 septembre 2014. Après que l'avis du 6 novembre 2014 a été rendu, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a estimé que ces rémunérations étaient indues et a émis le 23 octobre 2015 un titre de perception pour un montant de 25 386,01 euros à l'encontre de l'intéressée, au titre d'un trop-perçu de rémunérations entre le 1er mars 2013 et le 13 septembre 2014. Mme A... relève appel du jugement du 21 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre de perception du 23 octobre 2015 et de la décision de rejet de son recours administratif du 7 janvier 2016 ainsi qu'à la décharge de la somme de 25 386,01 euros, et a limité à la somme de 7 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'État en réparation du préjudice qu'elle a subi.

Sur le titre de perception du 23 octobre 2015 :

2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 27 février 2015 adressé à Mme A..., que le titre de perception du 23 octobre 2015 en litige a été émis en raison de l'absence de service fait par cette dernière entre le 1er mars 2013 et le 13 septembre 2014, alors que le comité médical départemental du 6 novembre 2014 a considéré qu'elle était apte à reprendre ses fonctions à la suite des avis des comités médicaux départemental et supérieur non favorables au renouvellement de son congé de longue durée.

3. D'une part, l'administration est tenue de placer ses agents dans une situation régulière et de les affecter, dans un délai raisonnable, sur un emploi correspondant à des fonctions effectives. D'autre part, le droit de tout agent à percevoir son traitement ne peut cesser que si l'absence d'accomplissement de son service résulte de son propre fait.

4. En l'espèce, il est constant que Mme A... a contesté l'avis du comité médical départemental du 4 octobre 2012, qui lui a été notifié le 5 décembre 2012, dès le 30 décembre suivant. Le comité médical supérieur, qui n'a été saisi que le 16 avril 2013, s'est prononcé par un avis du 4 février 2014, transmis à Mme A... le 11 septembre 2014. Enfin, ce n'est que par un avis du 6 novembre 2014 que le comité médical départemental a considéré que l'intéressée était apte à exercer des fonctions. Dans ces conditions, au regard du délai dans lequel les différents comités médicaux se sont prononcés sur la situation de Mme A... et du délai de notification de ces divers avis, l'absence d'accomplissement de son service par la requérante pendant la période comprise entre le 1er mars 2013 et le 13 septembre 2014 ne peut être regardée comme résultant de son propre fait. Ainsi, l'administration n'était pas fondée à procéder à la reprise des demi-traitements versés à Mme A... durant cette période. Par suite, le titre de perception du 23 octobre 2015 est dépourvu de fondement légal et doit être annulé.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué en tant qu'il se prononce sur les conclusions tendant à l'annulation du titre de perception en litige ni les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception du 23 octobre 2015 et de la décision du 7 janvier 2016 et à la décharge du paiement de la somme de 25 386 euros.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Le délai dans lequel les différents comités médicaux se sont prononcés sur la situation de Mme A... et le délai de notification à cette dernière des divers avis rendus par ces comités, tels que décrits au point 4, étaient anormalement longs, constituant ainsi une faute de nature à engager la responsabilité de l'État.

7. Il résulte de l'instruction qu'outre la somme de 25 386 euros sur laquelle portait le titre de perception du 23 octobre 2015, des précomptes de la créance dont l'administration s'estimait titulaire, au titre des demi-traitements versés à Mme A... entre le 1er mars 2013 et le 13 septembre 2014, ont été opérés entre les mois de mars 2015 et septembre 2015 pour un montant total de 9 486,24 euros. Par ailleurs, un précédent titre de perception a été émis le 30 juin 2015 pour un montant de 1 553,49 euros, correspondant au rappel du supplément familial de traitement versé à Mme A... pour la période du 1er mars 2013 au 13 septembre 2014. Ainsi, la requérante a subi, en raison de la faute commise par l'administration, un préjudice financier correspondant aux prélèvements ainsi effectués qui doit donc être fixé à la somme totale de 11 039,73 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a limité à la somme de 7 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'État en réparation des préjudices qu'elle a subis.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

9. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. Il résulte de l'instruction que Mme A... a adressé une demande préalable au rectorat de l'académie d'Aix-Marseille par un courrier du 7 mars 2016. Si la date de réception de ce courrier n'est pas établie, il est constant que sa requête devant le tribunal administratif a été présentée le 8 mars 2016. Par suite, la requérante a droit aux intérêts aux taux légal sur la somme accordée en réparation de ses préjudices à compter de cette dernière date.

10. Par ailleurs, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par Mme A... dans sa requête enregistrée le 8 mars 2016. Il y a lieu de faire droit à cette demande, à compter du 8 mars 2017, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

11. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Pau n° 1600436 du 21 septembre 2018 et le titre exécutoire du 23 octobre 2015 émis pour un montant de 25 386 euros sont annulés.

Article 2 : Mme A... est déchargée du paiement de la somme mentionnée à l'article 1er.

Article 3 : La somme que l'État a été condamné à verser à Mme A... par le jugement du 21 septembre 2018 est portée à 18 039,73 euros (dix-huit mille trente-neuf euros et soixante-treize centimes). Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2016. Les intérêts échus à la date du 8 mars 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Pau n° 1600436 du 21 septembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'État versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme E... C..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.

La présidente,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX03984 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03984
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-02 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Traitement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : MARKHOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-01;18bx03984 ?
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