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23/03/2021 | FRANCE | N°20BX02506

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 23 mars 2021, 20BX02506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... veuve H... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000098 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2

020, Mme C... veuve H..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... veuve H... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000098 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2020, Mme C... veuve H..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 mai 2020 ;

2) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 19 décembre 2019 susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ; elle produit plusieurs certificats médicaux postérieurs qui contredisent l'avis du collège des médecins de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) en ce qu'elle ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ainsi que celles des articles 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, elle est hébergée depuis son arrivée sur le territoire national en novembre 2018 chez son frère qui lui prodigue l'accompagnement au quotidien que nécessite son état de santé ;

En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'indisponibilité du traitement nécessaire à son état de santé ; un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... veuve H... ne sont pas fondés.

Mme C... veuve H... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2020/009010 du 16 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 de la ministre des affaires sociales et de la santé fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L.313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... veuve H..., née le 20 octobre 1971, de nationalité algérienne, est entrée en France le 6 novembre 2018 munie d'un visa de court séjour. Le 26 février 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 19 décembre 2019, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien relatives à l'instruction des demandes de certificat de résidence présentées sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier que par un avis émis le 14 mai 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de Mme C..., qui est atteinte d'un trouble schizo-affectif, nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'à la date de l'avis, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

5. L'intéressée soutient qu'elle souffre de troubles psychiques importants, pour lesquels elle doit bénéficier d'un traitement qui n'est pas disponible dans son pays d'origine. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme C... établit par les éléments qu'elle a produits devant le tribunal, notamment les certificats médicaux en date des 20 novembre 2019 et 15 janvier 2020 du docteur Malek, médecin psychiatre qui assure son suivi, et les justificatifs de son hospitalisation sous contrainte du 5 février 2019 au 21 mars 2019 que contrairement à ce qu'a indiqué l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le défaut de sa prise en charge médicale est susceptible d'entrainer pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

6. Pour démontrer qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, elle fait valoir qu'elle est soignée par médication et que le traitement dont elle a besoin, à savoir Abilify Maintena 400g, n'est pas disponible en Algérie. Elle produit des attestations de trois pharmaciens algériens des 2 et 8 juillet 2020 qui mentionnent que l'Abilify 400 mg n'est pas commercialisé suite à l'arrêt d'importation de médicaments sans plus de précisions, un rapport médical du 7 juillet 2020 du docteur Tarik Aïd, médecin psychiatre à Oran, qui précise qu'un traitement thymorégulateur et antipsychotique est particulièrement indiqué dans le type de pathologie dont souffre l'intéressée et que ce type de thérapeutique (Abilify-Maintena) est actuellement indisponible en Algérie sous forme d'injection, ainsi qu'un nouveau certificat médical du 9 juillet 2020 du docteur Malek qui reprend les éléments de la situation médicale de l'intéressée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si le produit Abilify Maintena 400 mg par voie d'injection est indisponible en Algérie, la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques fait état de la disponibilité en Algérie de l'Abilify en comprimé dont l'efficacité moindre par rapport à une administration par injection n'est pas établie. Par attestation du 27 janvier 2020, le docteur Candillier, médecin coordonnateur de zone de l'OFII, atteste que ce médicament est commercialisé dans ce pays sous le terme générique d'Aripiprazole ce que l'extrait du site Pharma'net produit par la requérante confirme. Dès lors, quand bien même il n'est pas commercialisé sous la même forme, il existe dans le pays d'origine de l'intéressée un traitement médicamenteux approprié à la pathologie dont elle souffre et elle n'apporte pas d'élément permettant de retenir que le suivi psychologique régulier nécessaire à son état de santé serait inaccessible en Algérie, où elle a d'ailleurs été traitée avant son arrivée en France, ni que son frère, qui réside en France, serait la seule personne à pouvoir lui apporter l'accompagnement quotidien dont elle a besoin. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien par le préfet de la Haute-Vienne doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est arrivée récemment en France le 6 novembre 2018 à l'âge de 47 ans et est hébergée chez son frère, qu'elle est veuve et mère de trois enfants mineurs vivant en Algérie. Dans ces conditions, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. En outre, en dehors de son frère, elle n'établit pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité et stabilité sur le territoire français. Dès lors, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressée, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. En second lieu, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à raison des traitements encourus dans le pays d'origine est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par elle-même, n'implique pas le retour de l'intéressée dans son pays d'origine.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

12. Mme C... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, son moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaitrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... veuve H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... veuve H... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme G... B..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme D... E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth B... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02506


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02506
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET AVOC'ARENES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-23;20bx02506 ?
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