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23/03/2021 | FRANCE | N°19BX01251

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 23 mars 2021, 19BX01251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 18 août 2017 par laquelle le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire de Bordeaux a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre la sanction disciplinaire qui lui a été infligée le 27 juillet 2017 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne.

Par un jugement n° 1702404 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Poitiers a an

nulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 18 août 2017 par laquelle le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire de Bordeaux a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre la sanction disciplinaire qui lui a été infligée le 27 juillet 2017 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne.

Par un jugement n° 1702404 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 janvier 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. H... devant le tribunal.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la commission de discipline était irrégulièrement composée ;

- les moyens soulevés par M. H... devant le tribunal ne sont pas fondés et elle renvoie, sur ce point, à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... F...,

- les conclusions de Mme K... B..., rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., détenu au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, s'est vu infliger, par une décision du 27 juillet 2017 du président de la commission de discipline de cet établissement, une sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire, dont sept jours avec sursis actif pendant six mois, et de trente jours de suppression de l'accès au parloir sans dispositif de séparation. Le recours qu'il a formé contre cette décision le 7 août 2017 a été rejeté par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux par une décision du 18 août 2017. La ministre de la justice relève appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs. " L'article R. 57-7-8 du même code dispose : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-13 du même code : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline. " L'article R. 57-7-14 du même code prévoit : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse du 18 août 2017 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux est intervenue après consultation le 27 juillet 2017 de la commission de discipline. Le registre des sanctions édictées à l'issue de cette commission, produit par le ministre de la justice devant le tribunal après la clôture d'instruction et de nouveau en appel, fait apparaître, outre l'identité et la signature du directeur adjoint de l'établissement pénitentiaire, de l'assesseur civil et des avocats étant intervenus, la signature de l'assesseur personnel de surveillance ainsi que l'abréviation correspondant à son grade et l'initiale de son nom de famille. Ce document permet de s'assurer, non seulement de la présence d'un premier assesseur choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement mais également de ce que cet assesseur n'était ni l'auteur du compte-rendu d'incident rédigé le 1er juillet 2017 ni le premier surveillant ayant établi le rapport prévu par les dispositions précitées de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale.

4. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur l'irrégularité de la composition de la commission de discipline pour annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires du 18 août 2017.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. H... devant le tribunal administratif de Poitiers.

6. Aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet ". Il résulte de ces dispositions qu'un détenu n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur régional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée par le chef d'établissement. Il s'ensuit que, les vices propres à la décision initiale ayant nécessairement disparu avec cette dernière, le requérant ne saurait utilement s'en prévaloir. En revanche, cette substitution ne saurait faire obstacle à ce que soient invoquées, à l'appui d'un recours dirigé contre la décision du directeur interrégional, les éventuelles irrégularités de la procédure suivie devant la commission de discipline préalablement à la décision initiale.

7. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision initiale du 27 juillet 2017 se rapporte à un vice propre à cette décision qui est étranger à la régularité de la procédure disciplinaire. Pour les raisons indiquées au point précédent, il ne peut être utilement invoqué à l'appui du recours dirigé contre la décision du 18 août 2019 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux.

8. Aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : (...) / 8° D'introduire ou de tenter d'introduire au sein de l'établissement des produits stupéfiants, de les détenir ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service ; (...) ". L'article R. 57-7-33 du même code dispose : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : (...) / 7° La mise en cellule disciplinaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-34 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent également être prononcées : (...) / 3° La suppression de l'accès au parloir sans dispositif de séparation pour une période maximum de quatre mois lorsque la faute a été commise au cours ou à l'occasion d'une visite (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-47 du même code : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. (...) ".

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Pour édicter la sanction litigieuse de quatorze jours de cellule disciplinaire dont sept jours avec sursis actif pendant six mois et de trente jours de suppression de l'accès au parloir sans dispositif de séparation, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a retenu, d'une part, que M. H... a admis la possession de stupéfiants qui lui était reprochée et, d'autre part, que la découverte de ce produit stupéfiant est intervenue à son retour des parloirs le 1er juillet 2017 et que l'incident a bien été commis à cette occasion dès lors qu'il " paraît en effet peu probable que M. H... ait conservé les stupéfiants dans ses fesses depuis la promenade de la veille comme il l'affirme ". Si M. H... conteste s'être vu remettre des produits stupéfiants au cours du parloir par sa compagne et indique avoir acheté la résine de cannabis retrouvée sur lui à un autre détenu, la veille, au cours d'une promenade, cette version des faits ne saurait être regardée comme corroborée par le seul témoignage de sa compagne, alors que son attitude suspecte au retour du parloir a justifié la fouille dont il a fait l'objet par le personnel pénitentiaire. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant la matérialité des faits sur le fondement desquels elle a infligé la sanction disciplinaire en cause, et le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

11. L'introduction et la détention de produits stupéfiants au sein de l'établissement pénitentiaire constitue une faute disciplinaire du premier degré. Compte tenu de la gravité de cette faute et en dépit de ce que M. H... n'avait pas d'antécédent disciplinaire, la sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire dont sept jours avec sursis actif pendant six mois et de trente jours de suppression de l'accès au parloir sans dispositif de séparation qui lui a été infligée n'est pas disproportionnée.

12. Il résulte de ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux du 18 août 2017.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702404 du tribunal administratif de Poitiers du 24 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. H... devant le tribunal est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. I... H... et à Me E....

Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme J... G..., présidente,

Mme A... D..., présidente-assesseure,

Mme C... F..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2021.

La rapporteure,

Kolia F...

La présidente,

Catherine G...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01251
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : DUCLOS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-23;19bx01251 ?
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