La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2021 | FRANCE | N°19BX00723

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 23 mars 2021, 19BX00723


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier (CH) de Pau à lui verser une indemnité de 20 000 euros et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701911 du 5 décembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2019, Mme G..., représentée par la SELARL Juripublic

a, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le CH de Pau à lui verse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... G... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier (CH) de Pau à lui verser une indemnité de 20 000 euros et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701911 du 5 décembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2019, Mme G..., représentée par la SELARL Juripublica, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le CH de Pau à lui verser une indemnité de 20 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du CH de Pau une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le contentieux n'était pas lié en ce qui concerne l'absence d'aménagement de son poste de travail, alors que la faute invoquée dans sa demande préalable était relative à l'absence de prise en compte de son état de santé, ce qui incluait l'absence de reclassement, mais aussi d'aménagement ; le centre hospitalier a commis une faute en s'abstenant d'aménager son poste alors qu'il était informé de restrictions et qu'elle n'était pas considérée comme inapte ; cette faute est à l'origine d'une perte de chance de ne pas subir le dernier accident qui a entraîné une inaptitude définitive à ses fonctions d'aide-soignante ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, son courrier du 12 août 2015, qui rappelait l'obligation de l'établissement de lui proposer un poste adapté, comportait une demande de reclassement, et a d'ailleurs été interprété en ce sens ;

- le CH a commis une faute en s'abstenant de lui proposer les postes d'adjoint administratif vacants au 3 août 2015 et au 15 septembre 2015 ;

- elle a été laissée sans emploi durant 10 mois alors que des postes adaptés à son état de santé étaient disponibles, ce qui lui a causé un préjudice moral dont elle demande l'indemnisation à hauteur de 20 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2019, le CH de Pau, représenté par la société d'avocats Avoxa, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme G... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme G... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme B... C..., rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 mai 2009, Mme G..., qui exerçait alors au CH de Pau des fonctions d'aide-soignante en qualité d'agent contractuel, a été victime d'une entorse de l'articulation intermétacarpophallangienne du pouce gauche alors qu'elle recouchait un patient. Cet accident reconnu imputable au service a été traité par une ligamentoplastie en septembre 2009, puis par une arthrodèse en septembre 2010. Mme G..., nommée aide-soignante stagiaire à compter du 1er septembre 2011 et titularisée à compter du 12 décembre 2012, a présenté des rechutes le 11 octobre 2013 avec arrêt de travail jusqu'au 5 janvier 2014, puis le 31 octobre 2014 avec arrêt de travail jusqu'au 16 août 2015. Elle a ensuite été placée en congé de maladie ordinaire à partir du 17 août 2015, prolongé en dernier lieu en raison d'un état douloureux cervico-brachial atypique et inexpliqué apparu après une intervention réalisée le 5 octobre 2015 pour le traitement d'un " pouce à ressaut ". Le 4 mai 2016, le comité médical départemental a émis un avis favorable à la reprise du travail du 17 mai au 16 août 2016 à temps partiel thérapeutique de 50 % sur un poste aménagé. Compte-tenu d'un arrêt de travail du 17 au 31 mai 2016 pour une tendinite de l'épaule gauche imputable à l'accident du travail, Mme G... a repris le travail sur un poste aménagé d'accueil à temps partiel thérapeutique de 50 % le 1er juin 2016, puis à temps plein à compter du 17 novembre 2016. Mme G..., dont la demande préalable a été rejetée par une décision du directeur du CH de Pau du 13 juillet 2017, a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'établissement hospitalier à l'indemniser, sur les fondements de la responsabilité sans faute et de la responsabilité pour faute, du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de l'accident du travail l'ayant rendue inapte aux fonctions d'aide-soignante et de la tardiveté de son reclassement sur un poste administratif. Elle relève appel du jugement du 5 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande, et invoque la seule responsabilité pour faute.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans sa demande préalable du 6 juin 2017, Mme G... ne s'est pas bornée à invoquer la tardiveté de son affectation sur un poste administratif, mais a aussi reproché au directeur du CH de Pau de ne pas avoir retenu sa candidature du 26 août 2014 à un poste d'aide-soignante au service des consultations externes, qu'elle estimait plus adapté à son état de santé que son affectation en unité de soins de longue durée. Elle devait ainsi être regardée comme invoquant une faute à raison d'un refus d'aménagement de son poste. Par suite, Mme G... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté, pour absence de liaison du contentieux, ses conclusions relatives à l'indemnisation des préjudices en lien avec cette faute, sur lesquelles il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation.

Sur la responsabilité du CH de Pau :

3. Aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " Aux termes de l'article 1er du décret du 8 juin 1989 pris pour l'application de ces dispositions : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du médecin du travail, dans l'hypothèse où l'état du fonctionnaire n'a pas nécessité l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical, si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un poste de travail correspondant à son grade dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer ses fonctions. " Aux termes de l'article 2 du même décret : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'intéressé peut présenter une demande de reclassement dans un emploi relevant d'un autre grade de son corps ou dans un emploi relevant d'un autre corps. / L'autorité investie du pouvoir de nomination recueille l'avis du comité médical départemental. "

En ce qui concerne le refus d'aménagement du poste de travail :

4. Il résulte des termes mêmes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 que le poste de travail doit être adapté lorsque le fonctionnaire est reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions. En reprochant au CH de Pau de ne pas avoir aménagé son poste de travail antérieurement au constat de son inaptitude à compter du 3 novembre 2015, Mme G... ne caractérise pas un manquement à ces dispositions, mais invoque les restrictions dont étaient assortis les certificats successifs du médecin du service de santé au travail la déclarant apte à son poste d'aide-soignante en unité de soins de longue durée à temps plein. Ces restrictions consistaient à ne pas mobiliser de patients seule pendant un mois à compter du 1er janvier 2010, à ne pas lever de patients seule pendant six mois à compter du 18 mars 2010 et à ne pas mobiliser de patients seule pendant trois mois à compter du 31 décembre 2013. Si le certificat relatif à la visite de reprise du 31 décembre 2013 précise qu'une affectation dans un autre service moins lourd physiquement serait souhaitable, cette simple recommandation n'affirme pas la nécessité d'un aménagement des conditions de travail ou d'un changement de poste. Mme G..., qui n'établit ni même n'allègue s'être vu imposer la réalisation de tâches contraires à ces restrictions limitées dans le temps, ne démontre pas que le CH de Pau n'en aurait pas tenu compte.

En ce qui concerne le retard d'affectation sur un poste aménagé :

5. Le courrier du 12 août 2015 par lequel Mme G... a fait part au directeur du CH de Pau de son souhait d'être affectée sur un poste aménagé était destiné à la préparation d'un entretien relatif à sa reprise du travail le 16 août 2015, qui a conclu à la nécessité de la faire expertiser. Ainsi qu'il a été exposé au point 1, l'arrêt pour rechute de l'accident du travail à partir du 31 octobre 2014 a été suivi sans discontinuité, jusqu'au 31 mai 2016, par un congé de maladie ordinaire, puis par un nouveau congé en lien avec l'accident du travail. Si la requérante soutient que des postes d'adjoint administratif vacants au 3 août et au 15 septembre 2015 auraient dû lui être proposés, son inaptitude définitive à l'emploi d'aide-soignante n'a été médicalement constatée que le 3 novembre 2015, et contrairement à ce qu'elle affirme, elle n'a jamais été " laissée sans emploi ", mais au contraire affectée sur un poste aménagé à l'accueil du service des urgences dès sa reprise du travail le 1er juin 2016, de sorte que cette affectation ne saurait être regardée comme tardive.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme G... au titre des frais exposés par le CH de Pau à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1701911 du 5 décembre 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté pour irrecevabilité la demande indemnitaire relative à un refus d'aménagement du poste de travail.

Article 2 : La demande de Mme G... relative à un refus d'aménagement du poste de travail et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par le CH de Pau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... G... et au centre hospitalier de Pau.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme J... I..., présidente,

Mme A... E..., présidente-assesseure,

Mme D... H..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2021.

La rapporteure,

Anne E...

La présidente,

Catherine I...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00723


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00723
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-11 Fonctionnaires et agents publics. Dispositions propres aux personnels hospitaliers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-23;19bx00723 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award