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23/03/2021 | FRANCE | N°19BX00689

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 23 mars 2021, 19BX00689


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Coopérative vinicole de Quinsac a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté interministériel du 16 septembre 2016, par lequel le ministre de l'économie et des finances, le ministre de l'intérieur et le secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics ont reconnu l'état de catastrophe naturelle sur le territoire de la commune de Quinsac pour les mouvements de terrain survenus le 15 février 2016.

Par un jugement n° 1700800 du 20 décembre 2018, le tribun

al administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Coopérative vinicole de Quinsac a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté interministériel du 16 septembre 2016, par lequel le ministre de l'économie et des finances, le ministre de l'intérieur et le secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics ont reconnu l'état de catastrophe naturelle sur le territoire de la commune de Quinsac pour les mouvements de terrain survenus le 15 février 2016.

Par un jugement n° 1700800 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2019, la société Coopérative vinicole de Quinsac, représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté interministériel susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir dès lors que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle induit l'exclusion partielle de la garantie de l'assurance de la SCA Château Bel Air et de la Cave coopérative qui aurait pu couvrir l'ensemble des préjudices subis ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'éboulement de roches de la falaise ne résulte pas d'un état de catastrophe naturelle mais des travaux de terrassement et de drainage réalisés en 2004/2005 par la SCA Château Bel Air installée au-dessus de la falaise ; ces travaux ont entrainé une modification de l'hydrologie de la falaise et du terrain par un détournement des ruissellements et des infiltrations des eaux depuis la falaise, provoquant une altération de la falaise ; des désordres sont apparus en 2011 et 2013 du fait de ces modifications hydrologiques du terrain ; l'expert aurait dû tenir compte de ses travaux et identifier l'ouvrage de drainage ainsi créé dans son rapport.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2020, le ministre de l'intérieur, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Coopérative vinicole de Quinsac la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'appelante ne justifie pas de son intérêt à agir et qu'aucun des moyens ne peut être retenu.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative et le décret n°1046 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- les conclusions de Mme H..., rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., représentant la société Coopérative vinicole de Quinsac.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de fortes pluies survenues au début de l'année 2016, la commune de Quinsac (33) a adressé une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour l'éboulement de roches survenu le 15 février 2016 et ayant causé des dégâts sur deux cuves inox de la cave de la société Coopérative vinicole de Quinsac, située en contrebas de la falaise rocheuse. Par un arrêté du 16 septembre 2016, les ministres chargés de l'économie, des finances et du budget ainsi que le ministre de l'intérieur ont fixé la liste des communes pour lesquelles a été constaté l'état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrain, au nombre desquelles figure la commune de Quinsac. La société Coopérative vinicole de Quinsac relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2016, en tant qu'il inclut la commune de Quinsac.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Il ressort des écritures non contestées de l'appelante que la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle a pour effet de limiter la garantie de l'assureur au titre de la garantie catastrophe naturelle et de faire obstacle à l'engagement de la responsabilité civile de la SCA Château Bel Air, propriétaire du terrain concerné par les désordres, alors que l'assurance de la société château Bel Air et l'assurance de la Cave coopérative auraient pu couvrir l'ensemble des préjudices subis. Dans ces conditions, la société Coopérative vinicole de Quinsac justifie d'un intérêt à agir.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : " Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale (...) ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l'objet de tels contrats.(...) / Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. (...). ".

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'expertise judiciaire ordonnée pour établir l'origine des désordres survenus le 15 février 2016 sur le terrain appartenant à la SCA Château Bel Air, que les dommages ont pour origine deux éléments, le premier, de nature météorologique et qui n'est pas contesté, tient aux fortes précipitations alors intervenues. Il ressort à cet égard du rapport météorologique établi le 3 mai 2016 par Météo-France que les précipitations survenues sur le territoire de la commune de Quinsac représentent un cumul d'eau sur le début d'année de 181 % de la donnée normale constatée sur un mois de février complet et que le cumul pluviométrique enregistré sur une période de trois mois et de six mois avant le 15 février 2016 présente une intensité anormale. Le second élément à l'origine du dommage résulte de la topographie abrupte de la falaise et du contexte géomorphologique des lieux. Plus précisément, l'expert relève sur ce point que dans cette falaise, sont présentes d'anciennes carrières de pierres non répertoriées, non entretenues et en état précaire dont les piliers et les ciels sont très fracturées et menacent de s'effondrer et qu'entre les carrières, les calcaires sont très fracturés, en mauvais état et menacent de s'ébouler à très court terme. L'expert ajoute que les galeries sont également en très mauvais état et que la végétation présente sur la falaise, permet d'éviter l'érosion de l'arrête par le ruissellement de la pluie mais affecte la stabilité des blocs tels que ceux qui, pesant plusieurs tonnes, se sont détachés le 15 février 2016. L'expertise conclut que " l'action de ces fortes précipitations sur la falaise dégradée par le fil des ans est à l'origine de ces éboulements ". Alors en outre que l'état de dégradation de la falaise avait précédemment été constaté par le bureau de recherche géologique et minière (BRGM) en 1990 qui avait identifié la zone comme étant à haut risque d'éboulement, que des travaux de drainage réalisés par la SCA Château Bel Air en 2004 et 2005 ont eu pour effet de modifier l'hydrologie de la falaise et ont été susceptibles d'augmenter le risque d'éboulement et qu'enfin, en 2011 et 2013, des éboulements ont déjà eu lieu à cet endroit, l'effondrement de la falaise survenu le 15 février 2016 sur le territoire de la commune de Quinsac ne peut être regardé comme ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lequel a en l'espèce seulement constitué un élément aggravant et déclencheur, mais trouve son origine déterminante dans le vieillissement et la lente dégradation de la falaise et des carrières et aurait pu être prévenu par des mesures appropriées. Un tel dommage n'est pas susceptible d'être considéré comme un effet de catastrophes naturelles au sens de l'article L. 125-1 du code des assurances.

5. Par suite la société Coopérative vinicole de Quinsac est fondée à soutenir que l'arrêté du 16 septembre 2016 est illégal en tant qu'il inclut la commune de Quinsac dans la liste des communes en état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrain du 15 février 2016 et à en demander pour ce motif l'annulation partielle.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Coopérative vinicole de Quinsac est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les conclusions de l'Etat, qui est la partie perdante, présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Coopérative vinicole de Quinsac, et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'arrêté interministériel du 16 septembre 2016 fixant la liste des communes pour lesquelles a été constaté l'état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrain intervenus le 15 février 2016 est annulé en tant qu'il inclut la commune de Quinsac.

Article 3 : L'Etat versera à la société Coopérative vinicole de Quinsac la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Coopérative vinicole de Quinsac, au ministre de l'intérieur et à la commune de Quinsac.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme F... A..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme D... E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00689


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00689
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-024 Urbanisme et aménagement du territoire. Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ARCO - LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-23;19bx00689 ?
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