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22/03/2021 | FRANCE | N°20BX03234

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 22 mars 2021, 20BX03234


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités néerlandaises.

Par un jugement n° 2003558 du 25 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2020, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annule

r ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 août 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 juillet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités néerlandaises.

Par un jugement n° 2003558 du 25 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2020, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 août 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2020 de la préfète de la Gironde ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des articles L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'interprète est seulement intervenu par un moyen de télécommunication ce qui l'a privé d'une garantie ;

- la préfète de la Gironde a commis une erreur de droit en appliquant l'article 12-4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, alors qu'il n'est ni démontré ni allégué que le visa valable du 17 octobre 2019 au 1er décembre 2019 lui a effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un Etat membre ;

- l'arrêté en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie d'attaches familiales en France ;

- la préfète de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle confirme les termes de son mémoire de première instance.

Par une ordonnance du 26 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 janvier 2021 à 12h00.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant turc né le 23 mars 1996, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 22 décembre 2019. Le 7 janvier 2020, il a sollicité le bénéfice de l'asile. Lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, les recherches entreprises sur le fichier Visabio ont révélé qu'il était titulaire d'un passeport turc muni d'un visa valable du 17 octobre 2019 au 1er décembre 2019 délivré par les autorités néerlandaises. La préfète de la Gironde a saisi les autorités néerlandaises, le 20 février 2020, d'une demande de prise en charge à laquelle elles ont répondu favorablement le 2 avril 2020. Par un arrêté du 29 juillet 2020, la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités néerlandaises. M. B... relève appel du jugement du 25 août 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 juillet 2020 :

2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ". Par ailleurs, l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien individuel prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement précité a eu lieu le 7 janvier 2020 en langue turque, avec l'assistance de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration. Les dispositions précitées prévoient que l'assistance de l'étranger lors de l'entretien individuel peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication en cas de nécessité. Si M. B... fait valoir que la préfète ne justifie pas de la nécessité de recourir aux moyens de télécommunication, il n'allègue pas que l'assistance d'un interprète par voie de télécommunication a nui à la bonne compréhension des échanges lors de son entretien individuel et ne lui aurait pas permis de comprendre l'ensemble de la procédure. Il ne se prévaut ainsi d'aucun élément de fait ou de droit tendant à démontrer que le recours aux services téléphoniques de la société ISM interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur, l'aurait privé d'une garantie ou aurait exercé une influence sur le sens de la décision de transfert prise à son encontre. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. ". Aux termes de l'article 12 du même règlement : " (...) 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre État membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Dans ce cas, l'État membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) 4. Si le demandeur est seulement titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres. / Lorsque le demandeur est titulaire d'un ou plusieurs titres de séjour périmés depuis plus de deux ans ou d'un ou plusieurs visas périmés depuis plus de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre et s'il n'a pas quitté le territoire des États membres, l'État membre dans lequel la demande de protection internationale est introduite est responsable (...) ".

5. M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde a commis une erreur de droit en fondant son arrêté sur le paragraphe 4 de l'article 12 du règlement précité. L'annexe II au règlement d'exécution (UE) 118/2014 de la Commission européenne du 30 janvier 2014 prévoit plusieurs éléments de preuve pour l'application de l'article 12. 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dont le résultat positif (hit) transmis par le VIS conformément à l'article 21 du règlement (CE) n° 767/2008. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'extrait du fichier Visabio que l'intéressé s'est vu délivrer le 3 octobre 2019 par les autorités néerlandaises un visa de court séjour valable du 17 octobre 2019 au 1er décembre 2019 et qu'il était ainsi titulaire d'un visa périmé depuis moins de six mois au 7 janvier 2020 date à laquelle il a demandé l'asile pour la première fois auprès d'un Etat membre. M. B... ne démontre ni qu'il n'a pas obtenu un tel visa ni que ce dernier ne lui a pas effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un des Etats membres. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Gironde a commis une erreur de droit en faisant application du paragraphe 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 pour déterminer l'Etat membre responsable de sa demande d'asile.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. Alors qu'il a déclaré lors de son entretien individuel ne pas avoir de famille en France, M. B... fait valoir que ses oncles et son grand-oncle résident régulièrement sur le territoire français. Toutefois, l'intéressé ne justifie pas de l'intensité des liens qu'il entretient avec eux. En outre, il est arrivé en France à l'âge de 23 ans et était, à la date de la décision en litige, présent sur le territoire français depuis seulement sept mois. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que la préfète de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 22 février 2021 à laquelle siégeaient :

M. E... C..., président,

Mme H... I..., présidente-assesseure,

Mme G... D..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2021.

Le président-rapporteur,

Didier C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt

N° 20BX03224 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03234
Date de la décision : 22/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : ZAWADA LUCIE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-22;20bx03234 ?
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