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22/03/2021 | FRANCE | N°20BX00612,20BX00613

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 22 mars 2021, 20BX00612,20BX00613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... H... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le maire de Braud-et-Saint-Louis l'a licenciée pour insuffisance professionnelle à l'issue de sa période de stage.

Par un jugement n° 1802061 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du maire de Braud-et-Saint-Louis en date du 23 mars 2018, a condamné la commune de Braud-et-Saint-Louis à payer à Mme H... la somme de 1 200 euros au titre de ses frais de

procès et a rejeté le surplus des conclusions présentées par les parties.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... H... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le maire de Braud-et-Saint-Louis l'a licenciée pour insuffisance professionnelle à l'issue de sa période de stage.

Par un jugement n° 1802061 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du maire de Braud-et-Saint-Louis en date du 23 mars 2018, a condamné la commune de Braud-et-Saint-Louis à payer à Mme H... la somme de 1 200 euros au titre de ses frais de procès et a rejeté le surplus des conclusions présentées par les parties.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 20BX00612 les 20 février 2020 et 29 juin 2020, la commune de Braud-et-Saint-Louis, représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par Mme H... et ses conclusions à fin d'injonction présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de Mme H... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

- dans le courrier du 14 février 2018, il lui est reproché dès l'année 2016, son absence de collaboration efficace avec l'équipe de direction et l'adaptation difficile aux changements souhaités par la direction afin d'optimiser le service ;

- dans un courrier du 7 décembre 2016, suite à l'autorisation spéciale d'absence accordée à Mme H..., celle-ci n'a pas respecté ses obligations professionnelles, de sorte qu'un avertissement lui a été infligé ;

- malgré cet avertissement, elle n'a pas changé son comportement ;

- Mme H... ne peut reprocher à la directrice des ressources humaines un manque de professionnalisme dès lors qu'elle n'a pas respecté ce qu'elle avait annoncé relativement à sa reprise de fonctions ;

- la secrétaire générale de la commune pouvait modifier l'appréciation portée par son supérieur hiérarchique direct ;

- ses aptitudes professionnelles et son comportement ne permettent pas à la commune de Braud-et-Saint-Louis d'envisager sa titularisation en fin de stage ;

- s'agissant des autres moyens présentés en première instance, Mme H... n'est pas fondée à soutenir que la commune avait pris la décision de ne pas la titulariser dès le début de la période de prorogation de stage.

Par un mémoire enregistré le 7 avril 2020, Mme H..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Braud-et-Saint-Louis ;

2°) d'enjoindre à la commune de Braud-et-Saint-Louis de procéder à sa titularisation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Braud-et-Saint-Louis la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun moyen n'est fondé et elle s'en remet à ses moyens présentés en première instance.

II - Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 février et 29 juin 2020 sous le n° 20BX000613, la commune de Braud-et-Saint-Louis, représentée par Me C..., demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1802061 du 20 décembre 2019.

Elle soutient que :

- elle est fondée à demander le sursis à l'exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, dès lors qu'un moyen présenté dans sa requête d'appel présente un caractère sérieux, de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet de la demande de première instance présentée par Mme H....

Par un mémoire enregistré le 7 avril 2020, Mme H..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Braud-et-Saint-Louis ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;

- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;

- le décret n° 2006-1693 du 22 décembre 2006 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... D...,

- les conclusions de Mme K..., rapporteure publique ;

- et les observations de Me E..., représentant la commune de Braud-et-Saint-Louis, et les observations de Me F..., représentant Mme H....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... H..., employée comme maître-nageuse sauveteuse par la commune de Braud-et-Saint-Louis depuis 2012, a été nommée en qualité d'adjoint d'animation de 2ème classe stagiaire à compter du 1er septembre 2015. Par un arrêté du 30 octobre 2016, le maire de Braud-et-Saint-Louis a refusé de la titulariser à l'issue de sa première année de stage et l'a autorisée à effectuer un stage complémentaire d'une durée d'un an à compter du 1er septembre 2016. Toutefois, à l'issue de son stage, après avoir saisi la commission administrative paritaire qui a émis son avis le 28 février 2018, l'autorité territoriale a le 23 mars 2018 prononcé le licenciement de Mme H... pour insuffisance professionnelle à la fin de son stage et l'a radiée des cadres du personnel de la commune. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du maire de Braud-et-Saint-Louis du 23 mars 2018 et a condamné la commune à payer à Mme H... la somme de 1 200 euros au titre des frais d'instance. Par une requête n° 20BX00612, la commune de Braud-et-Saint-Louis relève appel de ce jugement. Par une requête n° 20BX00613, elle en demande le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 20BX00612 et 20BX00613 présentées pour la commune de Braud-et-Saint-Louis présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête n° 20BX00612 :

3. Aux termes de l'article 5 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage ". Aux termes de l'article 9 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints territoriaux d'animation : " A l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés par décision de l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination (...). / Les autres stagiaires peuvent, sur décision de l'autorité territoriale, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / Les adjoints territoriaux d'animation stagiaires (...) qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire (...) sont soit licenciés s'ils n'avaient pas auparavant la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur grade d'origine. ".

4. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne.

5. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

6. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.

7. Pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que la décision de licenciement de Mme H... en fin de stage reposait sur des faits matériellement inexacts et était entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que pour établir son insuffisance professionnelle, la commune de Braud-et-Saint-Louis se bornait à produire la lettre de saisine de la commission administrative paritaire du 14 février 2018, qui ne comporte que des appréciations très générales et non circonstanciées et qui renvoie à des courriers non produits au dossier, ainsi que deux attestations de la secrétaire générale de la commune et de la directrice des ressources humaines en date des 20 et 21 septembre 2018, manifestement rédigées quelques mois après l'édiction de l'arrêté attaqué pour les besoins de la cause.

8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier de saisine de la commission administrative paritaire rédigé par le maire de la commune de Braud-et-Saint-Louis en date du 14 février 2018 que pendant sa période probatoire, et en particulier pendant le stage complémentaire d'un an qu'elle a réalisé, Mme H... n'a pas fait preuve d'une adaptation satisfaisante aux contraintes administratives et sa manière de servir ne correspond pas à celle attendue d'un adjoint d'animation. Ni ses fiches d'entretien professionnel en date des 8 décembre 2015 et 8 décembre 2016, ni les attestations d'élèves des cours d'aquagym et d'aquabike dispensés par Mme H... ou celles de parents d'élèves de ses cours de natation, ainsi que celles d'un agent technique et d'un ancien collègue de travail retraité, qui font état de ses qualités professionnelles et humaines, ne sont de nature à remettre en cause les énonciations de ce courrier. Par suite, le motif de l'insuffisance professionnelle de Mme H... dans l'exercice de ses fonctions ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Par suite, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu ces moyens pour annuler l'arrêté du maire de Braud-et-Saint-Louis du 23 mars 2018 prononçant le licenciement de Mme H... pour insuffisance professionnelle à la fin de son stage et la radiant des cadres du personnel de la commune.

10. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme H... devant le tribunal administratif de Bordeaux et devant la cour.

11. Sous réserve d'un licenciement intervenant en cours de stage et motivé par ses insuffisances ou manquements professionnels, tout fonctionnaire stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné. S'il est loisible à l'autorité administrative d'alerter, en cours de stage, l'agent sur ses insuffisances professionnelles et, le cas échéant, sur le risque qu'il encourt de ne pas être titularisé s'il ne modifie pas son comportement, la collectivité employeur ne peut, avant l'issue de la période probatoire, prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies à l'article 5 du décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale à l'article 9 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints territoriaux d'animation. Il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que la commune, alors qu'elle avait autorisé Mme H... à prolonger son stage d'un an, aurait pris la décision de ne pas la titulariser avant l'expiration du terme de celui-ci.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Braud-et-Saint-Louis est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté municipal du 23 mars 2018. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme H... devant le tribunal administratif de Bordeaux. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme H... en appel doivent être rejetées.

Sur la requête n° 20BX00613 :

13. Compte tenu de ce qui précède, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la commune de Braud-et-Saint-Louis tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1802061 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les frais d'instance :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la commune de Braud-et-Saint-Louis tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1802061 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux.

Article 2 : Le jugement n° 1802061 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 3 : La demande de première instance présentée par Mme H... et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Braud-et-Saint-Louis au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... H... et à la commune de Braud-et-Saint-Louis.

Délibéré après l'audience du 22 février 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme I... J..., présidente-assesseure,

Mme G... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20BX00612, 20BX00613 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00612,20BX00613
Date de la décision : 22/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Stage. Fin de stage.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-22;20bx00612.20bx00613 ?
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