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19/03/2021 | FRANCE | N°19BX03245,19BX04310

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 19 mars 2021, 19BX03245,19BX04310


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019 sous le n°19BX03245, la société Les Pâtis Longs, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a implicitement rejeté sa demande d'autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc composé de six éoliennes et de deux postes de livraison électrique sur le territoire de la commune de Luzay ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et d'enjoin

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Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019 sous le n°19BX03245, la société Les Pâtis Longs, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 7 juin 2019 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a implicitement rejeté sa demande d'autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc composé de six éoliennes et de deux postes de livraison électrique sur le territoire de la commune de Luzay ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de fixer les prescriptions nécessaires au fonctionnement de l'installation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision implicite de rejet en litige est illégale pour absence de motivation dès lors que le préfet ne lui a pas communiqué les motifs de cette décision en dépit d'une demande qu'elle lui a adressée à cette fin ;

- aucun motif ne permet de fonder la décision implicite de rejet en litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au non-lieu à statuer.

Il soutient que la décision implicite de rejet en litige a été retirée par sa décision du 4 octobre 2019 prononçant un sursis à statuer sur la demande d'autorisation unique présentée par la société.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 novembre 2019 et le 23 juin 2020, sous le n°19BX04310, la société Les Pâtis Longs, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 4 octobre 2019 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a sursis à statuer sur sa demande d'autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc composé de six éoliennes et deux postes de livraison électrique sur le territoire de la commune de Luzay ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de fixer les prescriptions nécessaires au fonctionnement de l'installation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige a été prise sans que soit appliquée au préalable la procédure contradictoire prévue à l'article R. 512-6 du code de l'environnement ; si la société a été rendue destinataire d'un projet d'arrêté de refus le 20 août 2019, elle n'a jamais été informée de ce qu'il serait en définitive sursis à statuer sur sa demande ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ; elle fait seulement état du fait que le site d'implantation des éoliennes n'est ni situé dans une zone favorable à l'éolien, ni dans un secteur réglementé par le zonage du projet de plan local d'urbanisme intercommunal ; la simple contrariété d'un projet avec les dispositions futures d'un tel plan ne suffit pas à établir que ce projet en compromettrait l'exécution ;

- la décision est dépourvue de base légale ; aucune des dispositions des articles R. 512-1 et suivants du code de l'environnement, qui définissent la procédure d'instruction d'une demande d'autorisation unique par renvoi de l'article 1er du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ne permet à l'autorité compétente de prononcer un sursis à statuer sur une telle demande ; la décision en litige ne pouvait se fonder sur l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme qui ne s'applique pas aux autorisations uniques prévues par l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- en tout état de cause, le projet de parc éolien ne compromet pas ni ne rend plus onéreux l'exécution du futur plan local d'urbanisme intercommunal ; au contraire, le projet d'aménagement et de développement durables de ce document identifie le secteur d'implantation du projet comme une zone favorable au développement de l'éolien ; le choix de ce secteur répond au critère de définition des espaces considérés comme favorables à l'éolien selon les orientations d'aménagement et de programmation du futur plan ; les éoliennes doivent être implantées dans une zone agricole et non dans un espace protégé par le futur document d'urbanisme ;

- il appartient dans ces conditions à la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction en délivrant l'autorisation sollicitée ; pour la délivrance de cette autorisation, il appartiendra à l'administration de faire application des règles en vigueur à la date du sursis à statuer du 4 octobre 2019 illégal.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 7 décembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n°2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le décret n°2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... A...,

- les conclusions de Mme G..., rapporteure publique,

- et les observations de Me H..., représentant la société Les Pâtis Longs.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 septembre 2016, la société Les Pâtis Longs a déposé en préfecture des Deux-Sèvres une demande d'autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Luzay. Cette demande, déposée en application de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, a été déclarée complète par le service instructeur le 21 novembre 2017 et a fait l'objet d'une enquête publique qui s'est déroulée du 7 janvier au 8 février 2019.

2. La société Les Pâtis Longs a estimé qu'en application de l'article 20 du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014, une décision implicite de rejet de sa demande a pris naissance le 7 juin 2019, soit à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le dépôt par le commissaire enquêteur de son rapport et de ses conclusions. Sa demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet présentée le 21 juin 2019 étant restée sans réponse, la société Les Pâtis Longs a saisi la cour, sur le fondement du 2° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, de la requête n°19BX03245 tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du 7 juin 2019.

3. Le 20 août 2019, le préfet des Deux-Sèvres a transmis à la société Les Pâtis Longs un projet d'arrêté rejetant sa demande de délivrance de l'autorisation unique sollicitée. Compte tenu des observations que la société a formulées sur ce projet de refus, le préfet a décidé, en définitive, par un arrêté du 4 octobre 2019, de retirer la décision implicite de refus du 7 juin 2019 et de surseoir à statuer sur la demande d'autorisation unique jusqu'au 30 septembre 2020. Par la requête n°19BX04310 présentée également sur le fondement du 2° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, la société Les Pâtis Longs demande à la cour d'annuler l'arrêté de sursis à statuer du 4 octobre 2019, dont l'exécution a été suspendue par ordonnance n° 19BX04305 du juge des référés de la cour du 9 janvier 2020.

4. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

5. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente (...) prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ".

6. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 20 mars 2014 modifié : " I - A titre expérimental, et pour une durée de trois ans, sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent (...) soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique " dans le présent titre. Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette ordonnance : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, de : 1° Garantir la conformité des travaux projetés avec les exigences fixées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'ordonnance : " (...) les projets mentionnés à l'article 1er restent soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code de l'environnement et, le cas échéant : 1° Aux dispositions du chapitre III du titre V du livre V du code de l'environnement (...) 3° Lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire, aux dispositions du chapitre VI du titre IV du livre Ier, du chapitre Ier, du chapitre II, de la section 1 du chapitre V du titre II et du chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme ; (...) ". L'article 5 de cette ordonnance dispose que : " L'autorisation unique est instruite et délivrée dans les conditions applicables à l'autorisation prévue aux articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de l'environnement (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle est délivrée pour un parc éolien, l'autorisation unique tient lieu à la fois de permis de construire et d'autorisation d'exploiter au titre de la législation relative aux installations classées. Les dispositions du code de l'urbanisme auxquelles elles renvoient, dans les cas où l'autorisation unique tient lieu de permis de construire, ne comportent pas celles de l'article L. 153-11, précédemment codifiées à l'article L. 123-6, concernant le sursis à statuer en cours d'élaboration d'un plan local d'urbanisme. Ces dispositions renvoient par ailleurs, s'agissant des conditions de délivrance de l'autorisation unique, aux règles régissant les autorisations d'exploiter des installations classées pour la protection de l'environnement, lesquelles ne renvoient pas aux dispositions du code de l'urbanisme concernant le sursis à statuer en cours d'élaboration d'un plan local d'urbanisme.

7. Les requêtes de la société les Pâtis Longs présentent à juger notamment les questions suivantes :

1°) Les dispositions précitées de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme permettent-elles à l'autorité compétente de surseoir à statuer lors de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations autres que celles régies par le livre IV du code de l'urbanisme ' Autorisent-elles, en particulier, l'autorité compétente à prononcer un sursis à statuer, en cours d'élaboration d'un plan local d'urbanisme, sur une demande d'autorisation portant sur un projet soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement '

2°) En cas de réponse affirmative aux questions posées au 1° ci-dessus, l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, qui ne comporte aucun renvoi aux dispositions du code de l'urbanisme relatives au sursis à statuer en cours d'élaboration d'un plan local d'urbanisme, doit-elle être entendue comme excluant l'application du sursis à statuer prévu à l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme '

3°) Et en cas de réponse négative aux questions posées au 1° ci-dessus, le fait que l'autorisation unique, lorsqu'elle est délivrée pour un parc éolien soumis à permis de construire, vaut permis de construire, permet-il par lui-même à l'administration de surseoir à statuer sur une demande d'autorisation unique sur le fondement de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme '

8. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".

9. Les questions de droit exposées ci-dessus présentent une difficulté sérieuse, au demeurant susceptible de se poser dans des litiges autres que ceux portant sur le régime de l'autorisation unique et notamment dans des litiges portant sur le régime de l'autorisation environnementale issue de l'ordonnance n° 2017-86 du 26 janvier 2017, dans lequel les éoliennes sont dispensées de permis de construire en application de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme. Il y a lieu, dès lors, de transmettre l'affaire au Conseil d'Etat en application des dispositions précitées de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les dossiers des requêtes de la société Les Pâtis Longs sont transmis au Conseil d'Etat pour examen des questions de droit définies dans les motifs du présent arrêt.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les requêtes de la société Les Pâtis Longs jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission au Conseil d'Etat des dossiers de ces requêtes.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'au terme de l'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à la société Les Pâtis Longs et au ministre de la transition écologique.

Copie pour information en sera délivrée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme F... B..., présidente,

M. D... A..., président-assesseur,

Mme C... E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth B...

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique chacun en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°19BX03245, 19BX04310


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03245,19BX04310
Date de la décision : 19/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-19;19bx03245.19bx04310 ?
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