La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/03/2021 | FRANCE | N°20BX02772

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 11 mars 2021, 20BX02772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 9 janvier 2019 par laquelle le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de renouvellement de son certificat de résidence.

Par un jugement n° 1902704 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 août 2020 et le 19 novembre 2020, M. F..., représenté par Me I..., demande à la cour :

) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 juin 2020 ;

2°) d'enjoindre à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 9 janvier 2019 par laquelle le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de renouvellement de son certificat de résidence.

Par un jugement n° 1902704 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 août 2020 et le 19 novembre 2020, M. F..., représenté par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 juin 2020 ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un certificat de résidence et, à défaut, une autorisation provisoire de séjour durant le réexamen de sa demande, dans un délai de huit jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de droit car le préfet ne pouvait refuser le renouvellement automatique de son certificat de résidence en application de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien pour un motif d'ordre public, quand bien même une procédure d'expulsion est impossible au regard de son entrée en France avant l'âge de 10 ans et à sa résidence sur le territoire depuis plus de 10 ans ;

- cet arrêté porte atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale et le préfet n'a pas remis en cause l'existence de ses liens privés et familiaux en France ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à son état de santé, quant à la menace grave pour l'ordre public qu'il représenterait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant algérien né le 14 décembre 1979, s'est vu délivrer un certificat de résidence valable du 14 décembre 1997 au 13 décembre 2007, certificat qui a ensuite été renouvelé jusqu'au 13 décembre 2017. Un nouveau renouvellement de ce certificat lui a été refusé par une décision du préfet de la Gironde du 9 janvier 2019, dont l'intéressé a demandé l'annulation au tribunal administratif de Bordeaux. M. F... relève appel du jugement du 24 juin 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d'exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées. / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) / e) Au ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ; / f) Au ressortissant algérien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'un certificat de résidence portant la mention "étudiant" ; (...) / h) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention "vie privée et familiale", lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France. (...) ".

3. En vertu des stipulations du troisième alinéa de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le certificat de résidence valable dix ans est renouvelé automatiquement. Il ressort de ces stipulations qu'aucune restriction n'est prévue au renouvellement automatique du certificat tenant à l'existence d'une menace à l'ordre public. En revanche, cet engagement international ne fait pas obstacle à l'application de la réglementation générale autorisant qu'il soit procédé à l'expulsion d'un étranger suivant les modalités définies par le législateur en fonction de l'importance respective qu'il attache, d'une part, aux impératifs liés à la sauvegarde de l'ordre public et à leur degré d'exigence et, d'autre part, au but d'assurer l'insertion de catégories d'étrangers déterminées en raison de considérations humanitaires, du souci de ne pas remettre en cause l'unité de la cellule familiale ou de l'ancienneté des liens noués par les intéressés avec la France.

4. Pour refuser le renouvellement du certificat de résidence de dix ans de M. F..., le préfet de la Gironde s'est fondé sur le seul motif que l'intéressé représente une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a été condamné à près de trente reprises par des juridictions pénales et qu'il était alors incarcéré au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan depuis le 2 juillet 2018 pour une fin de peine fixée au 6 février 2020. Ainsi qu'il a été exposé au point précédent, l'autorité administrative ne saurait, sans méconnaître le principe du droit de mener une vie familiale normale dont l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 a entendu assurer le respect, légalement opposer à un ressortissant algérien l'existence d'une menace pour l'ordre public, pour justifier le rejet d'une demande de renouvellement de son certificat de résidence. M. F... indique, sans être contredit par la préfète de la Gironde, qu'il est entré en France à l'âge de six ans et qu'il n'est, depuis, jamais retourné en Algérie. Il justifie avoir été mis en possession d'un certificat de résidence de dix ans du 14 décembre 1997 au 13 décembre 2007, puis du 14 décembre 2007 au 13 décembre 2017. Dans ces conditions, M. F... remplissait les conditions fixées par l'article 7 bis précité pour obtenir automatiquement le renouvellement de ce certificat. Le préfet de la Gironde a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont refusé de faire droit à sa demande d'annulation de la décision du 9 janvier 2019 par laquelle le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de renouvellement de son certificat de résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt implique, eu égard à ses motifs, qu'il soit enjoint à la préfète de la Gironde de renouveler le certificat de résidence de M. F.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de M. F... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 200 euros à verser à Me I....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 juin 2020 du tribunal administratif de Bordeaux et la décision du préfet de la Gironde du 9 janvier 2019 refusant le renouvellement du certificat de résidence de M. F... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de renouveler le certificat de résidence de M. F... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me I... la somme de 1 200 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., au ministre de l'intérieur, à Me I... et à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme J... H..., présidente,

Mme A... E..., présidente-assesseure,

Mme D... G..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2021.

La rapporteure,

Kolia G...

La présidente,

Catherine H...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 20BX02772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02772
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : CHRETIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-11;20bx02772 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award