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09/03/2021 | FRANCE | N°20BX01205

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 mars 2021, 20BX01205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 15 juin 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade.

Par un jugement n° 1803406 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mars 2020, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 15 juin 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade.

Par un jugement n° 1803406 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mars 2020, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée du préfet de la Gironde du 15 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;

- l'existence d'un rapport médical, sa transmission au collège de l'OFII et la date de cette transmission ne sont pas établis ; il n'est pas établi que le médecin instructeur n'a pas siégé au sein du collège de l'OFII ; la régularité de la composition du collège de l'OFII n'est pas établie ;

- le caractère collégial de la délibération du collège de médecin n'est pas établi ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son enfant ne peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie ;

- le préfet s'est cru lié par l'avis du collège de l'OFII ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par décision du 5 mars 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco- algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

-le rapport de Mme F...,

- et les observations de Me C... représentant les intérêts de M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien, est entré régulièrement en France le 12 janvier 2017 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 10 avril 2017, il a sollicité auprès du préfet de la Gironde la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décision du 15 juin 2018 le préfet de la Gironde a rejeté sa demande. M. E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Si les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance n'interdit pas au préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, de délivrer à ces ressortissants une autorisation provisoire de séjour pour accompagnement d'un enfant malade.

3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

4. Aux termes de l'article R. 313-23 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. Le collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu un avis le 22 décembre 2017 selon lequel l'état de santé du fils de M. E... nécessite une prise en charge médicale mais a également indiqué que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

7. Le requérant soutient pour la première fois en appel que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure faute pour le préfet de la Gironde de justifier du nom du médecin instructeur qui a rédigé le rapport médical, de la date de la transmission de ce rapport au collège de l'OFII et de la preuve que ce médecin auteur du rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de l'OFII. A cet égard, le préfet s'il produit l'avis du collège des médecins de l'OFII précité, ne produit aucune pièce portant l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical, ni aucun autre élément permettant de retenir que ce rapport médical sur l'état de santé du fils de M. E... prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été établi par un médecin qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII dont les noms et signatures figurent sur l'avis transmis au préfet de la Gironde. Par suite, en l'absence de tout élément permettant d'estimer que l'avis du collège de médecins a été émis au vu d'un rapport médical par un médecin agréé, dans une composition qui ne méconnaît pas la règle fixée à l'article R. 313-23 précité du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, le requérant est fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure et, par suite, à en demander pour ce motif l'annulation.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Eu égard au motif d'annulation retenu et alors qu'aucun autre moyen n'est en l'état du dossier susceptible d'être retenu, le présent arrêt n'implique pas la délivrance au requérant de l'autorisation sollicitée. En revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de la situation de M. E... et de prendre une nouvelle décision sur sa demande dans le délai de trois mois suivant l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

10. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 5 mars 2020. Son conseil peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. E... d'une somme de 1 200 euros à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 octobre 2019 et la décision préfectorale du 15 juin 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. E... et de prendre une nouvelle décision sur sa demande dans le délai de trois mois suivant l'arrêt à intervenir et de délivrer à M. E..., dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : En application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera à Me A..., avocat de M. E..., la somme de 1 200 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme H... B..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme D... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01205
Date de la décision : 09/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-09;20bx01205 ?
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