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09/03/2021 | FRANCE | N°19BX04970

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 mars 2021, 19BX04970


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association de défense du Bois de Bouéry a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a accordé à la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize un permis de construire sept éoliennes, deux postes de livraison et un pylône de supervision sur le territoire de la commune de Mailhac-sur-Benaize.

Par un jugement n° 1700765 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à sa demande.

Pro

cédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2019 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association de défense du Bois de Bouéry a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a accordé à la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize un permis de construire sept éoliennes, deux postes de livraison et un pylône de supervision sur le territoire de la commune de Mailhac-sur-Benaize.

Par un jugement n° 1700765 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2019 et le 11 août 2020, la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de l'Association de défense du Bois de Bouéry :

3°) subsidiairement, de sursoir à statuer dans l'attente de la régularisation du permis de construire par le préfet de la Haute-Vienne ;

4°) de mettre à la charge de l'association intimée la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la demande de première instance était tardive en application de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme ;

- les avis du CRNSP et de la MRAE émis s'agissant de l'autorisation d'exploiter ne pouvaient être pris en compte par les premiers juges ;

- le tribunal aurait dû faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-15 du code de l'environnement est infondé dès lors que le projet de parc éolien ne comporte pas de conséquences dommageables pour l'environnement ; le projet ne se situe pas dans une zone sensible ni dans une zone d'inventaire ou de protection au titre de l'environnement à la date d'édiction de l'arrêté en litige ; ce n'est que le 22 juillet 2019 que le bois de Bouéry a été classé en ZNIEFF de type 1 ; les zones Natura 2000 et ZNIEFF sont répertoriées dans un périmètre de 18 km autour du projet ; le bois de Bouéry est exploité dans sa totalité de longue date ;

- s'agissant des chiroptères aucun impact n'est retenu durant la phase chantier ;

- eu égard aux mesures d'évitement prises, l'étude d'impact a retenu un impact résiduel ou nul sur l'avifaune ; les prescriptions prévues seront mentionnées dans l'autorisation d'exploiter ;

- subsidiairement, la cour peut sursoir à statuer dans l'attente de la mise en oeuvre d'une mesure de régularisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2020, l'Association de défense du Bois de Bouéry, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- la requérante ne peut présenter des conclusions nouvelles tendant à l'application de l'article R. 600-5-1 en cause d'appel ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal doit être confirmé compte tenu des très nombreuses espèces de chiroptères et d'oiseaux protégés présentes dans le bois classé depuis le 22 juillet 2019 en ZNIEFF de type 1 ; les chiroptères en période de chasse ne détectent pas les pales en rotation et meurent par collision ou barotraumisme ; ainsi, les nombreuses espèces protégées risquent de disparaitre d'autant que la création de chemin d'accès aux machines augmente l'effet lisière ; les éoliennes se trouvent dans un couloir migratoire d'espèces protégées notamment de la Gue Cendrée et aucune des mesures d'évitement ne permet de supprimer le risque de collision de cette espèce en voie de disparition avec les pales d'une hauteur de 180 mètres ; ainsi l'arrêté en litige méconnait l'article R. 111-15 devenu R. 111-26 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact est insincère et insuffisante, en outre la réponse de la société pétitionnaire concernant les chiroptères est erronée et tronque volontairement les recommandations d'Eurobats ; l'autorité environnementale et le conseil scientifique régional du patrimoine naturel de Nouvelle-Aquitaine ont émis de grandes réserves sur ce projet et notamment sur la bonne prise en compte des impacts du projet sur les espèces protégées présentes sur le site ; les mesures d'évitement, réduction et compensation (ERC) proposées par le pétitionnaire sont insuffisantes ;

- l'arrêté méconnait l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme en l'absence d'étude d'impact jointe au dossier ;

- l'arrêté méconnait l'article R. 111-21 du code de l'environnement compte tenu de la qualité du site naturel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F...,

- les conclusions de Mme I..., rapporteure publique,

- les observations de Me D... représentant la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize, et les observations de Me G... représentant l'association de défense du Bois de Bouéry.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 décembre 2016, le préfet de la Haute-Vienne a délivré à la société EDF EN France devenue EDF Renouvelables France, un permis de construire un parc éolien comprenant sept aérogénérateurs d'une hauteur de 180 mètres en bout de pale, deux postes de livraison et un pylône de supervision sur le territoire de la commune de Mailhac-sur-Benaize. L'association de défense du Bois de Bouéry a demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 31 octobre 2019, le tribunal a fait droit à sa demande. La société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize, venant aux droits de la société EDF EN France, relève appel de ce jugement et à titre subsidiaire, demande à la cour de sursoir à statuer dans l'attente d'une mesure de régularisation.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, aujourd'hui reprises à l'article R. 111-26 : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ".

3. Il résulte des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

4. Il résulte de l'instruction que le site d'implantation du projet se trouve dans le bois de Bouéry, une forêt exploitée constituée de chênaies acidiphiles plutôt jeunes, classé en zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1 depuis le 22 juillet 2019. Comme l'ont souligné la mission régionale d'autorité environnementale et le conseil scientifique régional du patrimoine naturel, ce bois constitue une réserve importante de biodiversité, l'étude d'impact ayant permis d'identifier dans l'aire d'étude notamment 23 espèces d'oiseaux et 19 espèces de chiroptères dont 11 ont un statut particulier de protection et 3 sont menacées. Toutefois, l'implantation du projet ne nécessite que le défrichement de 2,6954 hectares, représentant 1,116 % seulement de la surface totale de la zone boisée. Si le projet aura nécessairement pour effet de créer des pistes d'accès, des lisières et des clairières artificielles en milieu forestier, aucune espèce protégée n'a été identifiée sur le site d'implantation proprement dit, s'agissant tant de la flore que de la faune, et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction, même si le choix d'implantation d'un parc éolien en milieu forestier peut paraître inopportun comme l'a relevé la mission régionale d'autorité environnementale, que la présence ou le fonctionnement du parc éolien seraient par eux-mêmes de nature à modifier la cohérence écologique du site. S'agissant en particulier de l'Autour des palombes, dont la présence a été observée en 2016 à proximité du site, le risque de perte d'habitat a été qualifié de négligeable par l'étude d'impact dès lors qu'il n'a pas été repéré comme nichant dans la zone du projet selon les données recueillies en 2014 et 2015 ainsi que par une étude complémentaire réalisée en février 2019. Aucun élément de l'instruction ne contredit ces conclusions. Au demeurant, afin d'éviter ou de réduire le risque de perte d'oiseaux nicheurs, le pétitionnaire s'est engagé à débuter les travaux en dehors de la phase de reproduction des oiseaux et rapaces soit du 1er février au 1er juillet. Il est en outre prévu afin de favoriser leur installation dans des zones éloignées des éoliennes, la création d'îlots de vieillissement de bois. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les engagements pris par le pétitionnaire dans l'étude d'impact, qui était jointe au dossier de demande de permis de construire, font nécessairement partie de la conception du projet tel qu'il a été autorisé. S'agissant de la Grue cendrée, aucun animal de l'espèce n'a été recensé dans la zone du projet et compte tenu de la hauteur de vol de ces oiseaux, généralement au-dessus de 200 mètres au-dessus du sol, et de l'éloignement de 300 mètres entre chaque éolienne, aucun risque significatif appelant des prescriptions autres que celles susceptibles d'être édictées au titre de la règlementation des installations classées pour la protection de l'environnement ne résulte de l'instruction. S'agissant des dix-neuf espèces protégées de chiroptères recensées dans la zone, l'impact du défrichement sur le site doit être regardé comme négligeable dès lors que les arbres qui seront coupés sont jeunes et ne présentent ni cavité ni écorces soulevées pouvant révéler la présence de chiroptères. La création des chemins d'accès aux éoliennes augmentera certes les linéaires de lisières, favorables au transit et à la chasse des chiroptères mais le risque de surmortalité de ces animaux induit par l'augmentation des zones de chasses à proximité des éoliennes a été pris en compte par le pétitionnaire qui prévoit de mettre en oeuvre un plan de mesures de bridage des machines adaptées à l'activité des chiroptères. Ainsi qu'il a été dit, les mesures indiquées dans l'étude d'impact sont partie intégrante du projet tel qu'il a été autorisé et les mesures de bridage et autres mesures de protection des chiroptères sont susceptibles d'être imposées au pétitionnaire au titre de la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.

5. Par ailleurs, tout risque de destruction d'habitats ou d'animaux appartenant à des espèces protégées n'étant pas exclu, même si les mesures de réduction permettent de qualifier ces risques de faibles, la société devra solliciter une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats, en application de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Une demande d'autorisation d'exploiter le parc éolien au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement a également été présentée par la société pétitionnaire. Dans ces conditions, eu égard aux contrôles et mesures auxquels doivent donner lieu ces procédures de dérogation et d'autorisation d'exploiter, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, pour contester la légalité du permis de construire au regard des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme, de la circonstance, qui concerne l'exploitation de l'installation, que les mesures compensatoires et préventives retenues pour réduire les impacts du projet sur l'avifaune migratrice et les chiroptères présenteraient un caractère insuffisant ou inadapté.

6. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que les mesures prescrites dans l'arrêté d'autorisation de défrichement seraient insuffisantes au point que le préfet aurait dû assortir le permis de construire en litige de prescriptions complémentaires, notamment au regard de la recommandation Eurobats, dépourvue de valeur réglementaire, selon laquelle les appareils devraient être implantés à 200 mètres au moins des lisières boisées.

7. Dans ces circonstances, en n'assortissant pas l'arrêté attaqué de prescriptions spéciales, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 111-15 devenu R. 111-26 du code de l'urbanisme. Il y a lieu pour la cour de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres moyens invoqués en première instance et en appel par l'Association de défense du Bois de Bouéry.

Sur les autres moyens développés à l'encontre de l'arrêté :

En ce qui concerne le mandat donné par les propriétaires :

8. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées (...) ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) (...) par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs ; (...) La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R.423-1 pour déposer une demande de permis ". Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif.

9. En l'espèce, le dossier de demande de permis de construire comprend le formulaire CERFA signé par le pétitionnaire et attestant de sa qualité pour demander le permis de construire sollicité. Par suite, le moyen tiré de l'absence de mandat du pétitionnaire doit être écarté.

En ce qui concerne le contenu de l'étude d'impact :

10. En vertu de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, le permis de construire a pour objet de vérifier que les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords. L'article R. 431-16 du même code, relatif à certaines pièces complémentaires qui doivent être jointes à la demande de permis de construire en fonction de la situation ou de la nature du projet dispose que : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du code de l'environnement ; (...) ". Le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement dresse la liste des travaux, ouvrages ou aménagements soumis à une étude d'impact, notamment lorsqu'ils sont subordonnés à la délivrance d'un permis de construire.

11. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de joindre l'étude d'impact au dossier de demande de permis de construire prévue par l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ne concerne que les cas où l'étude d'impact est exigée en vertu des dispositions du code de l'environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l'urbanisme.

12. Le projet litigieux, qui correspond à un parc éolien comportant des aérogénérateurs dont le mât a une hauteur supérieure à 50 mètres, est soumis à autorisation au titre de la législation sur les installations classées sur le fondement de la rubrique n° 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Il est, par voie de conséquence, soumis à étude d'impact en application du 1° du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. Dès lors, en revanche, qu'aucune rubrique du même tableau ni aucune disposition du code de l'environnement n'impose la réalisation d'une étude d'impact préalablement à la délivrance d'un permis de construire un parc éolien, une telle étude n'avait pas à figurer à titre obligatoire dans les dossiers de demande de permis présentés par la société pétitionnaire. Dans ces conditions, et alors même que le pétitionnaire a choisi de joindre une étude d'impact à son dossier de demande, l'Association de défense du Bois de Bouéry ne peut utilement critiquer l'insuffisance de l'étude d'impact à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation du permis de construire.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

13. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, devenu l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

14. Le parc éolien autorisé est composé notamment de sept aérogénérateurs d'une hauteur de 180 mètres, pales comprises, implantés sur un axe nord-ouest/sud-est. Il est situé sur le plateau limousin, dans un environnement essentiellement forestier, et est divisé en deux secteurs distincts implantés au plus près à 2,5 kilomètres à l'ouest du bourg de Mailhac-sur-Benaize et à 3 kilomètres à l'est du bourg de Saint-Léger-Magnazeix, à proximité du parc régional de la Brenne. Le territoire d'implantation du parc éolien porté par la société Parc éolien de Mailhac sur Benaize, boisé et rural, est emblématique de la Basse-Marche et se trouve non loin de plusieurs sites naturels, culturels ou historiques classés ou inscrits, et notamment à 600 mètres du dolmen de la Pierre levée, à 800 mètres de l'enceinte du Camp de César, à 1,6 kilomètres du dolmen de l'Héritière, à 4,6 kilomètres du château de Lascroux, à 4,9 kilomètres de l'église de Cromac, à 3,1 kilomètres de l'église de Saint-Léger-Magnazeix, et à 3,8 kilomètres du lac de Mondon. Ainsi, le site présente un intérêt paysager certain.

15. Il résulte toutefois de l'instruction que les éoliennes ne seront que très peu visibles de l'enceinte quadrilatère dite " Camp de César " compte tenu de l'environnement boisé et des mesures de mise en valeur de ce site qui sont par ailleurs prévues par le pétitionnaire. Le dolmen de l'Héritière situé sur une parcelle privée et clôturée non accessible au public, ne sera également que faiblement impacté dès lors que depuis le chemin d'accès duquel une covisibilité est possible, il constitue un élément peu visible du paysage. De même le dolmen dit de la " Pierre levée ", situé dans le bois de feuillus, ne sera que très faiblement impacté par le parc. Le projet se trouve par ailleurs à une distance telle des autres éléments patrimoniaux et touristiques majeurs du territoire que les vues peuvent être qualifiées de négligeables et aucune covisibilité marquée ne résulte de l'instruction. Compte tenu de la présence de filtres visuels, il ne résulte pas davantage de l'instruction que la présence du parc éolien serait de nature à modifier significativement la perception du paysage naturel du secteur.

16. Enfin, les effets cumulés du parc éolien avec les autres parcs situés entre 5 kilomètres et 17 kilomètres du projet en litige, sont évalués comme négligeables à faibles par l'étude d'impact et aucun élément de l'instruction ne permet de remettre en cause cette appréciation. Il résulte également de l'instruction, et notamment des éléments non sérieusement contestés de l'étude d'impact, que les covisibilités avec le parc de Jouac sont peu fréquentes en raison de la trame bocagère et n'induisent pas de saturation visuelle compte tenu de leur éloignement. Enfin, d'éventuels effets cumulés avec les parcs éoliens d'Arnac-la-Poste et Saint-Hilaire-la-Treille et de la Ferme éolienne de Rimalets, situés à 4 km et 6 kilomètres du projet, n'ont pas d'incidence pour l'appréciation d'une atteinte à l'intérêt paysager des lieux au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du permis contesté, ils avaient donné lieu à autorisation.

17. Il s'ensuit qu'en délivrant le permis contesté, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

18. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

19. Selon l'étude acoustique réalisée à la demande du pétitionnaire, les émergences sonores consécutives au fonctionnement des éoliennes ne dépasseront pas les seuils réglementaires pour l'ensemble des habitations concernées par le projet éolien quelles que soient les périodes du jour ou de la nuit et les conditions de vent considérées. Il ne résulte pas de l'instruction que la méthodologie suivie par les auteurs de l'étude acoustique aurait insuffisamment appréhendé les conséquences au plan sonore du fonctionnement du parc éolien projeté notamment sur l'habitation des personnes mentionnées par l'association. Des mesures de suivi en cours d'exploitation sont en outre prévues par le pétitionnaire et s'imposeront à lui en vertu de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, afin de s'assurer de la continuité du respect des seuils règlementaires. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par le permis de construire des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a prononcé l'annulation du permis de construire du 9 décembre 2016.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'Association de défense du Bois de Bouéry demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'Association de défense du Bois de Bouéry, la somme que demande la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif par l'Association de défense du Bois de Bouéry ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association de défense du Bois de Bouéry, à la SAS Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de la transition écologique.

Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme H... A..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme E... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth A...

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04970


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04970
Date de la décision : 09/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET BCTG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-09;19bx04970 ?
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