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09/03/2021 | FRANCE | N°19BX00179

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 mars 2021, 19BX00179


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 janvier 2019, le 19 août 2019 et le 27 février 2020, l'Association de défense du Bois de Bouéry, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision préfectorale du 14 décembre 2018 autorisant au profit de la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize le défrichement de 2,6954 hectares de parcelles de bois situées à Mailhac-sur-Benaize ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice a

dministrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- la société...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 janvier 2019, le 19 août 2019 et le 27 février 2020, l'Association de défense du Bois de Bouéry, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision préfectorale du 14 décembre 2018 autorisant au profit de la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize le défrichement de 2,6954 hectares de parcelles de bois situées à Mailhac-sur-Benaize ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- la société n'est pas propriétaire des parcelles à défricher et n'a pas reçu de mandat en méconnaissance des dispositions de l'article R. 341-1 du code forestier ;

- la demande d'autorisation de défrichement a été déposée après le 30 juin 2017 ; elle aurait dû faire l'objet d'une autorisation environnementale unique au sens de l'article L. 181-1 du code de l'environnement soumise à enquête publique et non d'une procédure distincte de celle de l'autorisation d'exploiter le parc éolien ;

- l'étude d'impact est insuffisante et insincère au regard des dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ; sa sincérité est douteuse car deux bureaux d'études sont intervenus sans qu'aucune explication ait été donnée sur ce point ; l'étude d'impact est illisible pour le public ; l'étude est insuffisante quant au risque de destruction de gîtes à chiroptères, dont de très nombreuses espèces sont présentes, la société Encis environnement s'étant bornée à analyser les photographies prises par la société Calidris sans se rendre sur place ; l'absence d'étude précise des espèces patrimoniales traduit le manque de sérieux de l'étude ; de très nombreuses espèces de chiroptères et d'oiseaux protégés au titre de l'article L. 411-1 du code de l'environnement sont présentes et il est inquiétant de noter que la dérogation au titre de l'article L. 411-2 de ce code n'a pas été sollicitée ;

- l'autorisation a été délivrée en méconnaissance de l'article L. 341-5 du code forestier dès lors qu'il est manifeste que le défrichement est de nature à rompre l'équilibre biologique du bois ; l'étude d'impact révèle la présence dans l'aire d'étude immédiate de trois espèces végétales présentant un état de conservation ou de protection particulier, vingt-trois espèces d'oiseaux protégés et dix-neuf espèces de chauves-souris dont onze présentant un statut de protection particulier ; le préfet, qui a nié l'existence d'espèces protégées dans la zone à défricher, n'a pas pris en compte la présence de chiroptères ; le préfet ne reprend pas dans sa décision l'indication de la société Calidris selon laquelle le défrichement ne pourra être réalisé qu'entre le 15 septembre et le 15 novembre ; la décision se borne à interdire la réalisation des travaux pendant la période de nidification qui va du 1er février au 31 juillet ; ainsi la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; le choix de la zone à défricher est incompatible avec le maintien des populations de chiroptères ; le bureau d'études Encis environnement, la DREAL, le groupe mammalogique et herpétologique du Limousin, l'association Limousin nature environnement, le conseil scientifique régional du patrimoine naturel Nouvelle-Aquitaine et la mission régionale d'autorité environnementale ont estimé que l'emplacement dans une forêt de feuillus où étaient présentes de nombreuses espèces protégées était difficilement compatible avec un projet éolien.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2019 et le 6 mars 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 septembre 2019 et le 11 mars 2020, la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Association de défense du Bois de Bouéry de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable, faute pour la requérante de justifier de son intérêt à agir et qu'au fond, aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- les conclusions de Mme H..., rapporteure publique,

- les observations de Me F... représentant l'association de défense du bois de Bouéry et les observations de Me C... représentant la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize.

Considérant ce qui suit :

1. La société EDF EN France devenue EDF Renouvelables France, a sollicité le 17 décembre 2015 une autorisation pour le défrichement de 2,6954 hectares de parcelles de bois situées à Mailhac-sur-Benaize, dans le cadre d'un projet de construction et d'exploitation d'un parc de sept éoliennes et de deux postes de livraison. Par décision du 15 avril 2016, le préfet de la Haute-Vienne a accordé l'autorisation sollicitée. Le 14 décembre 2018, la même autorité a abrogé la précédente autorisation de défrichement et pris une nouvelle autorisation au profit de la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize, société par action simplifiée filiale de la société EDF Renouvelables France. L'Association de défense du Bois de Bouéry demande à la cour, compétente en premier ressort, l'annulation de la décision du 14 décembre 2018 portant autorisation de défrichement.

Sur le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance susvisée du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, dans sa rédaction issue de l'article 60 de la loi du 10 août 2018 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° (...) les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état (...) ". Le chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement prévoit, notamment, en son article L. 181-17 que : " Les décisions (...) mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ". Enfin, parmi les actes énumérés par le I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement figure l'" autorisation de défrichement en application des articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier ".

3. Il résulte de ces dispositions que les autorisations de défrichement en cours de validité au 1er mars 2017 et portant sur des projets d'installation d'éoliennes terrestres doivent être regardées comme des autorisations environnementales au sens des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement. Conformément aux dispositions de l'article L. 181-17 du même code, il revient dès lors au juge de statuer dans le cadre d'un contentieux de pleine juridiction et d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Le juge peut par ailleurs, le cas échéant, mettre en oeuvre les procédures de régularisation prévues par l'article L. 181-18 du même code.

Sur la légalité de l'autorisation de défrichement du 22 décembre 2018 :

4. En application de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, l'autorisation unique est entrée en vigueur le 1er mars 2017 mais sous certaines réserves et notamment celle du 3° de cet article qui dispose que : " Les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement auxquels un projet d'activités, installations, ouvrages et travaux prévus par l'article L. 181-1 du même code est soumis ou qu'il nécessite qui ont été régulièrement sollicités ou effectués avant le 1er mars 2017 sont instruits et délivrés ou acquis selon les dispositions législatives et réglementaires procédurales qui leur sont propres, et le titulaire en conserve le bénéfice en cas de demande d'autorisation environnementale ultérieure ; toutefois, dans ce dernier cas, lorsqu'une autorisation de défrichement n'a pas été exécutée, elle est suspendue jusqu'à la délivrance de l'autorisation environnementale ; le régime prévu par le 1° leur est ensuite applicable ".

5. Il est constant que la société pétitionnaire a déposé des demandes de permis de construire, d'autorisation d'exploiter et de défricher en vue de réaliser son projet de parc éolien de Mailhac-sur-Benaize, respectivement le 17 décembre 2015 et le 21 décembre 2015, soit avant l'entrée en vigueur de l'autorisation unique. Si une demande d'autorisation de défrichement modificative a ensuite été déposée en juin 2017 par la société EDF EN France, elle ne visait qu'à transférer l'autorisation de défrichement accordée le 15 avril 2016 à sa filiale la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize. Par suite, cette dernière demande qui a fait l'objet d'une mise à disposition du public du 18 octobre 2018 au 18 novembre 2018 n'avait pas, compte tenu que le permis de construire sollicité avait déjà été obtenu depuis le 9 décembre 2016, à suivre la procédure d'instruction unique prévue par l'ordonnance du 26 janvier 2017 pour la délivrance de l'autorisation environnementale.

6. Aux termes de l'article R. 341-1 du code forestier : " La demande est présentée soit par le propriétaire des terrains ou son mandataire (...) / La demande est accompagnée d'un dossier comprenant les informations et documents suivants : / 1° Les pièces justifiant que le demandeur a qualité pour présenter la demande et, hors le cas d'expropriation, l'accord exprès du propriétaire si ce dernier n'est pas le demandeur (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que les propriétaires des parcelles concernées par le projet de défrichement ont donné leur accord à ce projet et ont autorisé la société " EDF EN France " et " toute société qui lui soit affiliée en charge du développement de projets éoliens ", à déposer la demande de défrichement. L'association ne conteste pas que la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize est une filiale à 100 % de la société EDF EN France qui en est également la présidente et qu'elle s'est substituée à cette dernière pour mener ce projet. Ainsi qu'il a été dit, la société EDF EN France, ainsi que le mentionne l'arrêté en litige, a déposé une demande d'autorisation modificative en vue de transférer à sa filiale l'autorisation de défrichement initialement délivrée à son profit. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de mandat des propriétaires donné à la société Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize doit être écarté.

8. Aux termes de l'article R. 341-1 du code forestier, la demande d'autorisation de défrichement est accompagnée d'un dossier comportant les informations et documents suivants : " 1° Les pièces justifiant que le demandeur a qualité pour présenter la demande et, hors le cas d'expropriation, l'accord exprès du propriétaire si ce dernier n'est pas le demandeur ou, en cas d'application des articles L. 323-4 et L. 433-6 du code de l'énergie et de l'article L. 555-27 du code de l'environnement, l'accusé de réception de la notification au propriétaire de la demande d'autorisation ; (...) 8° S'il y a lieu, l'étude d'impact définie à l'article R. 122-5 du code de l'environnement lorsqu'elle est requise en application des articles R. 122-2 et R. 122-3 du même code ; 9° Une déclaration du demandeur indiquant si, à sa connaissance, les terrains ont été ou non parcourus par un incendie durant les quinze années précédant l'année de la demande;10° La destination des terrains après défrichement ; 11° Un échéancier prévisionnel dans le cas d'exploitation de carrière ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.- L'étude d'impact présente : (...) / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur (...) le sol, l'eau, (...) ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; (...) / VII.- Pour les installations classées pour la protection de l'environnement relevant du titre Ier du livre V du présent code (...), le contenu de l'étude d'impact est précisé et complété en tant que de besoin conformément aux articles R. 512-6 et R. 512-8 du présent code (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 512-8 du même code : " I.- Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II. - Le contenu de l'étude d'impact est défini à l'article R. 122-5. Il est complété par les éléments suivants : 1° L'analyse mentionnée au 3° du II de l'article R. 122-5 précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions (...) de l'eau et des sols (...) ".

9. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

10. L'étude d'impact jointe à la demande du pétitionnaire a été réalisée par deux bureaux d'études, les études relatives aux milieux naturels et à l'étude paysagère ayant été réalisées par le bureau d'étude Encis Environnement, spécialisé sur les questions environnementales et d'énergie renouvelable, tandis que les études du milieu naturel sur le choix de la réalisation du projet, l'évaluation des impacts, la définition des mesures et les incidences Natura 2000 ont été réalisées par le bureau d'études Calidris, possédant une expérience s'agissant de l'exploitation des projets. Il ne résulte pas de l'instruction que le choix de ces bureaux d'étude aurait été de nature à rendre l'étude d'impact insincère ou insuffisante ni que la répartition de leurs contributions respectives, ainsi d'ailleurs que des contributions de divers autres organismes, notamment pour l'étude des zones humides ou le volet acoustique, clairement exposée en pages 21 et suivantes de l'étude d'impact, ait nuit à la lisibilité ou à la pertinence de cette étude, même si la mission régionale d'autorité environnementale de Nouvelle-Aquitaine a souligné, sans d'ailleurs rattacher cette remarque à l'intervention de divers organismes dans la réalisation de l'étude d'impact, qu'une synthèse et un renvoi précis aux nombreuses annexes de l'étude d'impact aurait mérité d'être réalisés.

11. S'agissant de l'étude des chiroptères présents sur le site, la requérante soutient qu'en l'absence de déplacement sur les lieux, elle est insuffisante. Il résulte de l'instruction que l'étude réalisée par le bureau d'études Calidris sur les gîtes des chiroptères a été réalisée par des investigations sur le terrain consistant à procéder à des écoutes sur différents points du site. Ainsi une première visite a été réalisée le 24 juillet 2014 en vue de rechercher et de dénombrer les gites des chiroptères et une seconde visite réalisée le 21 juillet 2015 a permis de préciser l'emplacement des aménagements. Des inventaires par ultrasons ont ensuite été menés selon un calendrier indiqué dans l'étude, comportant dix dates échelonnées sur la période de mise-bas et d'élevage des jeunes, de transit automnal et printanier et de gestion, ainsi que des inventaires ultrasoniques en continu sur des périodes de 52, 86 et 59 nuits selon les phases biologiques choisies et sur dix points d'écoute. Les données recueillies sous forme de tableau récapitulatif qui inventorie la présence de gîtes de chiroptères ont été prises en compte pour analyser l'état initial et la définition des enjeux ainsi que pour l'évaluation de la sensibilité environnementale.

12. Contrairement à ce qui est soutenu, si pour déterminer les sites à défricher le bureau d'études Calidris se réfère à la jeunesse des arbres, il ne s'agit pas du seul critère retenu. Ainsi lorsqu'il a été constaté qu'un arbre jeune peut présenter un intérêt pour les gîtes des chiroptères, il a été procédé à un examen afin de déterminer s'il comporte des indices tels que des trous de pic ou des écorces soulevées, permettant de penser qu'il constitue un gite potentiel. L'étude conclut que l'impact du défrichement sur le site concerné est nul du fait que les arbres qui seront coupés sont jeunes et n'offrent ni cavité ni écorces soulevées sur les zones d'emprise des défrichements.

13. En outre, bien qu'elle conclut à l'absence d'espèces protégées dans la zone à défricher, il ressort de l'étude d'impact qu'elle prévoit, le cas échéant, différentes mesures d'évitement concernant notamment l'atteinte à l'avifaune et aux chiroptères. Ainsi, la période de défrichement est limitée du 15 septembre au 15 novembre pour éviter la période de reproduction. Elle prévoit en outre que lors de la réalisation des travaux, un écologue accompagnera le déroulement du chantier pour s'assurer que, suivant les expertises réalisées, aucun arbre abritant un gite ne sera abattu. L'étude prévoit encore que tout arbre découvert comme constituant potentiellement un arbre gite sera inspecté avant abattage et que des ilots de vieillissement seront créés ainsi que des gites artificiels. L'étude d'impact ne peut donc pas être regardée comme lacunaire sur ce point. En outre, les mesures d'évitement ne traduisent pas, par elles-mêmes, une insuffisance de l'étude d'impact quant au recensement des espèces présentes ni quant à l'impact du projet sur ces espèces.

14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré des insuffisances de l'étude d'impact doit être écarté.

15 Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : (...) 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population. "

16. Il résulte de l'instruction que le défrichement autorisé porte sur 2,6954 hectares, surface représentant 1,116 % de la surface totale de la zone boisée considérée, essentiellement composée de feuillus. L'étude d'impact, dont le caractère insuffisant ou insincère ne résulte pas de l'instruction, conclut à une absence d'impact significatif des travaux sur le milieu naturel, la surface à défricher étant limitée et fragmentée et les travaux s'inscrivant dans le cycle habituel de gestion du massif boisé, aucune espèce protégée n'ayant été identifiée dans la zone à défricher et les travaux devant se dérouler de jour, hors activité de chasse des chiroptères. De plus, selon l'étude d'impact, l'effet barrière des éoliennes en projet sur la migration des oiseaux ne devrait pas avoir un impact biologique défavorable significatif dès lors notamment qu'aucun couloir migratoire n'a été identifié au-dessus du parc. S'agissant de l'effet lisière induit par la création des chemins d'accès au parc, selon l'étude, compte tenu que les chiroptères concentrent leur activité le long des chemins forestiers et que les zones défrichées sont constituées de jeunes arbres, aucun habitat de chasse ne sera détruit.

17. Si postérieurement à l'avis de l'autorité environnementale, par décision du 22 juillet 2019, le massif du bois de Bouéry a été classé en ZNIEFF de type I, cette circonstance ne peut à elle seule traduire une atteinte à l'équilibre biologique dont cette zone fait l'inventaire alors que le bois de Bouéry est pour une grande partie, 100 hectares, soumis à un plan simple de gestion encadrant son exploitation sylvicole.

18. S'agissant du choix des zones à défricher, l'association soutient que la zone retenue n'est pas conforme aux recommandations d'Eurobats d'éloigner les parcs éoliens de 200 mètres des secteurs boisés et n'est pas compatible avec la préservation des chiroptères. L'étude d'impact consacre un chapitre 4 au choix du projet et rappelle que le site est compatible avec le schéma régional éolien et après avoir indiqué que cinq sites distincts ont été étudiés, elle procède à l'analyse détaillée des raisons du choix retenu. A cet égard, les recommandations d'Eurobats n'ont aucun effet contraignant. Au demeurant, si les prairies et les zones ouvertes sont à privilégier pour l'implantation d'un parc éolien, il ne résulte pas de l'instruction que les secteurs boisés et feuillus devraient être exclus, sous réserve de mesures adaptées, comme l'indique la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement. La requérante ne peut davantage à cet égard se prévaloir des deux courriers du groupement mammologique et herpétologique du Limousin et de la contribution de l'association naturaliste Limousin nature environnement, dont les éléments ne permettent pas de remettre en cause les conclusions de l'étude d'impact sur ce point.

19. L'article 4 de l'autorisation de défrichement en litige prévoit que les travaux de défrichement seront réalisés en dehors des périodes de nidification, du 1er février au 1er juillet et qu'ils seront exécutés selon les modalités prévues au dossier. Le dossier, et notamment l'étude d'impact, exclut les travaux en période de reproduction de l'avifaune de février à juillet et prévoit un suivi par un expert écologue qui accompagnera le déroulement du chantier pour s'assurer que, suivant les expertises réalisées, aucun arbre gite ne sera abattu. Le dossier prévoit également des mesures de bridage ou d'arrêt des machines adaptées à l'activité des chiroptères et permettant de réduire les risques de collision des oiseaux. L'étude prévoit également à titre de mesure compensatoire la création d'ilots de vieillissement et la pose de gites artificiels pour accueillir les chiroptères. Par ailleurs, au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement, l'exploitant sera soumis à des mesures de suivi de mortalité et a prévu de telles mesures les trois premières années après la mise en service du parc éolien puis une fois tous les dix ans selon la fréquence de 41 passages par an, ainsi qu'un suivi de l'activité des chiroptères en altitude à partir d'une nacelle ou d'un mat de supervision. L'article 4 de l'autorisation prévoit enfin que le pétitionnaire versera à titre de mesure compensatoire des destructions du massif une somme de 9 703,44 euros au fonds stratégique de la forêt et du boisement. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'ensemble de ces mesures serait insuffisant pour permettre d'assurer le respect de l'équilibre biologique du territoire concerné, alors surtout que, comme il a été dit, s'agissant de l'impact du défrichement sur le milieu naturel, il n'a pas été identifié comme significatif.

20. Enfin, si toutes les mesures préconisées dans l'étude d'impact ne sont pas rappelées dans l'arrêté, ainsi qu'il a été dit précédemment, ces mesures sont reprises dans le tableau synoptique des impacts et mesures figurant à l'étude d'impact et doivent être regardées comme engageant la société pétitionnaire dès lors que l'autorisation, délivrée au vu du dossier de demande comportant l'étude d'impact, est subordonnée au respect des mesures qui y sont présentées, ainsi que le mentionne l'article 4 de l'arrêté.

21. Dans ces conditions, l'association n'est pas fondée à soutenir que l'autorisation en litige a été délivrée en violation des intérêts protégés au point 8° l'article L. 341-5 du code forestier.

22. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que l'Association de défense du Bois de Bouéry n'est pas fondée à demander l'annulation de l'autorisation de défrichement litigieuse.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'Association de défense du Bois de Bouéry demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'Association de défense du Bois de Bouéry, la somme demandée par la SAS Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par l'Association de défense du bois de Bouéry est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association de défense du Bois de Bouéry, à la SAS Parc éolien de Mailhac-sur-Benaize, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à la société EDF Renouvelables France et au ministre de la transition écologique.

Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme G... A..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme D... E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.

La présidente,

Elisabeth A...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

9

N° 19BX00179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00179
Date de la décision : 09/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : MENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-09;19bx00179 ?
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