La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2021 | FRANCE | N°20BX02071

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 23 février 2021, 20BX02071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1906101 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2020, M. E...,

représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1906101 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2020, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mai 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2019 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux a été édicté par une autorité incompétente ;

- il est entaché d'un défaut de motivation en fait au regard de son état de santé ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision d'éloignement doit être annulée par voie de conséquence de la décision ne lui accordant qu'un délai de départ volontaire de trente jours ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle indique se rapporter à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant béninois né le 6 janvier 1977, est entré en France le 21 juin 2013, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour à la suite de son mariage célébré le 22 décembre 2012, à Bordeaux, avec une ressortissante française. Il a sollicité, le 10 mars 2014, un changement de statut de " conjoint de français " à " étranger malade " et s'est vu délivrer un titre de séjour, régulièrement renouvelé, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 6 avril 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que, à titre subsidiaire, au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code. Le préfet de la Gironde, par un arrêté du 31 octobre 2018, lui a refusé la délivrance des titres de séjour sollicités et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 mars 2019, qui a également enjoint au préfet de réexaminer la demande de titre de séjour de M. E.... Par un arrêté du 20 novembre 2019, la préfète de la Gironde lui a de nouveau refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. E... se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, le moyen soulevé en première instance tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, l'arrêté de la préfète de la Gironde fait précisément état de la situation familiale du requérant en France et dans son pays d'origine, mentionne qu'il ne peut prétendre à un droit au séjour en qualité de salarié faute de pouvoir produire un dossier complet d'admission au séjour par le travail et indique le détail du nouvel avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur son état de santé. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'un défaut de motivation en fait.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. En outre, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Pour refuser à M. E... la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions précitées, la préfète de la Gironde a retenu, en s'appropriant les termes de l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 juin 2019, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. L'intéressé produit au dossier plusieurs certificats médicaux, dont l'un de son médecin traitant daté du 29 novembre 2019, dont il peut être tenu compte bien qu'il soit postérieur à l'arrêté litigieux dès lors qu'il est de nature à éclairer un état antérieur, desquels il ressort que M. E... souffre d'une hépatite B chronique qui nécessite un suivi médical régulier et d'un asthme nécessitant un traitement de fond ainsi qu'une surveillance pneumologique régulière, et qu'il a bénéficié, en 2014, afin de remédier à un keratocône, de greffes de la cornée nécessitant des soins constants spécialisés. Toutefois, les éléments qu'il produit ne sont pas de nature à établir que le défaut d'une prise en charge médicale serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, notamment la cécité qu'il allègue. Par ailleurs, M. E... n'établit par aucune pièce que son état de santé se serait sensiblement dégradé entre la date de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et celle de l'arrêté litigieux. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la décision de refus de séjour du 20 novembre 2019 n'était pas entachée d'une erreur d'appréciation de son état de santé.

8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. E... vivait en France depuis plus de six ans à la date de l'arrêté litigieux, et il indique vivre chez son frère qui réside régulièrement sur le territoire national. Ces seules circonstances ne sauraient toutefois permettre d'établir que le centre des intérêts du requérant se situe en France alors que la préfète indique, sans être contredite, qu'il a divorcé le 16 janvier 2015 de son épouse de nationalité française, qu'il est sans charge de famille en France, qu'il ne serait pas isolé en cas de retour dans son pays d'origine où vivent ses parents, ses enfants, dont le dernier est né le 8 août 2017, et une partie de sa fratrie. Dans ces conditions et compte tenu de ce qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le défaut d'une prise en charge médicale serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, l'arrêté litigieux n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

9. En cinquième lieu, M. E... ne saurait utilement soutenir que la décision par laquelle la préfète lui a fait obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision fixant à trente jours son délai de départ volontaire qui n'en est pas la base légale.

10. En dernier lieu, M. E... se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, le moyen soulevé en première instance tiré de ce que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 20 novembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme J... H..., présidente,

Mme A... D..., présidente-assesseure,

Mme C... G..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2021.

La rapporteure,

Kolia G...

La présidente,

Catherine H...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N ° 20BX02071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02071
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : SEBBAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-23;20bx02071 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award