Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
I. M. N... K... a demandé au tribunal administratif de Pau d'ordonner avant dire-droit à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de communiquer les fiches de la bibliothèque d'information sur le système de soins des pays d'origine (BISPO) relatives à la prise en charge de la maladie de Charcot-Marie-Tooth en Serbie, et d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel la préfète du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé
le pays de renvoi et l'a astreint à se présenter une fois par semaine à la brigade de gendarmerie de L'Isle-Jourdain pour justifier de la préparation de son départ.
Par un jugement n° 1902848 du 10 mars 2020, la présidente du tribunal administratif
de Pau a rejeté sa demande.
II. Mme I... L... épouse K... a demandé au tribunal administratif
de Pau d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel la préfète du Gers a refusé
de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai
de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine
à la brigade de gendarmerie de L'Isle-Jourdain pour justifier de la préparation de son départ.
Par un jugement n° 1902836 du 10 mars 2020, la présidente du tribunal administratif
de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 8 juin 2020 sous le n° 18BX01871, M. K..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902848 du 10 mars 2020 ;
2°) d'ordonner avant dire-droit à l'OFII de communiquer les fiches de la BISPO relatives à la prise en charge de la maladie de Charcot-Marie-Tooth en Serbie ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Gers du 14 novembre 2019 ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Gers, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois et de lui délivrer, dans l'attente, l'autorisation provisoire de séjour prévue
par les dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le premier juge n'a pas statué sur les moyens tirés de l'absence de garantie
du caractère collégial de l'avis du collège de médecins de l'OFII, du caractère incomplet du rapport médical, et de l'absence d'appréciation de l'intérêt supérieur de ses enfants ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle n'apprécie pas l'intérêt supérieur de ses deux enfants, ne précise pas la date de sa demande de titre de séjour et n'indique pas qu'il n'a jamais vécu en Serbie, où sa naissance n'a pas été déclarée ;
- aucun élément du dossier ne permettait de s'assurer que le docteur de Peretti, auteur du rapport médical, était bien un médecin de l'OFII, de sorte qu'il a été privé d'une garantie ;
- en l'absence de justification par l'administration du respect des dispositions
des articles L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration et 1er du
décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017, le caractère non authentifiable des signatures électroniques ne permet pas de savoir si l'avis des médecins de l'OFII a été rendu par une formation collégiale ;
- l'avis ne précise pas si des examens complémentaires ont été réalisés, en méconnaissance des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, et ne renseigne que 2 des 6 rubriques relatives à la procédure ;
- le rapport médical était incomplet, notamment en ce qu'il ne précisait pas la nécessité d'un suivi neurologique et rééducatif, en méconnaissance des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016, ce qui aurait pu exercer une influence sur le sens de l'avis ;
- il appartient à la cour d'ordonner la production des éléments de la BISPO relatifs à la prise en charge de sa pathologie en Serbie ; il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge appropriée dès lors qu'il n'a jamais vécu dans ce pays qui ne lui a pas délivré de document d'identité, de sorte qu'il ne pourrait accéder au système de santé ; en outre, son origine rom l'empêcherait de bénéficier effectivement d'une prise en charge ; ainsi, la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- dès lors qu'il résidait en France depuis 18 mois avec son épouse à la date de la décision, que leurs enfants sont scolarisés, qu'ils sont parfaitement intégrés et qu'ils n'ont aucun lien avec la Serbie où ils n'ont jamais vécu, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la préfète n'a pas procédé à l'examen particulier de la situation en l'absence de prise en compte de l'intérêt supérieur de ses enfants qui poursuivent leur scolarité en France ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne l'astreinte à se présenter à la gendarmerie :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car son état physique ne lui permet de se déplacer qu'avec difficulté.
M. K... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2020.
II. Par une requête enregistrée le 8 juin 2020 sous le n° 18BX01870, Mme K..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902836 du 10 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Gers du 14 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Gers, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois et de lui délivrer, dans l'attente, l'autorisation provisoire de séjour prévue par les dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle n'apprécie pas l'intérêt supérieur de ses deux enfants et ne précise pas la date de la demande de titre de séjour de son époux ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à son époux ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- dès lors qu'elle résidait en France depuis 18 mois avec son époux à la date de la décision, que leurs enfants sont scolarisés, qu'ils sont parfaitement intégrés et qu'ils n'ont aucun lien avec la Serbie où ils n'ont jamais vécu, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la préfète n'a pas procédé à l'examen particulier de la situation en l'absence de prise en compte de l'intérêt supérieur de ses enfants qui poursuivent leur scolarité en France ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne l'astreinte à se présenter à la gendarmerie :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car l'état physique de son époux ne lui permet de se déplacer qu'avec difficulté.
Mme K... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme K..., de nationalité serbe, ont déclaré être entrés en France
le 3 juillet 2018 accompagnés de leurs deux enfants mineurs nés en 2006 et 2010. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 20 décembre 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA)
le 9 octobre 2019. Alors que son recours était pendant devant la CNDA, M. K... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par arrêtés
du 14 novembre 2019, la préfète du Gers a refusé de délivrer des titres de séjour à M. et
Mme K..., leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et les a astreints à se présenter une fois par semaine à la brigade
de gendarmerie de L'Isle-Jourdain pour justifier de la préparation de leur départ. M. et
Mme K... relèvent appel des jugements du 10 mars 2020 par lesquels la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés. Les requêtes enregistrées sous les nos 18BX01870 et 18BX01871 présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement n° 1902848 :
2. M. K... a invoqué dans sa requête introductive d'instance l'absence d'appréciation de l'intérêt supérieur de ses enfants préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français Le jugement ne répond pas à ce moyen, qui n'est pas inopérant. Par suite, il doit être annulé pour irrégularité.
3. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2019 relatif à la situation de M. K....
Sur la légalité de l'arrêté du 14 novembre 2019 relatif à la situation de M. K... :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
4. Par un arrêté du 4 novembre 2019, publié au recueil des actes administratifs du même jour, la préfète du Gers a donné délégation à Mme Edwige F..., secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'État dans le département. Par suite, Mme F... avait compétence pour prendre l'arrêté contesté.
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
S'agissant de la motivation :
5. La décision comporte les considérations de droit et de fait qui fondent le refus de titre de séjour au regard du rejet de la demande d'asile de M. K..., de son état de santé et de sa vie privée et familiale. La circonstance qu'elle ne mentionne ni la date de présentation de la demande de titre de séjour au regard de l'état de santé, ni les allégations de M. K... relatives à son lieu de naissance et à son absence d'attaches en Serbie, est sans incidence sur la régularité de cette motivation. En relevant que M. K... réside en France depuis moins de 18 mois, que son épouse est soumise aux mêmes mesures administratives et que leurs fils sont scolarisés depuis peu dans le système éducatif français, la préfète a tenu compte de l'intérêt supérieur des enfants. Ainsi, la motivation est suffisante, et il en ressort que la préfète a procédé à l'examen particulier de la situation de M. K....
S'agissant de l'état de santé :
6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
7. En premier lieu, la préfète du Gers a justifié en première instance, par la production d'un bordereau détaillé du directeur général de l'OFII, que le rapport médical avait été établi par le docteur de Peretti, qui n'était pas membre du collège constitué par les docteurs Candillier, Gerlier et Coulonges. La circonstance que ce document n'était pas assorti d'une preuve de la nomination du docteur de Peretti en qualité de médecin de l'OFII n'a privé M. K... d'aucune garantie.
8. En deuxième lieu, les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 313-23 selon lesquelles " le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical " ont pour objet de permettre aux services de la préfecture de suivre l'avancement de l'instruction par l'OFII des demandes de titre de séjour présentées sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Leur méconnaissance éventuelle est sans incidence sur la régularité de la procédure à l'égard du demandeur.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9
de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ". Ce référentiel est fixé par le décret
du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique. L'article 6 de l'arrêté
du 27 décembre 2016 dispose : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
10. Lorsque l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. L'avis du collège de médecins de l'OFII émis le 13 juin 2019 sur la demande de M. K..., qui porte cette mention, n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. La circonstance que l'administration n'a pas justifié du procédé utilisé pour la signature dématérialisée de l'avis n'est pas de nature à faire douter de ce qu'il a bien été rendu collégialement par ses auteurs.
11. En quatrième lieu, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 prévoit que l'avis des médecins de l'OFII " mentionne les éléments de procédure ", ce qui consiste à cocher des cases sur un formulaire. En l'espèce, le fait que la case " examen complémentaire demandé " n'est pas cochée sous la rubrique " au stade de l'élaboration du rapport " ne caractérise pas une absence de mention d'éléments de procédure, mais signifie qu'aucun examen complémentaire n'a été demandé, ce qui est d'ailleurs confirmé par le rapport médical produit en appel par le requérant.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. " Il ressort des pièces
du dossier que le certificat médical établi par le médecin traitant de M. K...
sur le formulaire destiné à l'OFII ne comportait aucun élément relatif à une perte d'autonomie progressive, ni à des besoins spécifiques d'aide d'une tierce personne, de suivi neurologique
ou de rééducation, et il n'est pas démontré qu'il aurait été accompagné de pièces apportant de telles précisions. Par suite, la circonstance que ces précisions ne figurent pas dans le rapport
du médecin de l'OFII ne peut faire regarder celui-ci comme incomplet au sens des dispositions précitées.
13. En sixième lieu, s'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation
de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales
qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen
au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.
14. M. K... a levé le secret médical sur sa pathologie, caractérisée par des paresthésies de la main droite présentes depuis plusieurs années, une petite diminution de la force de préhension de la main gauche et des troubles modérés de la marche. Le diagnostic d'une probable maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) de type démyélinisant, maladie génétique héréditaire neuromusculaire sans incidence sur l'espérance de vie, a été posé. Selon l'avis du collège de médecins de l'OFII du 13 juin 2019, l'état de santé de M. K... nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Les pièces produites par le requérant ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation. La perspective d'un " traitement très spécialisé par perfusions d'immunoglobulines polyvalentes en milieu hospitalier " s'il s'avérait que la maladie ne soit pas une CMT, mais un autre type de neuropathie plus agressive, demeure hypothétique, dans l'attente d'examens complémentaires prescrits postérieurement à la décision contestée. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
15. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) : (...) ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ; 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...). " Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent."
16. Il résulte de ce qui précède que M. K... n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, d'une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
Les pièces produites par la préfète du Gers en première instance établissent que la décision
du 9 octobre 2019 par laquelle la CNDA a rejeté le recours formé à l'encontre de la décision de l'OFPRA du 20 décembre 2018 a été notifiée à l'intéressé le 4 novembre 2019. Par suite, la préfète pouvait, le 19 novembre 2019, faire obligation à M. K... de quitter le territoire français.
17. En deuxième lieu, la décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il ressort de cette motivation régulière que la préfète du Gers a procédé à l'examen particulier de la situation de M. K... et de l'intérêt supérieur de ses enfants.
18. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
19. A la date de la décision, M. K... ne résidait en France que depuis 16 mois avec son épouse de même nationalité, également déboutée de sa demande d'asile, et leurs enfants. Les pièces produites établissent l'existence de liens sociaux et amicaux dans la commune de L'Isle-Jourdain, où une partie de la population s'est mobilisée en faveur de la famille, notamment en lui procurant un logement après la perte du droit à l'hébergement des demandeurs d'asile. Toutefois, eu égard à la brève durée du séjour, ces liens ne suffisent pas à faire regarder l'obligation de quitter le territoire français comme portant au droit de M. K... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations précitées.
20. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
21. En l'espèce, la seule circonstance que les enfants de M. K..., qui avaient commencé leur scolarité en Italie, étaient scolarisés en France depuis un peu plus d'un an, ne peut faire regarder la décision, qui n'a ni pour objet ni pour effet de les séparer d'un de leurs parents, comme contraire à leur intérêt supérieur.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
22. Il résulte de ce qui précède que M. K... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
23. M. K... ne s'est jamais prévalu de la qualité d'apatride, mais au contraire, lors de sa demande d'asile et de sa demande de titre de séjour, de la nationalité serbe et de sa naissance à Pozarevac en Serbie le 9 décembre 1988. Ni la circonstance qu'il ne dispose pas d'une pièce d'identité délivrée par les autorités serbes, ni la production d'un acte de naissance dressé en Italie, ni le fait qu'il résidait avant son entrée en France dans ce dernier pays dont il n'a pas la nationalité, ne sont de nature à faire regarder comme " entachée d'erreur manifeste d'appréciation " la décision fixant la Serbie comme pays de destination
En ce qui concerne l'obligation de se présenter à la gendarmerie :
24. Il résulte de ce qui précède que M. K... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
25. Les difficultés de déplacement invoquées par M. K... ne sont pas de nature à faire regarder comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation la décision l'astreignant à se présenter une fois par semaine seulement à la gendarmerie de L'Isle-Jourdain, commune où il réside, afin de justifier de ses diligences pour préparer son départ.
Sur la requête n° 20BX01870 de Mme K... :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
26. La décision comporte les considérations de droit et de fait qui fondent le refus de titre de séjour opposé à Mme K... au regard tant de sa demande d'asile que de sa vie privée et familiale et de l'état de santé de son époux. Elle précise que l'intéressée réside en France depuis moins de 18 mois, que son époux fait l'objet des mêmes mesures administratives, et que leurs enfants sont scolarisés depuis peu dans le système éducatif français, ce qui démontre que la préfète a tenu compte de l'intérêt supérieur des enfants. Ainsi, la motivation est suffisante, et il en ressort que la préfète a procédé à l'examen particulier de la situation de Mme K....
27. Il résulte de ce qui précède que Mme K... n'est pas fondée à invoquer une illégalité de la décision de refus de titre de séjour opposée à son époux.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
28. Il résulte de ce qui précède que Mme K... n'est pas fondée à invoquer une illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée.
29. La décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il ressort de cette motivation régulière que la préfète du Gers a procédé à l'examen particulier de la situation de Mme K... et de l'intérêt supérieur de ses enfants.
30. Eu égard à ce qui a été dit aux points 19 et 21, Mme K... n'est fondée à soutenir ni que l'obligation de quitter le territoire français porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
31. Il résulte de ce qui précède que Mme K... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne l'obligation de se présenter à la gendarmerie :
32. Il résulte de ce qui précède que Mme K... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, une illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
33. Les difficultés de déplacement de M. K... ne sont pas de nature à faire regarder la décision astreignant Mme K... à se présenter une fois par semaine à la gendarmerie de L'Isle-Jourdain comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
34. Il résulte de tout ce qui précède que M. K... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2019 pris à son encontre et que Mme K... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté qui la concerne. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement de la présidente du tribunal administratif de Pau n° 1902848 du 10 mars 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. K... devant le tribunal administratif de Pau
et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : La requête de Mme K... est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. N... K..., à Mme I... L... épouse K... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet du Gers.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme J... H..., présidente,
Mme A... D..., présidente-assesseure,
Mme C... G..., conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
La rapporteure,
Anne D...
La présidente,
Catherine H...La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 20BX01871, 20BX01870