Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler 1'arrêté du 27 avril 2020, notifié le 28 avril 2020, par lequel le préfet de la Dordogne lui a refusé l'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2001890 du 7 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé devant la formation collégiale du tribunal l'examen des conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour contenue dans cet arrêté et a rejeté le surplus des conclusions de M. E....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 7 mai 2020 en ce qu'il concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour pour une durée de trois ans ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2020 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour et qu'il concerne le pays de destination ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas examiné les moyens qu'il a soulevés ;
- le jugement et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a fait l'objet que d'une condamnation isolée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son suivi médical pourra être poursuivi dans son pays d'origine ni qu'il pourra y bénéficier d'un suivi adéquat et que la mesure d'éloignement porte atteinte à sa vie privée et familiale ;
- l'interdiction de retour pour une durée de trois ans est disproportionnée ;
- la décision fixant le pays de destination ne vise aucun pays en particulier.
Le mémoire en défense produit par le préfet de la Dordogne a été enregistré le 18 janvier 2021 à 14 h 36, soit postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date de l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant camerounais né le 30 janvier 1991, serait entré en France en mai 2015 selon ses déclarations. Sa demande d'asile, déposée le 19 août 2016, a été définitivement rejetée par une décision du 22 décembre 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Sa demande de titre de séjour, déposée le 2 février 2018, présentée sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été rejetée par un arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 27 mars 2018, ce refus de titre de séjour étant assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Le recours formé contre cet arrêté a été rejeté par la cour administrative d'appel de Bordeaux par un arrêt du 12 juin 2019 devenu définitif. M. E..., incarcéré depuis le mois de janvier 2019, a été condamné le 24 mai 2019 à deux ans d'emprisonnement pour des faits de transport, détention, offre ou cession et acquisition non autorisée de stupéfiants. Les 14 janvier et 31 mars 2020, il a présenté des demandes de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puis du 7° de l'article L. 313-11 de ce code. Par un arrêté du 27 avril 2020, le préfet de la Dordogne a rejeté ses demandes de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai dès la levée d'écrou, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. E... a été libéré le 30 avril 2020 et assigné à résidence par arrêté du même jour du préfet de la Charente-Maritime. Par la présente requête, M. E... relève appel du jugement du 7 mai 2020 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
2. En se bornant à indiquer dans sa requête que " le tribunal n'a pas examiné les moyens " qu'il avait soulevés, M. E... n'assortit pas son moyen de précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, à supposer que le requérant ait entendu soulevé un tel moyen, doit être écarté.
3. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que si l'état de santé de M. E..., qui a levé le secret médical et qui souffre d'une pathologie psychiatrique, nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ni le certificat médical produit à l'appui de la demande de titre de séjour présentée par M. E... ni l'attestation rédigée le 23 mars 2020 par un psychiatre du centre de détention de Neuvic indiquant que l'intéressé a été suivi au cours de 5 séances depuis le 4 novembre 2019, ne sont de nature à contredire l'avis du collège de médecins quant au conséquence d'un défaut de prise en charge médicale de M. E.... Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il vit en concubinage, depuis le mois de juin 2015, avec une ressortissante française avec qui il envisageait de se marier et qu'il s'occupe des trois enfants de celle-ci, les trois attestations qu'il produit en appel, rédigées en termes généraux, ne sont pas suffisantes pour caractériser l'ancienneté et la stabilité de cette relation. Par ailleurs il est entré en France à l'âge de 24 ans après avoir passé la plus grande partie de sa vie au Cameroun, pays dans lequel réside son enfant né en 2011. Dès lors, M. E... ne peut être regardé comme justifiant, en France, de liens d'une nature ou d'une intensité particulière, les circonstances qu'il a travaillé et suivi des formations au cours de son incarcération et qu'il s'est investi dans le milieu associatif en entrainant des jeunes au basket ne pouvant être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme caractérisant de tels liens. Compte tenu de son passé judiciaire, il ne justifie pas non plus d'une volonté d'intégration particulière en France alors même qu'il n'a fait l'objet que d'une condamnation isolée. Dans ces conditions, le préfet a pu, sans méconnaitre l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entacher ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation, rejeter les demandes de titres de séjour présentées par M. E... au titre de son état de santé et de sa vie privée et familiale. Par suite, à le supposer soulevé, le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de la prétendue illégalité des décisions portant refus de titre de séjour doit être écarté.
4. Pour les mêmes motifs que ceux relevés au point précédent, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation en obligeant M. E... à quitter le territoire français et en fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement alors même que l'intéressé n'a fait l'objet que d'une condamnation isolée et que sa concubine ne pourrait pas le rejoindre au Cameroun puisqu'elle est mère de trois enfants français en bas-âge.
5. En indiquant que M. E... sera reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il est légalement admissible, le préfet de la Dordogne a nécessairement visé le Cameroun, pays dont M. E... a la nationalité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute de fixation du pays de destination doit être écarté.
6. Enfin, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour en France de M. E..., de la circonstance qu'il n'a pas exécuté une première mesure d'éloignement, de la menace qu'il représente pour l'ordre public au regard de la condamnation dont il a fait l'objet, alors même qu'elle est isolée, et de l'absence de liens personnels et familiaux anciens et stables en France, le préfet de la Dordogne, en décidant de lui interdire de retourner en France pendant une durée de trois ans, ne peut être regardé comme ayant entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour pour une durée de trois ans. Par voie de conséquence ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme C... A..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Charlotte Isoard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
Le président,
Marianne A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX01780 2