La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2021 | FRANCE | N°19BX00684

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 février 2021, 19BX00684


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... H... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de leur accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels ils ont été assujettis au titre de la période courant de janvier 2012 à novembre 2014 ainsi que les pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1701456 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, et un mémoire, enregis

tré le 26 mai 2020, M. H... représenté par Me A... demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... H... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de leur accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels ils ont été assujettis au titre de la période courant de janvier 2012 à novembre 2014 ainsi que les pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1701456 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, et un mémoire, enregistré le 26 mai 2020, M. H... représenté par Me A... demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période courant de janvier 2012 à novembre 2014 ainsi que les pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent :

- que la procédure de taxation d'office mise en oeuvre est irrégulière dès lors que les dispositions du 3° de l'article L. 68 précité permettant de déroger à l'envoi d'une mise en demeure ne lui sont pas applicables puisqu'il ne s'est pas livré à une activité occulte au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ; au surplus, il résulte des dispositions combinées des articles 371 AI et 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts et de l'article R. 123-3 du code de commerce, dans leurs versions applicables au litige, que les contribuables percevant des revenus imposables au titre des bénéfices commerciaux ne provenant pas de l'exercice d'une " activité à titre de profession habituelle " ne sont pas astreints à se faire connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises de sorte que l'administration était tenu de lui adresser une mise en demeure préalable à la taxation d'office de ses revenus ;

- que l'administration fiscale ne rapporte pas la preuve qu'il exerce de manière indépendante une activité économique taxable au sens de l'article 256 A du code général des impôts ; de fait, il n'a pas exercé en qualité d'opérateur indépendant et n'a exercé un négoce de vins que de façon occasionnelle et non professionnelle ; il n'y a ni répétition fréquente de plusieurs opérations d'achats-reventes sur une période donnée ni recours à des moyens commerciaux analogues à ceux qui caractérisent une activité exercée par un négociant en vins professionnel ; l'instruction 3 CA-92 § n°95 du 27 août 1992 applicable à la cause reprise au BOI-TVA-CHAMP-10-10-20 § n° 330, opposable conformément à l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, confirme que la personne qui réalise à titre occasionnel une opération économique n'a en principe pas la qualité d'assujetti ;

- la pénalité pour activité occulte n'est pas justifiée car elle ne peut s'appliquer qu'à l'hypothèse ici non vérifiée où l'activité est exercée par un contribuable qui, cumulativement, soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce alors qu'il y était obligé, soit s'est livré à une activité illicite, et n'a pas accompli d'obligations déclaratives dans les délais légaux ; or, les redevables de la TVA, ne peuvent être astreints à immatriculation que lorsqu'ils exercent leur activité à titre de profession habituelle ; en tout état de cause, M. H... est de bonne foi et si le tribunal de grande instance de Bordeaux l'a déclaré coupable des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt commis au cours des années 2012 et 2013, le juge administratif n'est lié ni par la qualification ni par l'interprétation donnée à ces faits sur le plan pénal.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 août 2019 et le 16 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er septembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 1er octobre 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... G...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant les intérêts de M. H....

Deux notes en délibéré présentées par Me A... ont été enregistrées les 20 et 21 janvier 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme H... ont fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle au titre des années 2011 et 2012. Dans le cadre de ce contrôle, M. H... a notamment indiqué avoir effectué en 2012 et 2013, des opérations d'achats " en primeur " de bouteilles de vins Petrus en vue de les revendre. Cette information a conduit l'administration à diligenter une vérification de comptabilité au titre des années 2012 et 2013, étendue jusqu'au 31 novembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée à l'issue de laquelle, constatant l'existence de recettes imposables réalisées au titre de cette activité économique non déclarée, elle a notifié à M. H... selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 3° du livre, des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée. M H... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2018 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels son foyer fiscal a été assujetti au titre de la période courant de janvier 2012 à novembre 2014 ainsi que les pénalités y afférentes.

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". Il résulte, par ailleurs, des dispositions combinées du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige, et de l'article L. 67 de ce livre que l'obligation de notifier au contribuable une mise en demeure de régulariser sa situation préalablement à la taxation d'office, qui s'applique notamment en matière d'impôt sur le revenu lorsque le contribuable ne s'est pas livré à une activité occulte, ne s'applique pas en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

3. Il résulte de ces dispositions que le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il a été irrégulièrement taxé d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée, faute d'avoir été mis en demeure de régulariser sa situation en déposant une déclaration.

En ce qui concerne l'existence d'une activité économique par M. H... :

4. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". L'article 256 A du même code prévoit que : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...). Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...). Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. Les dispositions précitées des articles 256 et 256 A du code général des impôts doivent être interprétées à la lumière des dispositions de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 dont elles assurent la transposition. Aux termes de l'article 9, paragraphe 1, de la même directive : " Est considéré comme "assujetti" quiconque exerce, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. / Est considérée comme "activité économique" toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...). / Est en particulier considérée comme activité économique, l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en tirer des recettes ayant un caractère de permanence (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que M. H... a acquis en primeur, le 7 mars 2012, 120 bouteilles de Pétrus 2009, pour un prix de 75 348 € TTC et le 28 mars 2013, 120 bouteilles de Pétrus 2010, pour un prix de 89 700 € TTC. La marchandise a été mise à sa disposition par ses fournisseurs respectivement le 7 juin 2012 et le 9 avril 2013, dates auxquelles ces bouteilles de vins avaient déjà été revendues par M. H... à la société Descaves pour un prix respectif de 180 000 € et 195 000 euros. Le requérant n'a ce faisant jamais pris possession des bouteilles qu'il a acquises. Ces achats-reventes, répétés à deux reprises, et dont résulte un profit important caractérisent, alors même que M. H... s'est abstenu de toute démarche commerciale, l'exercice d'une activité économique qui est exclusive de toute gestion d'un patrimoine personnel. La circonstance que l'intéressé n'aurait pas exercé son activité en qualité d'opérateur indépendant dès lors qu'il se serait agi d'une " opération clé en mains " n'est étayée par aucun élément probant. La chronologie de ces opérations ne traduit pas davantage la possibilité d'un achat de bouteilles pour une consommation personnelle.

6. Le requérant n'est pas davantage fondé à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les termes de la documentation administrative 3 CA-92 n°95 du 27 août 1992 qui, sur ce point en litige, ne fait pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application.

Sur la charge de la preuve et le bien fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

7. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre dispose que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

8. En l'occurrence, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mises à la charge de M. et Mme H... ayant été établis à l'issue de la mise en oeuvre de la taxation d'office prévue par l'article L. 66 3° du livre des procédures fiscales, il lui appartient d'en établir le caractère exagéré. Le requérant ne soutient ni même n'allègue que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge présentent un caractère exagéré.

En ce qui concerne la majoration de 80% en cas de découverte d'une activité occulte :

9. Aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

10. En l'absence de toute déclaration par le requérant, à l'administration fiscale, en application de l'article 287 du code général des impôts, du chiffre d'affaires réalisé sur les opérations entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnées au point 4 du présent arrêt, et de porter à connaissance de son activité économique à caractère commercial à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce sur le fondement des articles 371 AI et 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts et de l'article R. 123-3 du code de commerce et alors que le requérant n'établit pas qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives, l'activité économique de M. H... est réputée occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Dès lors, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle exercée par M. H... et est fondée à faire application de la majoration de 80 % prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... H... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme E... C..., présidente,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

M. F... G... premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

La présidente,

Evelyne C...

La République mande et ordonne au ministre de de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°19BX00684


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00684
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Redevable de la taxe.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL LANGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-16;19bx00684 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award